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Bocchus beau-pere

de Jugurtha,

vée à Metellus. Je raconterai ici en peu de mots comment cela arriva; car dans la vie de Sylla j'ai fait au long le détail de cette avan

ture.

Bocchus, Roi de la Numidie fuperieure, étoit beau-pere de Jugurtha; & s'il ne lui donna pas de grands fecours dans cette guerre, c'eft parce que d'un côté il détestoit fon infidelité, & que de l'autre il redoutoit l'agrandiffement de fa puiffance. Mais après que Jugurtha, fugitif, vagabond, & réduit par la neceffité à n'avoir que Tui pour derniere reffource, fe fut refugié dans fon Palais, il le reçut plus par honte, comme fon fuppliant, que par affection comme fon gendre; & le tenant entre fes mains il faifoit femblant en public d'interceder pour lui auprès de Marius, & de lui écrire ouvertement & franchement qu'il ne le livreroit jamais ; & en fecret il prenoit des mefures pour executer la trahifon qu'il avoit méditée. Il manda à Sylla, qui étoit Quefteur de l'armée de Marius, & de qui il avoit reçu de grands fervices dans cette guerre, de le venir trouver. Sylla ne craignit point de fe mettre à la difcretion du Barbare, & alla.

Y

Dès qu'il fut arrivé, Bocchus changea de fentiment, & fut frappé de quelque repentir; mais bien-tôt il reprenoit fon premier deffein. Il fut plufieurs jours dans cette incertitude, tantôt réTolu de livrer Jugurtha, & tantôt de retenir

la

Bocchus qui dé-
Jugurtha, en

reftoit l'infidelité

de

commet à fon égard une plus déteftable.

haine qui fut toujours entre Marius Sylla.

Anneau de Sylhe

qui defefperois

Sylla. Enfin fa premiere refolution fut la plus forte, il remit Jugurtha tout en vie entre les mains de Sylla. Et ce fut là l'origine & la femence de cette haine implacable & cruelle qui éclatta entre Sylla & Marius, & qui penfa ruiner de fond en comble la ville de Rome; car la plû- Origine de la part, par envie contre Marius, difoient que prise de Jugurtha étoit l'ouvrage de Sylla feul, & Sylla lui-même, pour appuyer ce bruit, avoit fait faire un anneau qu'il portoit toujours, où il étoit representé recevant Jugurtha des mains Maris. de Bocchus, & il s'en fervit toujours pour fon cachet, irritant & defefperant par-là`Marius qui étoit homme ambitieux & jaloux, & qui ne pouvoit fouffrir que perfonne voulût entrer en partage de fa gloire & de fes hauts faits. Sylla étoit encore pouffé & excité à cela par les ennemis de Marius, qui attribuoient les premiers & les plus grands fuccès de cette guerre à Metellus, & les derniers avec l'honneur de l'avoir terminée, à Sylla, afin que le peuple ceffât d'admirer Marius, & de l'élever au-deffus de tous les autres Capitaines.

Mais cette envie & cette haine, dont on étoit animé contre Marius, ces plaintes & ces calomnies, que l'on femoit contre lui, tout cela fut bien-tôt calmé & diffipé par le grand danger qui vint tout à coup du côté du couchant

Tout cela fut bien-tôt calmé & diffipé par le grand danger qui vint

tout à coup du côté du couchant.]
Voilà un portrait du peuple,

Un grand danger diffipe bien tet toutes

les plaintes & toutes l'on feme contre un and Capitaine

les calomnies que

befein

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menacer l'Italie. Car la ville n'eut pas plutôt vû qu'elle avoit befoin d'un grand Capitaine & commencé à chercher quel feroit le Pilotę qui pourroit la défendre contre cette affreuse tempête de guerre qui la venoit affaillir, qu'au cun de toutes les Maifons les plus nobles & les plus puiffantes n'ofa fe prefenter pour briSecond Confult guer le Confulat, & que tous d'une commune deferé à Marius voix le défererent à Marius, quoiqu'il fût ab¬ de l'Olymp. CLXIX. fent.

abjent, la 1. année

102. Ans Avant

N. S.

Defcente des Cim

en Italie.

