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qu'on ne verroit jamais la fin de cette guerre contre les Barbares, & qu'on n'en feroit jamais délivré que quand on auroit élú Marius Conful, & qu'on lui en auroit donné la conduite, ce qui fâchoit.& affligeoit beaucoup Metellus; mais ce qui l'affligea encore davantage, ce fut ce qui arriva à Turpilius. Cet homme étoit ami de Metellus, & lié avec lui

La douceur ebi T'humanité qu'eut

Turpilius pour les

habitans de la ville

de pere en fils par les liens de l'hospitalité, il l'avoit fuivi à cette guerre & avoit dans fon armée l'emploi de Capitaine des Ouvriers. Metellus lui confia la garde de Vacca, grande & groffe ville. Turpilius crut s'affurer de fes habitans en ne leur faifant aucune injustice, & en les traitant avec beaucoup de douceur & d'humanité, où il commandoit, mais il fe trompa, & il ne fe donna pas de garde lui furent fumeftes qu'il fe trouva entre les mains des ennemis, car les habitans reçurent Jugurtha dans leur ville. Il eft vrai qu'ils ne firent aucun mal à Turpilius & qu'ils obtinrent la permiffion de le renvoyer fain & fauf à fon armée. D'abord il fut accufé de trahifon & mis au Confeil. Marius fut un de fes Juges; il ne fe contenta pas de lui être très

L'emploi de Capitaine des Ouvriers. Il y a dans le texte Τευτόνων ἀρχω TEUTOVNY aρxle: mais les interprétes ont bien vû que les Teutons ne peuvent avoir place ici, & qu'au lieu de TuToywy, il falloit lire TexTovey. Or cet emploi de Capitaine des Ouvriers étoit un emploi confiderable, & on le voit bien, puifque

Metellus confia à ce Turpilius
la garde d'une place auffi im-
portante que Vacca.

Car les habitans reçurent Fu-
gurtha dans leur ville. ] Ils tue-
rent la garnifon Romaine, il
n'y eut que ce Turpilius, qui
commandoit la garnifon, qui
échappa, & ce fut ce qui le ren-
dit fufpect.

contraire, il aigrit encore la plupart des autres Metellus forcé par contre lui, de forte que Metellus fut forcé malrius de condamner gré qu'il en eût, à la pluralité des voix, de le fon hote Turpilius à condamner à la mort.

les pratiques de Ma

la mort.

Peu de tems après fon innocence fut reconnuë, & on avera la fauffeté de l'accufation; tous les autres Juges partageoient la douleur de Metellus, qui étoit très-affligé d'avoir fait mourir Injustice atroce de un innocent. Marius feul en tiroit un fujet de triomphe, il s'en vantoit comme d'une belle action, & il n'avoit pas de honte d'aller, difant partout, que c'étoit lui qui avoit attaché à la confcience de Metellus une Furie vengereffe, qui le punif foit à tous momens d'avoir fait mourir fon hôte.

Marius

Source de l'inimi

tié qui fut toujours

Marius.

Depuis ce moment ils furent ennemis décla entre Metellus & rez; & l'on rapporte qu'un jour Metellus lui dit à lui-même en se mocquant & en le raillant : Eh bien, mon brave, tu penfes donc à nous quitter & à t'embarquer pour aller briguer à Rome le Confulat? Car tu ne ferois pas content d'attendre que tu fuffes Conful avec mon fils, Or, ce fils de Metellus étoit encore alors très-jeune.

Cependant Marius ne laiffoit pas de pourfuivre son congé avec beaucoup d'inftance; Metellus y apportoit toujours de nouveaux

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délais. Enfin comme il n'y avoit plus que douze jours jufqu'à l'élection des Confuls, il le laissa partir. Marius fit une diligence inouie; car en deux jours & une nuit il arriva du Camp à Utique qui eft fur la mer. Là il fit un facrifice avant que de s'embarquer, & l'on dit que le Devin l'affûra que le Dieu lui promettoit non-feulement de très-grandes profperitez, mais des profperitez audeffus de toutes fes efperances. Fier de cette magnifique promeffe il s'embarqua, & eut le vent favorable, qu'en quatre jours il traversa la mer, & arriva à Rome.

Marius arrive

d'Utique à Rome es

quatre jours.

