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Il étoit né de parens entierement inconnus, pauvres, & qui étoient obligez de travailler de Teurs mains pour gagner leur vie. Son pere avoit nom Marius comme lui, & fa mere s'appelloit Fulcinie. Il ne vint que tard à la ville, & par conféquent il ne commença que tard à connoître les mœurs & les manieres de Rome, & à avoir commerce avec les gens polis. Jufques-là il avoit toujours vêcu dans un Bourg appellé Cirrhajaton dans le pais des Arpinates, où il mena une vie très-groffiere, fi on la compare à la vie douce & polie des villes, mais temperante, fage & très-femblable à celle des anciens Romains,

Naiffance obfcure de Marius

gne de Marius la III. année de POlymp. clx1. 133avant l'Ere Chre tienne."

Ses grandes qua

Sa premiere campagne fut contre les Celti- Premiere campa beriens, lorfque Scipion l'Africain affiegeoit Numance. Son Capitaine ne fut pas long-tems fans s'appercevoir qu'en force, en courage, & autres qualitez pour la guerre, il étoit fort au- lisez pour la guerren deffus de tous ceux de fon âge, & que la nou-velle difcipline, que Scipion avoit introduite dans les armées en fubftituant une vie dure &

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le farnom de Mariani. Il y a de
l'apparence qu'on les nommoit
ainfi pour faire entendre qu'ils
étoient compatriotes de Marius. -
C'est une chofe affez étonnante
qu'on ne fçache pas plus certai-
nement dans quel lieu précifé-
ment étoit né un homme com-
me Marius, qui a tant fait parler
de lui dans le plus grand theâtre
du monde.

Combat fingulier qu'il fit à la vûë de fon General.

Grande louange

que Scipion donna

au jeune Marius.

frugale à la vie molle & fomptueuse qui les corrompoit, il l'avoit embraffée fans peine, comme y étant déjà formé & habitué.

On dit qu'un jour il combattit un des ennemis à la vûë de fon General, & le tua. C'eft pourquoi Scipion tâchoit de fe l'attacher en lui faifant toutes fortes d'honneurs, & en l'appellant fouvent à fa table; & l'on raconte qu'un foir que Marius avoit l'honneur de fouper avec lui, la conversation étant tombée par hafard fur les Capitaines qui vivoient alors, quelqu'un de la compagnie demanda à Scipion, soit qu'il doutât veritablement, ou qu'il voulût lui faire fa cour, quel Capitaine le peuple Romain auroit après lui qui pút le remplacer ? Scipion frappant doucement de la main fur l'épaule de Marius, qui étoit affis au-deffus de lui, ce fera à l'avanture celui-ci, répondit-il; tant ces deux hommes étoient heureusement nez, l'un pour marquer dès fa jeuneffe combien il feroit grand un jour, & l'autre pour bien connoître & conjecturer les grandes & glorieufes fuites qu'auroit un tel commenCe mot de Scipion cement. Il eft certain que ce mot de Scipion fut comme une voix fut pour Marius comme une voix divine qui l'éleva à de hautes efperances. Ce fut ce mot, qui, plus que toute autre chofe, le porta à fe

divine pour Marius.

Il eft certain que ce mot de Scipion fut pour Marius comme une voix divine.] Ce jugement de Plutarque eft beau, ce mot d'un

grand perfonnage, comme Scipion, devoit faire fur Marius le même effet qu'un Oracle,

jetter dans le gouvernement de la République.

Il fut d'abord Tribun du peuple par la faveur & Il fut d'abord Tripar la protection de Cecilius Metellus, à la mai-, bun du peuples fon duquel il étoit attaché de pere en fils.

La II. année de

117. ans avant N. S■

Dans fon Tribunat il voulut faire paffer une Loi fur la maniere de donner les voix & les fuf- Olympiade CLXV. frages. Comme cette Loi paroiffoit diminuer l'autorité des Nobles dans les jugemens, le Conful Cotta s'y opposa, & persuada au Senat de la rejetter, & de citer Marius devant lui pour venir rendre raifon de la propofition qu'il en avoit faite. Le decret étant donné, Marius entra dans le Senat, non avec l'embarras & l'étonnement d'un jeune homme, qui avant que d'avoir fait aucune action d'éclat, s'ingeroit de réformer la République, mais avec l'affurance & la confiance que lui donnoient par avance les grandes actions qu'il devoit faire un jour. D'abord il me- avance l'afferance naça Cotta de le traîner en prison, fi tout à T'heure il ne révoquoit fon decret. Cotta s'étant tourné vers Metellus, lui demanda fon avis, Metellus fe levant appuya l'avis du Conful. En même tems Marius fit appeller un Licteur qui étoit à la porte, & lui commanda de mener en

