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dans sa pein

naturel, est plus agréable que dans sa ture allégorique, et que nous gagnons d'un côté ce que nous semblons perdre de l'autre.

:

Quant aux combats, ce qu'on a dit contre les anges de Milton peut se rétorquer contre les dieux d'Homère de l'une et de l'autre part, ce sont des divinités pour lesquelles on ne peut craindre, puisqu'elles ne peuvent mourir. Mars, renversé, et couvrant de son corps neuf arpents, Diane donnant des soufflets à Vénus, sont aussi ridicules qu'un ange coupé en deux, et qui se renoue comme un serpent. Les puissances surnaturelles peuvent encore présider aux combats de l'épopée; mais il nous semble qu'elles ne doivent plus en venir aux mains, hors dans certains cas, qu'il n'appartient qu'au goût de déterminer : c'est ce que la raison supérieure de Virgile avait déjà senti il y a plus de dix-huit cents ans.

Au reste,

il n'est tout-à-fait vrai que

pas

les divinités chrétiennes soient ridicules

dans les batailles. Satan, s'apprêtant à com

est

battre Michel dans le paradis terrestre, superbe; le Dieu des armées, marchant dans une nuée obscure à la tête des légions fidèles, n'est pas une petite image; le glaive exterminateur, se dévoilant tout à coup aux yeux de l'impie, frappe d'étonnement et de terreur; les saintes milices du ciel, sapant les fondements de Jérusalem, font presque un aussi grand effet que les dieux ennemis de Troie, assiégeant le palais de Priam; enfin il n'est rien de plus sublime dans Homère, que le combat d'Emmanuel contre les mauvais anges dans Milton, quand, les précipitant au fond de l'abîme, le Fils de l'Homme retient à moitié sa foudre, de peur de les anéantir.

CHAPITRE V..

CARACTÈRE DU VRAI DIEU.

C'EST une chose merveilleuse, que le Dieu de Jacob soit aussi le Dieu de l'Évangile; que le Dieu qui lance la foudre soit encore le Dieu de paix et d'innocence.

Il donne aux fleurs leur aimable peinture;

Il fait naître et mûrir les fruits,

Et leur dispense avec mesure,

Et la chaleur des jours, et la fraîcheur des nuits.

Nous croyons n'avoir pas besoin de preuves pour montrer combien le Dieu des chrétiens est poétiquement supérieur au Jupiter antique. A la voix du premier, les fleuves, rebroussent leurs cours, le ciel se roule comme un livre, les mers s'entr'ouvrent, les murs des cités se renversent, les

morts ressuscitent, les plaies descendent sur les nations. En lui le sublime existe de soi-même, et il épargne le soin de le chercher. Le Jupiter d'Homère, ébranlant le ciel d'un signe de ses sourcils, est sans doute fort majestueux; mais Jéhovah descend dans le chaos, et lorsqu'il prononce le fiat lux, le fabuleux fils de Saturne s'abîme et rentre dans le néant.

Si Jupiter veut donner aux autres dieux une idée de sa puissance, il les menace de les enlever au bout d'une chaîne: il ne faut à Jéhovah, ni chaîne, ni essai de cette na

ture.

Et quel besoin son bras a-t-il de nos secours?
Que peuvent contre lui tous les rois de la terre?
En vain ils s'uniraient pour lui faire la guerre :
Pour dissiper leur ligue il n'a qu'à se montrer;
Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer.
Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble:
Il voit comme un néant tout l'univers ensemble;
Et les faibles mortels, vains jouets du trépas,
Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas

1. Racine, Esther:

Achille va paraître pour venger Patrocle. Jupiter déclare aux Immortels qu'ils peuvent se mêler au combat, et prendre parti dans la mêlée. Aussitôt l'Olympe s'é

branle :

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Δεινὸν, etc. 4.

Le père des dieux et des hommes fait gronder sa foudre. Neptune, soulevant ses ondes, ébranle la terre immense; l'Ida secoue ses fondements et ses cimes; ses fontaines débordent les vaisseaux des Grecs, la ville des Troyens, chancellent sur le sol flottant. »

Pluton sort de son trône; il pálit, il s'écrie, etc.

Ce morceau a été cité par les critiques comme le dernier effort du sublime. Les vers grecs sont admirables; ils deviennent tour à tour le foudre de Jupiter, le trident de Neptune et le cri de Pluton. Il semble qu'on entende les gorges de l'Ida répéter le son des tonnerres :

Δεινὸν δ ̓ ἐβρόντησε πατὴρ ἀνδρῶν τε θεών τε.

Ces R et ces consonnances en (on), dont

1. Homère, Iliade, liv. xx, vers 56,

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