Le peuple le reçut avec beaucoup de marques de joie, & un des Tribuns l'ayant mené à la Place où fe tenoit l'affemblée, après avoir propofé plufieurs chefs d'accufation contre Me-tellus, il demanda le Confulat, fe faifant fort que bien-tôt il tuëroit Jugurtha, ou qu'il l'ameneroit à Rome pieds & poings liez; il fut élu Consul tout d'une voix. Il fe mit d'abord à lever des magnifiques pretroupes, & contre les Loix & les Coutumes Romaines, il enrolla les efclaves & les pauvres CLXVIII. 105. als qui n'avoient ni feu, ni lieu. Les Genéraux, qui avoient été avant lui, n'avoient jamais reçu

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Marius fur fes

meljes ela Conful tout d'une voix, la 11 année de l'Olymp.

avant N. S.

Il enrolle les ef claves les pau

vres.

mains n'enrolloient

que des gens qui

bien.

rius.

infolens de Ma

ces fortes de gens dans leurs troupes; mais ils avoient toujours confié les armes, comme tous, les autres honneurs, à ceux qui en étoient diPourquoi les Ro- gnes, & dont le bien étoit connu. Car par ce dans leurs troupes moyen chacun laissoit à la République son bien avoient quelque comme un gage de fa fidelité, & de l'application qu'il auroit à bien faire. Mais ce ne fut pas là ce qui décria le plus Marius, & qui le Difcours hautains fit le plus haïr; ses discours hautains, & pleins de mépris & d'infolence offenferent les premiers de Rome; car il eut la folie de dire publiquement que fon Confulat étoit une dépoüille qu'il remportoit fur la molleffe & fur la lâcheté des Riches & des Patriciens. Et que pour lui il s'enorguëillifoit & faifoit parade devant le peuple de fes propres bleffures, & non pas de vains tombeaux & d'images étrangeres. Souvent même en parlant des autres Genéraux qui avoient été battus en Afrique, comme un Beftia, un Albinus, il lui Avec quel mépris échappoit de dire, qu'ils descendoient veritablement ques Generaux qui de Maifons illuftres, mais que c'étoit des lâches & avoient été bastus. des ignorans, qui s'étoient attiré leurs malheurs par

il parloit de quel

leur incapacité, & par leur peu de courage. Après quoi, poussant l'orguëil jufqu'à l'excès de la démence, il demandoit à ceux qui l'écoutoient, s'ils ne pensoient pas que les ancêtres de ces deux hommes auroient bien mieux aimé laisser des defcendans qui lui reffemblaffent, que de laisser ces malheureux, vú même que ce n'étoit pas par leur nobleffe que ces grands Hommes s'étoient illuftrez, mais

par
leur vertu, & par leurs grands exploits, auffi
glorieux pour eux, qu'utiles à la République. Et
tous ces difcours il ne les tenoit pas envain par
prefomption feulement & par fotte gloire, ni
dans la vuë de s'attirer pour néant la haine des
Nobles; mais il étoit incité & aiguillonné par le
peuple, qui charmé de voir le Senat méprilé &
baffoué, & prenant un fingulier plaifir à enten-
dre ces paroles hautaines, car il ne mefure le cou-
rage qu'à la vanité, le pouffoit à n'épargner pas
les plus Nobles & les plus Puiffans pour plaire à
la multitude,

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Marius va en

Metellus.

Metellus ne l'as

Quand il fut arrivé en Afrique, Metellus Afrique fucceder à vaincu par l'envie, & très-affligé de ce que la guerre étant prefque terminée, & ne lui reftant plus que Jugurtha feul à prendre, Marius venoit lui ravir la couronne qui lui étoit duë, & lui enlever le triomphe qu'il avoit mérité, fans s'être jamais fignalé que par fon ingratitude, n'eut pas tendit point, & lui la force de l'attendre, ni de le voir, & lui ceda fit remettre l'armée la place. Ce fut Rutilius, un de fes Lieutenans, qui remit l'armée entre les mains de Marius. Mais avant la fin de cette même guerre la Déesse de la Vengeance eut soin de punir cet acte perfide; car Sylla vint enlever à Marius la gloire d'avoir Marius de fa perfini cette guerre, comme Marius l'avoit enle- fidie consre Metellus,

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Car il ne mesure le courage qu'à le peuple n'eft pas le feul qui la vanité. Cela eft certain fe laiffe prendre à cette vanité. ceux qui fe vanteront le plus Les plus Nobles & les plus devant le peuple pafferont tou- Grands en font fouvent les du jours pour les plus braves. Mais pes.

par fon Lieutenant.

La Déeffe de la
Vengeance punis

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