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«

Pourquoi le jour a-t-il été donné au misérable, et la vie à ceux qui sont dans l'amertume du cœur 1? »

Jamais les entrailles de l'homme n'ont fait sortir de leur profondeur un cri plus douloureux.

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L'homme né de la femme vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères . »

Cette circonstance, né de la femme, est une redondance merveilleuse; on voit toutes les infirmités de l'homme dans celles de sa mère. Le style le plus recherché ne peindrait pas la vanité de la vie avec la même force que ce peu de mots : « Il vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup

de misères. »

Au reste, tout le monde connaît ce passage où Dieu daigne justifier sa puissance devant Job, en confondant la raison de l'homme; c'est pourquoi nous n'en parlons point ici.

1. Job, chap. III, V. 20. 2. Id. chap. xiv, V. I.

Le troisième caractère sous lequel il nous resterait à envisager le style historique de la Bible, est le caractère pastoral; mais nous aurons occasion d'en traiter avec quelque étendue dans les deux chapitres suivants.

Quant au second style général des saintes lettres, à savoir la poésie sacrée, une foule de critiques s'étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter. Qui n'a lu les chœurs d'Esther et d'Athalie, les odes de Rousseau et de Malherbe? Le traité du docteur Lowth est entre les mains de tous les littérateurs, et La Harpe a donné en prose une traduction estimée du pзal

miste.

Enfin, le troisième et dernier style des livres saints, est celui du Nouveau-Testament. C'est là que la sublimité des prophètes se change en une tendresse non moins sublime; c'est là que parle l'amour divin; c'est là que le Verbe s'est réellement fait chair. Quelle onction! quelle simplicité !

Chaque évangéliste a un caractère particulier, excepté saint Marc, dont l'Évangile ne semble être que l'abrégé de celui de saint Matthieu. Saint Marc, toutefois, était disciple de saint Pierre, et plusieurs ont pensé qu'il a écrit sous la dictée de ce prince des apôtres. Il est digne de remarque qu'il a raconté aussi la faute de son maître. Cela nous semble un mystère sublime et touchant, que Jésus-Christ ait choisi pour chef de son Église précisément le seul de ses disciples qui l'eût renié. Tout l'esprit du christianisme est là saint Pierre est l'Adam de la nouvelle loi ; il est le père coupable et repentant des nouveaux Israélites; sa chute nous enseigne en outre que la religion chrétienne est une religion de miséricorde, et que Jésus-Christ a établi sa loi parmi les hommes sujets à l'erreur, moins encore pour l'innocence que pour le repentir.

:

L'Évangile de saint Matthieu est surtout précieux pour la morale. C'est cet apôtre qui nous a transmis le plus grand nombre

de ces préceptes en sentiments, qui sortaient avec tant d'abondance des entrailles de Jésus-Christ.

Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre. On reconnaît en lui le disciple que Jésus aimait, le disciple qu'il voulut avoir auprès de lui, au jardin des Oliviers, pendant son agonie. Sublime distinction sans doute! car il n'y a que l'ami de notre ame qui soit digne d'entrer dans le mystère de nos douleurs. Jean fut encore le seul des apôtres qui accompagna le Fils de l'Homme jusqu'à la croix. Ce fut là que le Sauveur lui légua sa mère. Mulier, ecce Filius tuus: deindè dicit discipulo: Ecce Mater tua. Mot céleste, parole ineffable! Le disciple bien-aimé, qui avait dormi sur le sein de son maître, avait gardé de lui une image ineffaçable: aussi le reconnut-il le premier après sa résurrection. Le cœur de Jean ne put se méprendre aux traits de son divin ami, et la foi lui vint de la charité.

Au reste, l'esprit de tout l'Évangile de saint Jean est renfermé dans cette maxime qu'il allait répétant dans sa vieillesse : cet apôtre, rempli de jours et de bonnes œuvres, ne pouvant plus faire de longs discours au nouveau peuple qu'il avait enfanté à Jésus-Christ, se contentait de lui dire : Mes petits enfans, aimez-vous les uns les

autres.

Saint Jérôme prétend que saint Luc était médecin, profession si noble et si belle dans l'antiquité, et que son Évangile est la médecine de l'ame. Le langage de cet apôtre est pur et élevé : on voit que c'était un homme versé dans les lettres, et qui connaissait les affaires et les hommes de son temps. Il entre dans son récit à la manière des anciens historiens; vous croyez entendre Hérodote :

<< 1° Comme plusieurs ont entrepris d'é<< crire l'histoire des choses qui se sont accomplies parmi nous;

<< 2° Suivant le rapport que nous en ont

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