Page images
PDF
EPUB

дето

HARVARD UNIVERSITY LIBRARY

DU CHRISTIANISME.

DEUXIÈME PARTIE.

POÉTIQUE DU CHRISTIANISME.

LIVRE TROISIÈME.

SUITE DE LA POÉSIE DANS SES RAPPORTS AVEC LES

HOMMES.

PASSIONS.

CHAPITRE PREMIER.

QUE LE CHRISTIANISME A CHANGÉ LES RAPPORTS DES PASSIONS

EN CHANGEANT LES BASES DI VICE ET DE LA VERTU.

[graphic]

DE l'examen des caractères, nous venons à celui des passions. On sent qu'en traitant des premiers, il nous a été impos

sible de ne pas toucher un peu aux secondes; mais ici nous nous proposons d'en parler plus amplement.

S'il existait une religion qui s'occupât sans cesse de mettre un frein aux passions de l'homme, cette religion augmenterait nécessairement le jeu des passions dans le drame et dans l'épopée; elle serait plus favorable à la peinture des sentiments que toute institution religieuse qui, ne connaissant point des délits du cœur, n'agirait sur nous que par des scènes extérieures. Or, c'est ici le grand avantage de notre culte sur les cultes de l'antiquité: la religion chrétienne est un vent céleste qui enfle les voiles de la vertu, et multiplie les orages de la conscience autour du vice.

Les bases de la morale ont changé parmi les hommes, du moins parmi les hommes chrétiens, depuis la prédication de l'Évangile. Chez les anciens, par exemple, l'humilité passait pour bassesse, et l'orgueil pour grandeur: chez les chrétiens, au contraire, l'orgueil est le premier des vices,

et l'humilité une des premières vertus. Cette seule transmutation de principes montre la nature humaine sous un jour nouveau, et nous devons découvrir dans les passions des rapports que les anciens n'y voyaient pas.

Donc, pour nous, la racine du mal est la vanité, et la racine du bien la charité; de sorte que les passions vicieuses sont toujours un composé d'orgueil, et les sions vertueuses un composé d'amour.

pas

Faites l'application de ce principe, vous en reconnaîtrez la justesse. Pourquoi les passions qui tiennent au courage sont-elles plus belles chez les modernes que chez les anciens? pourquoi avons-nous donné d'autres proportions à la valeur, et transformé un mouvement brutal en une vertu? C'est par le mélange de la vertu chrétienne directement opposée à ce mouvement, l'humilité. De ce mélange est née la magnanimité ou la générosité poétique, sorte de passion (car les chevaliers l'ont poussée

jusque-là) totalement inconnue des an

ciens.

Un de nos plus doux sentiments, et peut-être le seul qui appartienne absolument à l'ame (les autres ont quelque mélange des sens dans leur nature ou dans leur but), c'est l'amitié. Et combien le christianisme n'a-t-il point encore augmenté les charmes de cette passion céleste, en lui donnant pour fondement la charité? Jésus-Christ dormit dans le sein de Jean; et, sur la croix, avant d'expirer, l'amitié l'entendit prononcer ce mot digne d'un Dieu: Mater, ecce Filius tuus; discipule, ecce mater tua'. « Mère, voilà ton fils; disciple, voilà ta mère. »

Le christianisme, qui a révélé notre double nature, et montré les contradictions de notre être, qui a fait voir le haut et le bas de notre cœur, qui lui-même est plein de contrastes comme nous, puisqu'il

1. Joan. Evang., cap. xix, v. 26 et 27.

« PreviousContinue »