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nomenclature régulière', et l'on s'aperçoit maintenant qu'on s'est trompé. Encore un certain nombre de faits, et il faudra briser les cases de la chimie moderne. Qu'aura-ton gagné à bouleverser les noms, appeler l'air vital, oxygène, etc.? Les sciences sont un labyrinthe où l'on s'enfonce plus avant au moment même où l'on croyait en sortir. »

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Ces objections sont spécieuses, mais elles ne regardent pas plus la chimie que les autres sciences. Lui reprocher de se dé

1. Par les terminaisons des acides en eux et ev iques : on a démontré récemment que l'acide nitrique et l'acide sulfurique n'étaient point le résultat d'une addition d'oxygène à l'acide nitreux et à l'acide sulfureux. Il y avait tou- . jours, dès le principe, un vide dans le système par l'acide nfuriatique, qui n'avait pas de positif en eux. M. Berthollet est, dit-on, sur le point de prouver que l'azote, regardé jusqu'à présent comme une simple essence combinée, avec le caloriqué, est une substance composée. Il n'y a qu'un fait certain en chimie, fixé par Boerhaave, et développé par Lavoisier; savoir, que le calorique, ou la substance qui, unie à la lumière, compose le feu, tend sans cesse à distendre les corps, ou à écarter les unes des autres leurs molécules constitutives.

tromper elle-même par ses expériences, c'est l'accuser de sa bonne foi, et de n'être pas dans le secret de l'essence des choses. Et qui donc est dans ce secret, sinon cette intelligence première qui existe de toute éternité? La brièveté de notre vie, la faiblesse de nos sens, la grossièreté de nos instruments et de nos moyens, s'opposent à la découverte de cette formule générale, que Dieu nous cache à jamais. On sait que nos sciences décomposent et recomposent, mais qu'elles ne peuvent composer. C'est cette impuissance de créer qui découvre le côté faible et le néant de l'homme. Quoi qu'il fasse, il ne peut rien, tout lui résiste; il ne peut plier la matière à son usage, qu'elle ne se plaigne et ne gémisse: il semble attacher ses soupirs et son cœur tumultueux à tous ses ouvrages!

Dans l'œuvre du Créateur, au contraire, tout est muet, parce qu'il n'y a point d'effort; tout est silencieux, parce que tout est, soumis il a parlé, le chaos s'est tu, les globes se sont glissés sans bruit dans l'es

pace.

Les puissances unies de la matière sont à une seule parole de Dieu comme rien est à tout, comme les choses créées sont à la nécessité. Voyez l'homme à ses travaux; quel effrayant appareil de machines ! I aiguise le fer, il prépare le poison, il appelle les éléments à son secours; il fait mugir l'eau, il fait siffler l'air, ses fourneaux s'allument. Armé du feu, que va tenter ce nouveau Prométhée? Va-t-il créer un monde? Non; il va détruire : il ne peut enfanter que la mort!

Soit préjugé d'éducation, soit habitude d'errer dans les déserts, et de n'apporter que notre cœur à l'étude de la nature, nous avouons qu'il nous fait quelque peine de voir l'esprit d'analyse et de classification dominer dans les sciences aimables, où l'on ne devrait rechercher que la beauté et la bonté de la Divinité. S'il nous est permis de le dire, c'est, ce nous semble, une grande pitié que de trouver aujourd'hui l'homme mammifère rangé, d'après le système de Linné, avec les singes, les

chauves-souris et les paresseux. Ne valait-il pas autant le laisser à la tête de la création, où l'avaient placé Moïse, Aristote, Buffon et la nature? Touchant de son ame aux cieux, et de son corps à la terre, on aimait à le voir former, dans la chaîne des êtres, l'anneau qui lie le monde visible au monde invisible, le temps à l'éternité.

<< Dans ce siècle même, » dit Buffon, «< où les sciences paraissent être cultivées avec soin, je crois qu'il est aisé de s'apercevoir que la philosophie est négligée, et peutêtre plus que dans aucun siècle; les arts, qu'on veut appeler scientifiques, ont pris sa place; les méthodes de calcul et de géométrie, celles de botanique et d'histoire naturelle, les formules, en un mot, et les dictionnaires, occupent presque tout le monde: on s'imagine savoir davantage, parce qu'on a augmenté le nombre des expressions symboliques et des phrases savantes, et on ne fait point attention que tous ces arts ne sont que des échafaudages pour arriver à la science, et non pas la science elle-même;

qu'il ne faut s'en servir que lorsqu'on ne peut s'en passer, et qu'on doit toujours se défier qu'ils ne viennent à nous manquer, lorsque nous voudrons les appliquer à l'édifice'. »

Ces remarques sont judicieuses, mais il nous semble qu'il y a dans les classifications un danger encore plus pressant. Ne doit-on pas craindre que cette fureur de ramener nos connaissances à des signes physiques, de ne voir dans les races diverses de la création que des doigts, des dents, des becs, ne conduise insensiblement la jeunesse au matérialisme? Si pourtant il est quelque science où les inconvénients de l'incrédulité se fassent sentir dans leur plénitude, c'est en histoire naturelle. On flétrit alors ce qu'on touche: les parfums, l'éclat des couleurs, l'élégance des formes, disparaissent dans les plantes pour le botaniste qui n'y attache ni moralité ni tendresse. Lorsqu'on n'a point de religion, le cœur

1. Buff., Hist. nat., tom. I, prem. disc., p. 79.

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