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moignoient point

Bexcufe d'Herennius.

fe déposition, ou à cause de son intemperance. Caïus Herennius fut encore appellé en témoignage contre Marius, mais il répondit que ce n'étoit pas la coutume à Rome que l'on témoignât contre fes clients, & que les Loix dé-Les Patrons ne chargeoient de cette neceffité les Patrons; c'est Sontre leurs clients. ainfi que les Romains appellent les protecteurs; & la famille de Marius, & Marius lui-même avoient toujours été fous la clientele de la Maifon des Herenniens. Les Juges ayant reçu cette excufe d'Herennius, Marius lui-même s'y oppofa, difant que la premiere charge puMarius s'oppose à blique, à laquelle il avoit eu l'honneur d'être nommé, l'avoit délivré & dégagé de cette condition de client, ce qui n'étoit pas abfolument vrai, car toute charge de Magiftrature ne déToute charge de lie pas les clients, qui en font revêtus, des deLioit pas les clients. Voirs envers leurs Patrons, & ne les difpenfe ni eux ni leur race du refpect & de la foumiffion qu'ils leur doivent, mais feulement celle à laquelle la Loi attache le droit du fiége Curule.. Cependant malgré toutes ces raifons, l'affaire de Marius alloit fort mal les premiers jours, & il étoit en grand danger d'être condamné, tant de fon valet, qu'il étoit allé lui chercher un verre d'eau, & s'étoit retiré enfuite, étoit faux, il meritoit d'être chaffé du Senat à caufe de cette fauffe dépofition; & s'il étoit vrai, il le meritoit de même, à caufe de fon intemperance de n'avoir

Magiftrature ne dé

pû réfifter à la foif pendant l'é-lection..

Marius lui-même s'y oppofa. ] Il aimoit mieux effuyer le danger de cette accufation de bri-gue, & fe tirer de la condition de client, qui lui paroiffoit hon teuse,

les Juges lui étoient contraires; mais le dernier jour il fut absous contre l'attente de tout le monde, les Juges s'étant trouvez partagez & les fuffrages égaux. Il fe gouverna paffablement dans fa Preture.

rieure echne à Me

ris

L'année fuivante on tira au fort les Provin L'Espagne ulios ces, & l'Espagne ulterieure lui échut. On dit qu'il la purgea de fes voleries & de fes pirateries,

Les Espagnols de

l'Espagne ulterieure bares du tems de

Marius,& viviens

car cette Province étoit encore alors barbare étoient encore bar& fauvage, & les Espagnols ne trouvoient prefque rien de plus beau, que de vivre de briganda- de brigandages ❤❤ ges & de vols.

de vols.

Les richesses éloquence les feuls

moyens alors de par

venir.

Quand il fut de retour à Rome, & qu'il voulut fe mêler des affaires publiques, il fe trouva qu'il n'avoit ni les richesses ni l'éloquence, les deux moyens, dont ceux qui étoient alors les plus avancez & les plus confiderez fe fervoient pour mener le peuple. Mais fes citoyens mettant en ligne de compte la grandeur de fon courage, fa patience & fa perfeverance dans les travaux, & fa maniere de vivre fimple & populaire, il fut bientôt élevé aux honneurs, & par ces honneurs îl parvint à de grandes richesses & à une grande puiffance, jufques-là qu'il fit un très-grand mariage, car il époufa Julie, qui étoit de la maifon des Cefars, & qui fut tante de Jules Cefar, de Jules Cefara qui devint le plus grand des Romains. Cette parenté fit que Cefar fe porta avec ardeur à reffufciter les honneurs de Marius, qui étoit fon oncle, comme nous l'avons écrit dans fa vie.

Marius épouse Julie qui fut tantę

Conftance de Ma

grandes douleurs.

La temperance de Marius étoit accompagnée wins dans les plus d'une fermeté & d'une conftance admirable dans les plus grandes douleurs. En voici une belle preuve. Il avoit fes deux jambes pleines de varices, & ne pouvant fupporter la difformité qu'elles caufoient, il réfolut de se mettre entre les mains des Chirurgiens. Il donna une de fes jambes fans vouloir être lié, & fouffrit les inci-fions les plus douloureuses fans faire le moindre mouvement, fans jetter le moindre soupir, avec un vifage égal & affuré, & dans un profond filence. Mais quand le Chirurgien eut travaillé fur la premiere jambe, & qu'il demanda l'autre, Mot de Marius à Marius refufa de la donner, difant, que l'amen-dement qu'il lui promettoit, ne valoit pas la douleur, qu'il venoit de lui faire.

fon Chirurgien

de Q. Cecilius Me

de Numidie contre Jugurtha

pour un

Environ ce tems-là, le Conful Quintus Ce-cilius Metellus, nommé General pour aller faire Marius Lieutenant la guerre contre Jugurtha, prit Marius Bellus dans la guerre de fes. Lieutenans, & le mena en Afrique. Marius, qui vit que c'étoit - là une occafion à fouhait pour livrer de beaux combats, & pour faire de grandes actions, dédaigna de fuivre l'exemple de fes Collegues, de fervir à l'éleva-tion de Metellus, & de rapporter toutes les actions à augmenter fa réputation & fa gloire. Il crut qu'il ne devoit travailler qu'à fa propre la iv. année de l'Olympiade CLXVII. 107. ans avant Ñ. S.. & qui de cette expedition rem porta le furnom de Numidicus.

