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Là les femmes venant contre eux avec des épées & des haches, grinçant les dents de rage & de douleur, & jettant des cris horribles, frappent également fur ceux qui fuyent, & sur ceux qui pourfuivent, fur les premiers comme traîtres, & fur les autres comme ennemis, fe jettent au milieu de la mêlée, faififfent avec les mains nuës les épées des Romains, leur arrachent leurs boucliers, reçoivent des bleffures, fe voyent met◄ tre en pieces fans fe rebuter, & témoignent jufqu'à la mort un courage veritablement invincible. Voilà comme on raconte, que ce combat fur le bord de la riviere fe donna plutôt par ha& par fard, que de propos déliberé, ordre du General.

Courage heroïque des femmes de ces Barbars.

Les Romains, après avoir taillé en pieces la plus grande partie des Ambrons, fe retirerent, & la nuit étant venue incontinent, on n'entendit point leur armée retentir de chants de victoire, Les Romains encore comme cela étoit naturel après un si grand fuc- effrayez après une fi fi fuc-effrayez cès, ils ne se mirent point à boire, à faire bonne chere, & à fe réjouir dans leurs tentes, & le

les Romains, & enfuite les Ro-
mains les pourfuivent jufques à
leur Camp & à leurs chariots.
Ces troupes qui font attaquées
au paffage de la riviere, n'ont
pas encore de Camp en de-çà.
Apparamment ce paffage ne
doit pas
être entendu du Camp
des Ambrons, mais de celui des
Teutons qui étoient en de-çà de

la riviere, quoique Plutarque
n'en parle point. Cela eft fi vrai
que dans un moment nous allonts
voir les Teutons aller attaquer
les Romains fur la hauteur où
Marius les avoit poftez. Mais
comment ces Teutons étoient-
ils paffez? cette action n'est pas
affez détaillée:

grande vicloire.

a

Sages difpofitions de Marius pour la bataille,

doux fommeil, qui est le plus agréable' rafraîchiffement que puiffent recevoir des hommes fatiguez, & qui ont heureufement combattu, ne ferma point leurs paupieres, mais ils passerent toute la nuit dans la frayeur & dans le trouble. Car leur Camp n'étoit ni fermé, ni retranché, ils avoient encore devant eux plufieurs milliers de Barbares, qui n'avoient pas combattu, & tous ceux qui étoient échappez de la défaite des Ambrons, s'étant mêlez avec eux, ils jettoient toute la nuit des cris affreux qui ne reffembloient point à des clameurs & à des gemissemens d'hommes, mais qui étoient comme des hurlemens & des mugiffemens de bêtes, mêlez de menaces & de lamentations, & qui pouffez en même tems par ce nombre innombrable de Barbares, faifoient retentir les montagnes des environs, & tout le canal du fleuve. Toute la plaine mugiffoit de ce bruit épouventable, & le cœur des Romains étoit faifi de crainte, & Marius lui-même frappé d'étonnement, car ils s'attendoient tous à un combat de nuit plein de defordre & de tumulte. Les Barbares ne fortirent pourtant point cette nuit, ni le lendemain, mais ils pafferent tout ce tems-là à se préparer, & à se mettre en bataille.

Cependant Marius, fçachant qu'au-deffus du Camp des Barbares il y avoit des creux & des ravins couverts de bois, y envoya Claudius Marcellus avec trois mille hommes d'Infanterie

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pour s'y mettre en embuscade, & prendre les ennemis par derriere quand le combat feroit engagé. Il donna ordre aux autres de repaître de bonne heure & de repofer. Le lendemain au point du jour il les mit en bataille fur la hauteur devant fon Camp, & envoya devant fa Cavalerie dans la plaine. Ce que voyant les Teutons, ils n'eurent pas la patience d'attendre que les Romains fuffent auffi defcendus afin de les combattre de plein pied, & avec un égal avantage pour le terrein, mais transportez de colere, ils prennent leurs armes & vont de furie les attaquer fur la hauteur. Marius envoye partout fes Officiers, leur donner ordre d'attendre l'ennemi fans branler, & dès qu'il fe feroit avancé à la portée du trait, de lancer leurs javelots, de mettre enfuite l'épée à la main, & de le repouffer en le heurtant avec leurs boucliers, car les lieux étant glisfans à caufe de Ce que fais l'ins leur pente, ni les coups, que ces Barbares donneroient, n'auroient de roideur, ni leur ordonnance ferrée ne pourroit fe maintenir, leurs corps étant toujours dans un branle inégal & continuel comme dans une tourmente, cause du penchant & de l'inégalité du ter

rein.

galité du terrein.