Mais avec l'afurance & la confiance que lui donnoient par avance les grandes actions qu'il devoit faire un jour.] Un grand perfonnage ne tire pas feulement l'affurance & la confiance des grandes actions qu'il a faites, mais auffi de celles qu'il doit

faire un jour; & la raison en est
fenfible, car le principe qui doit
operer ces grandes actions, eft,
en lui quelque jeune qu'il puiffe
être, & produit ces grands ef-
fets. Ce paffage avoit été mak
expliqué.

Les grandes ace tions qu'on doit faire un jour donnent par

la confiance.

Marius Tribun

entreprend de faire plein Senat,

prendre un Conful

en

de le mener en prison.

prifon Metellus. Celui-ci en appella aux autres Tribuns; mais aucun d'eux ne vint à fon fecours, de forte que le Senat abandonna & annulla fon decret. Marius fortit du Senat tout glorieux, & alla à la place, à l'Affemblée du peuple, & fir paffer & autorifer sa Loi.

Ce commencement le fit paffer d'abord pour un homme roide, qui feroit inacceffible à la crainte, qui ne démordroit jamais de rien par honte ni par respect, & qui feroit toujours prêt à s'oppofer & à resister au Senat pour foutenir les interêts du peuple. Mais par une action toute contraire, il effaça bientôt cette opinion que l'on avoit conçuë de lui. Quelqu'un ayant propofé une Loi, qui portoit que l'on distribuëroit gratuitement du bled aux Citoyens, Marius s'y oppofa de toutes fes forces, & l'ayant emporté, Marius regardé il fe fit honorer & refpecter également des uns qui n'avoit de parti & des autres, comme un homme incapable de que celui de l'utilité favorifer l'un des deux partis contre l'utilité publique.

comme un homme

publique.

Après le Tribunat il demanda la grande Edilité, Car il y a deux rangs d'Ediles, le premier eft celui des Ediles Curules, ainfi appellez de certains fiéges à bâtons courbez fur lefquels ils font affis quand ils rendent la justice, & l'autre, qui eft beaucoup moindre, c'eft celui des Ediles, qu'on appelle du peuple. On élit les Ediles Curules les premiers, & enfuite dans le même jour on procede à l'élection des autres,

Marius

Marius voyant donc clairement qu'il alloit être refufé pour la premiere Edilité, se borna d'abord à demander la feconde; mais comme cette poursuite parut trop infolente & trop opiniâtre, il ne réüffit pas mieux à celle-ci. Et bien qu'il eût effuyé ainfi deux refus dans le même Marius effwye deux jour, ce qui n'étoit jamais arrivé qu'à lui, il refus en un jour dan ne rabattit pourtant rien de fa fierté & de fon audace.

la pourfuite de l'E

dilisé.

nier Preseur

Peu de tems après il pourfuivit la Prêture, & penfa encore être refufé. Enfin il fut élû le Marius élü le desi dernier, mais on l'accufa d'avoir brigué contre les Loix, & d'avoir corrompu fes Juges. Et ce qui le rendit le plus fuspect, ce fut un Domestique de Caffius Sabacon, que l'on vit dans l'enclos, où l'on fait les élections, parmi ceux qui donnoient leurs fuffrages. Or, ce Sabacon étoit un des plus intimes amis de Maríus. Il fut donc appellé devant les Juges & interrogé ; il répondit que brûlant de foif à caufe de l'exceffive chaleur, il avoit demandé de l'eau fraîche ; que son valet lui en avoit apporté dans une taffe, & s'étoit retiré après qu'il eut bû. Ce Sabacon Caffius Sabacon bientôt après fut chaffé du Senat par les Cen- chaffe du Senar feurs de la nomination fuivante, & il parut meriter cette note d'infamie, ou à caufe de cette fauf

Ce fut un Domestique de Caffius Sabacon.] Ce Sabacon avoit fait aller fon valet pour donner fa voix parmi les autres, ce qui étoit défendu, car les Efclaves Tome IV.

n'avoient point de fuffrage.

Et il parut meriter cette note d'infamie, ou à caufe de cette fauffe dépofition, ou à caufe de fon intemperance.] Car fi ce qu'il difoit

B

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