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et répète souvent dans les mêmes phrases ce qu'elle vient déjà de dire.

La simplicité de l'Écriture est celle d'un antique prêtre qui, plein des sciences divines et humaines, dicte du fond du sanctuaire les oracles précis de la sagesse.

La simplicité du poète de Chio est celle d'un vieux voyageur qui raconte au foyer de son hôte ce qu'il a appris dans le cours d'une vie longue et traversée..

2° Antiquité des mœurs.

Les fils des pasteurs d'Orient gardent les troupeaux comme les fils des rois d'Ilion; mais lorsque Pâris retourne à Troie, il habite un palais parmi des esclaves et des voluptés.

Une tente, une table frugale, des serviteurs rustiques, voilà tout ce qui attend les enfants de Jacob chez leur père.

Un hôte se présente-t-il chez un prince dans Homère, des femmes, et quelquefois la fille même du roi, conduisent l'étranger

au bain. On le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d'or et d'argent, on le revêt d'un manteau de pourpre, on le conduit dans la salle du festin, on le fait s'asseoir dans une belle chaise d'ivoire, ornée d'un beau marche-pied. Des esclaves mêlent le vin et l'eau dans les coupes, et lui présentent les dons de Cérès dans une corbeille le maître du lieu lui sert le dos succulent de la victime, dont il lui fait une part cinq fois plus grande que celle des autres. Cependant on mange avec une grande joie, et l'abondance a bientôt chassé la faim. Le repas fini, on prie l'étranger de raconter son histoire. Enfin, à son départ, on lui fait de riches présents, si mince qu'ait paru d'abord son équipage; car on suppose que c'est un Dieu qui vient, ainsi déguisé, surprendre le cœur des rois, où un homme tombé dans l'infortune, et par conséquent le favori de Jupiter.

Sous la tente d'Abraham, la réception se passe autrement. Le patriarche sort pour aller au devant de son hôte, il le salue, et

puis adore Dieu. Les fils du lieu emmènent les chameaux, et les filles leur donnent à boire. On lave les pieds du voyageur: il s'assied à terre, et prend en silence le repas de l'hospitalité. On ne lui demande point. son histoire, on ne le questionne point; il demeure ou continue sa route à volonté. A son départ, on fait alliance avec lui, et l'on élève la pierre du témoignage. Cet autel doit dire aux siècles futurs que deux hommes des anciens jours se rencontrèrent dans le chemin de la vie; qu'après s'être traités comme deux frères, ils se quittèrent pour ne se revoir jamais, et pour mettre de grandes régions entre leurs tombeaux.

Remarquez que l'hôte inconnu est un étranger chez Homère, et un voyageur dans la Bible. Quelles différentes vues de l'humanité! Le grec ne porte qu'une idée politique et locale, où l'hébreu attache un sentiment moral et universel.

Chez Homère, les œuvres civiles se font avec fracas et parade: un juge, assis au milieu de la place publique, prononce

à

haute voix ses sentences; Nestor, au bord de la mer, fait des sacrifices ou harangue les peuples. Une noce a des flambeaux, des épithalames, des couronnes suspendues aux portes: une armée, un peuple entier assistent aux funérailles d'un roi: un serment se fait au nom des Furies, avec des imprécations terribles, etc.

Jacob, sous un palmier, à l'entrée de sa tente, distribue la justice à ses pasteurs. << Mettez la main sur ma cuisse',» dit Abraham à son serviteur, « et jurez d'aller en Mésopotamie. Deux mots suffisent pour conclure un mariage au bord de la fontaine. Le domestique amène l'accordée au fils de son maître, ou le fils du maître s'engage à garder pendant sept ans les

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1. Femur meum. Cette coutume de jurer par la génération des hommes est une naïve image des mœurs des premiers jours du monde, alors que la terre avait encore d'immenses déserts, et que l'homme était pour l'homme

ce qu'il y avait de plus cher et de plus grand. Les Grecs connurent aussi cet usage, comme on le voit dans la Vie de Crates. Diog. Laert., lib. vi.

troupeaux de son beau-père, pour obtenir sa fille. Un patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d'Éphron. Ces mœurs-là sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu'elles sont plus simples; elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières.

3° La narration.

La narration d'Homère est coupée par des digressions, des disconrs, des descriptions de vases, de vêtements, d'armes et de sceptres; par des généalogies d'hommes ou de choses. Les noms propres y sont hérissés d'épithètes; un héros manque rarement d'être divin, semblable aux immortels, ou honoré des peuples comme un Dieu. Une princesse a toujours de beaux bras; elle est toujours comme la tige du palmier de Délos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Graces.

La narration de la Bible est rapide, sans

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