En donnant ces ordres il étoit le premier à les executer. Car il n'y avoit point d'homme Martires-adrošs qui fût plus adroit aux armes, ni qui eût le corps mieux exercé que lui, & il furpaffoit tous

aux armes mit

exercea

Marius gagne cette bataille dans

fon IV. Confulat, la

II. année de l'O

ans avant N. S.

les autres en courage & en audace. Les Ro mains faifant donc tête aux Barbares, & les arrêtant tout court comme ils tâchoient de monter, ceux-ci preffez commencerent à reculer peu à peu, & à regagner la plaine. Les premiers Bataillons commençoient à fe rallier & à fe remettre en bataille, mais les clameurs, la confufion, & le defordre regnoient parmi les derniers, car Marcellus, attentif à ce qui fe pafsoit, avoit faifi le moment; le cri de la charge ayant retenti jufques aux côteaux voifins fous lefquels il étoit en embuscade, il s'étoit levé avec fa troupe, & courant impetueusement avec de grands cris de victoire, il étoit tombé fur les derniers, les prenant par derriere & les taillant en pieces. Ceux-ci pouffez avec cette furie, attirent à eux les premiers & les obligent à faire face pour les foutenir, Dans un moment toute leur armée fut remplie de trouble; vivement pressez à la tête & à la queue, ils ne pûrent long-tems foutenir ce double choc, ils fe débanderent, & prirent la fuite.

Les Romains les poursuivirent, en tuerent ou firent prifonniers plus de cent mille ; & s'élymp. CLXIX. 100. tant rendu maîtres de leurs tentes, de leurs chariots, & de tout leur bagage, hors de ce Jent à Marius de qui fut pillé, ils donnerent tout à Marius tous les bagages d'un commun confentement ; & ce present pouilles des ennemis. fi grand & fi magnifique, parut encore in

L'armée fait pre

de toutes les dé

ferieur

Vignes des Mar closures faites des as

feillois fermées de

des Teutons.

ferieur au fervice qu'il avoit rendu dans un si preffant danger. Il y a d'autres Hiftoriens qui ne font d'accord avec ces premiers ni fur ce prefent des dépouilles, ni fur le nombre des morts; ils difent feulement que depuis cette bataille les Maffiliens fermerent leurs vignes de clôtures faites des offemens de ceux qui y avoient été tuez; & que ces corps morts, qui pourrirent, & qui furent confumez dans leurs champs, & les pluyes de l'hyver, qui furvinrent, engraifferent tellement la terre, la pénetrerent, & l'imbiberent fi fort, que l'Eté fuivant elle porta une quantité étonnante de toutes fortes de fruits, & confirma ce que dit Archiloque, que rien n'engraiffe plus la terre que le fang. On affure auffi avec beaucoup de vrai-semblance qu'après de grandes batailles il tombe ordinairement de grandes De grandes playe pluyes, foit que quelque bon Démon veuille après les batailles. purger la terre en l'inondant par des eaux pures

Territoire de & rendu fertile par pourriture de soms

Marseille engraiffe

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ces corps.

Le fang engraisse

la terre.

Terre purgée par

& defcenduës du Ciel, foit que le fang & la cor- les eaux du Ciel ruption exhalent une vapeur humide & forte, qui condenfe & altere l'air, très-aifé de fa nature à changer pour la moindre petite cause.

Après la bataille Marius, parmi les armes & les dépouilles des ennemis, choifit les plus riches, les plus entieres, & celles qui pouvoient orner

Soit que quelque bon Démon veuille purger la terre en l'inondant. J Ces Payens avoient donc quelque idée que la terre Tome IV

foüillée par des crimes, devoit
être purgée & lavée par les
eaux du Ciel. Ce paffage me
paroît remarquable.

G

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