On avoit à peine reçu à Rome la nouvelle de la prise de Jugurtha, qu'on y apprit la defcente bres des Teutons des Cimbres & des Teutons. D'abord on eut de la peine à croire ce que l'on difoit du nombre & de la force de ces armées ; mais bien-tôt après on connut que tout ce qu'on en rapportoit, étoit encore au-deffous de la verité, car il y avoit trois cens mille hommes portans les armes, & ils étoient fuivis d'un plus grand nombre de femmes & d'enfans, tous demandans des terres capables de nourrir cette multitude innombrable, & des villes pour s'y établir, comme ils Les Celses ôterent avoient oui dire que les Celtes avoient fait avant sie la plus fertile de eux, s'étant emparez de la partie de l'Italie la meilleure & la plus fertile, qu'ils ôterent aux Tofcans,

aux Tofcans la par

l'Italie, fous le Rede Tarquinius

gne Priscus.

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Le

quelles Nations é

les Teutons, ui

peu de commerce que ces peuples avoient avec leurs voifins, & le grand éloignement des païs qu'ils occupoient, font qu'on ne fçait On ne fais në au vrai ni quelles Nations c'étoient, ni d'où elles soient les Cimbres, étoient parties pour venir fe répandre comme d'où elles venoient, un gros nuage fur la Gaule & fur l'Italie. On conjecturoit feulement que c'étoient quelques Nations de la Germanie, à cause de leur grande taille, & de leurs yeux pers; & parce que les Les Germains apGermains appellent les voleurs & les bandits, des pellent les voleurs Cimbres.

D'autres difent que la Celtique à cause de la profondeur & de la vafte étenduë de fon continent, qui s'étend depuis la mer Oceane & les climats feptentrionaux vers le Levant jufqu'aux Palus Méotides, touche d'un côté à la Scythie Pontique, & qu'à cause du voifinage ces deux Nations fe mêlerent enfemble, & fortirent de leur païs, non pas tout à la fois,

Le peu de commerce que ces peuples avoient avec leurs voifins.] Ces peuples ont été fi peu connus, qu'on a fait fur cela des Fables infinies. Ou peut voir le VII. L.de Strabon,qui approuve la conjecture de Polidonius, qui croit que les Cimbres étoient des peuples errans & des bandits qui ne faifoient que piller, & qui s'étendirent par les armes jufqu'aux Palus Méotides, & donnerent au Bofphore le nom de Cimmerien, comme Cimbrien, les Grecs donnant le nom de

Cimmeriens aux Cimbres.

Et parce que les Germains ap-
pellent les voleurs & les bandits,
des Cimbres.] Feftus dit que ce
font les Gaulois qui leur don-
nent ce nom, Cimbri lingua Gal
lica latrones dicuntur. Mais l'an-
cienne langue Gauloise eft la
même que la Germaine. Il y a
de l'apparence que ce mot Cim-
bre n'eft point Gaulois, mais
que les Gaulois l'ont emprunté
de la Nation même
la Nation même pour le don-
ner aux voleurs & aux bandits,
V. les Rem. fur Feftus.

Cimbres.

ni tout de fuite, mais chaque année vers le Printems, & que gagnant ainfi peu à peu du terrein par les armes, enfin après plufieurs années elles eurent traverfé ce grand continent de l'Europe, & arriverent en Italie. C'est pourquoi, bien qu'elles euffent plufieurs noms différens selon la diverfité des peuples qui les compoomprijes fous le foient, toute leur armée fut pourtant comprise wom de Ciliofcythes, fous un nom genéral, & appellée les Celtofeythes

Toutes ces Nations

Cimmeriens

D'autres enfin prétendent que ces Nations Cimbres partie des étoient une partie de ces Cimmeriens, connus des anciens Grecs. Et que cette petite partie ayant pris la fuite, ou ayant été chaffée par les Scythes après quelque fédition, elle paffa des Palus Méotides en Afie fous la conduite d'un chef appellé Lygdamis. Mais les autres, qui étoient le plus grand nombre, & ce qu'il y avoit de plus belliqueux, habitoient à l'extrêmité de la terre près de l'Ocean septentrional, dans un païs toujours couvert d'épaiffes ténebres, & fi rempli de bois, que le Soleil ne le penétre jamais de fes rayons à caufe de la hauteur & de l'épaiffeur, de ces forêts, qui sont d'ailleurs fi vaftes & fi profondes, qu'elles s'étendent jusqu'à la forêt Hercinienne. Ils étoient fous cette partie du Ciel où l'élevation du Pôle eft fi haute à caufe de la déclinaison des Cercles paralleles, qu'elle fait presque le point vertical de ces peuples; & que les nuits

égales

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