Environ ce tems-là, le Conful
Q. Cecilius Metellus. ] C'eft Q..
Cecilius Metellus qui fut Con-
ful avec M. Junius Silanus,

de Marius pour fe

égards qu'il devoir

de fonction fi haute

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grandeur, & fe flattant que ce n'étoit pas Me- Plaifant détour tellus, qui l'avoit pris pour fon Lieutenant, difpenfer de la remais que c'étoit la Fortune qui l'avoit conduit connoiffance & des à ce tems favorable, & qui l'avoit amené en å Metellus. Afrique, comme dans un grand & magnifique theâtre où il pourroit faire voir ce qu'il étoit, il donna des preuves fignalées de fon courage, de fa valeur & de toutes les autres qualitez guerrie res. Car la guerre étant toujours accompagnée de dangers infinis & d'extrêmes difficultez, jamais ni par crainte, il ne refufa aucune grande fonc- Il n'y avoit point tion, quelque péril qui l'accompagnât, ni par fi difficile qu'il hauteur, il n'en dédaigna aucune, quelque pe- ni de fi balle dont tite & baffe qu'elle pût être, mais furpaffantil se dispensat par toujours fes égaux en bon fens & en prévoyance, & difputant toujours de frugalité, de temperance & de patience avec fes inferieurs, il acquit les bonnes graces des uns & des autres, car chacun trouve un grand foulagement & une grande confolation dans fes travaux & dans fes peines à voir fes compagnons les partager volontairement avec lui. Il femble que cela ôte du fervice la neceffité & la contrainte, & lui donne un air de liberté. Et le plus agréable en fpectacle pour le foldat Romain, c'eft de voir va

Et fe flattant que ce n'étoit pas Metellus qui l'avoit pris pour fon Lieutenant, mais la Fortune.] Par ce beau principe on fecouëra toute forte de devoirs, & on se délivrera du fardeau de

la reconnoiffance, toujours trop
pefant pour un ambitieux qui
veut tout rapporter à lui-même
& ne rien tenir des autres.

C'eft de voir fon Capitaine man--
ger le même pain que lui à la vûë
В iij.

refufât par crainte

hauteur.

Le service parois partage les sralibre, quand chacun

fon Capitaine manger le même pain que lui à la vûë de tout le monde, coucher comme lui fur une fimple paillaffe, & mettre comme lui la main à l'œuvre, lorfqu'il faut tirer une tranchée & fortifier un camp. Car il n'eftime & n'admire point tant les Capitaines, qui lui distribuent de l'argent, ou des charges, que ceux qui partagent fes périls & fes travaux, & il aime beauLe foldat aime coup mieux ceux qui travaillent avec lui, que Capitaines qui tra- ceux qui le laiffent vivre dans le relâchement ceux qui le lailjent & dans la paresse.

beaucoup mieux les

vaillent avec lui,que

ce.

vivre dans la licen- C'eft ce que faifoit Marius; parpar-là il gagna tous les foldats, & remplit toute l'Afrique & Rome même du bruit de fon nom & de fa grande réputation; ceux qui étoient à l'armée écrivant à Rome à leurs parens & à leurs amis,

de tout le monde. Je ne fçai fi
j'oferai dire ici ma penfée; je
vais la hafarder. Ces derniers
mots, à la vûë de tout le monde,
me font fufpects; de voir fon Ca-
pitaine dit tout, & il ne me pa-
roît pas neceffaire d'ajoûter,
à la vue de tout le monde. Au lieu
de ces mots, y cu o novov
pToy, je croi que Plutarque
avoit écrit επίων ἐν ἕξει κοινὸν
apTov, mangeant le même pain
que lui, le pain le plus commun,
trempé dans du vinaigre. Car c'é-
toit-là une grande marque de
la temperance & de la frugalité
de Marius, de manger du pain
commun, & au lieu de viande
& d'autres mets, de ne prendre

que du vinaigre pour le tremper. Il paroît par quelques paffages de l'antiquité, que les foldats, les efclaves & ceux qui travailloient aux champs, n'avoient ordinairement pour leur nourriture que du pain, du fel & du vinaigre, où ils trempoient leur pain. En voici un de Plaute dans le Rudens act. IV. fc. 11. Sed hic Rex cum aceto pranfu-.

rus eft, & fale fine bono pulmento.

Mais ce beau Roi, qui vient de faire de fi grands projets, n'aura pour toute fauce ce foir à fon fouper qu'une petite pincée de fel, & un peu de vinaigre où il trempera fon pain.

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