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digression, sans discours; elle est semée de sentences, et les personnages y sont nommés sans flatterie. Les noms reviennent les rem

sans fin, et rarement le pronom place; circonstance qui, jointe au retour fréquent de la conjonction et, annonce, par cette simplicité, une société bien plus près de l'état de nature, que la société peinte par Homère. Les amours-propres sont déjà éveillés dans les hommes de l'Odyssée; ils dorment encore chez les hommes. de la Genèse.

4o Description.

Les descriptions d'Homère sont longues, soit qu'elles tiennent du caractère tendre ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort, ou sublime.

La Bible, dans tous ses genres, n'a ordinairement qu'un seul trait; mais ce trait est frappant, et met l'objet sous les

yeux.

5° Les comparaisons.

Les comparaisons homériques sont pro

longées par des circonstances incidentes: ce sont de petits tableaux suspendus au pourtour d'un édifice, pour délasser la vue de l'élévation des dômes, en l'appelant sur des scènes de paysages et de mœurs champêtres.

Les comparaisons de la Bible sont généralement exprimées en quelques mots: c'est un lion, un torrent, un orage, un incendie, qui rugit, tombe, ravage, dévore. Toutefois elle connaît aussi les comparaisons détaillées; mais alors elle prend un tour oriental, et personnifie l'objet, comme l'orgueil dans le cèdre, etc.

6° Le sublime.

Enfin, le sublime dans Homère naît ordinairement de l'ensemble des parties, et arrive graduellement à son terme.

Dans la Bible il est presque toujours inattendu; il fond sur vous comme l'éclair; vous restez fumant et sillonné par la foudre, avant de savoir comment elle vous a frappé.

Dans Homère, le sublime se compose encore de la magnificence des mots en harmonie avec la majesté de la pensée.

Dans la Bible, au contraire, le plus haut sublime provient souvent d'un contraste entre la grandeur de l'idée et la petitesse, quelquefois même la trivialité du mot qui sert à la rendre. Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l'ame: car lorsque, exalté par la pensée, l'esprit s'élance dans les plus hautes régions, soudain l'expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers. Cette sorte de sublime, le plus impétueux de tous, convient singulièrement à un Être immense et formidable, qui touche à la fois aux plus grandes et aux plus petites choses.

CHAPITRE IV.

SUITE DU PARALLÈLE DE LA BIBLE ET D'HOMÈRE.

EXEMPLES.

QUELQUES exemples achèveront maintenant le développement de ce parallèle. Nous prendrons l'ordre inverse de nos premières bases; c'est-à-dire que nous commencerons par les lieux d'oraison dont on peut citer des traits courts et détachés (tels que le sublime et les comparaisons), pour finir par la simplicité et l'antiquité des moeurs.

Il y a un endroit remarquable pour le sublime dans l'Iliade: c'est celui où Achille, après la mort de Patrocle, paraît désarmé sur le retranchement des Grecs, et épouvante les bataillons troyens par ses cris 1. Le nuage d'or qui ceint le front du fils de

1. Iliad. liv. xvi, vers 204.

Pélée, la flamme qui s'élève sur sa tête, la comparaison de cette flamme à un feu placé la nuit au haut d'une tour assiégée, les trois cris d'Achille, qui trois fois jettent la confusion dans l'armée troyenne : tout cela forme ce sublime homérique qui, comme nous l'avons dit, se compose de la réunion de plusieurs beaux accidents et de la magnificence des mots.

Voici un sublime bien différent : c'est le mouvement de l'ode dans son plus haut délire.

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Prophétie contre la vallée de Vision.

D'où vient que tu montes ainsi en foule sur les toits

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Ville pleine de tumulte, ville pleine de peuple, ville triomphante? Les enfants sont tués, et ils ne sont point morts par l'épée; ils ne sont point tombés par la guerre....

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Le Seigneur vous couronnera d'une couronne de maux. Il vous jettera comme une balle dans un champ large et spacieux. Vous mourrez là; et c'est à quoi se réduira le char de votre gloire 1. »

Dans quel monde inconnu le prophète vous jette tout à coup! Où vous transporte

1. Is., chap. xII, V. 1-2, 18.

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