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on attaque des gens que je ne connais point, et d'autres que j'honore. L'imposture est visible; peu de personnes, je crois, y ont été trompées. Cependant je vous prie, à telle fin que de raison, de vouloir bien déclarer que cet écrit n'est pas de moi. On y parle de grands, ce que je ne fais point sans quelque nécessité; on y blânie le gouvernement d'actes, selon moi, pernicieux. En ce sens je pourrais être auteur de la brochure; mais on blâme en ennemi, ce n'est pas ma manière; je suis aussi loin de haïr que d'approuver le gouvernement dans la marche qu'il suit; je n'en espère pas de sitôt un meilleur, et le crois moins mauvais que ceux qui l'ont précédé.

Annoncez, je vous prie, ma traduction de Longus, qui s'imprime à présent, corrigée, terminée : c'est un joli ouvrage, un petit poëme en prose, où il s'agit de moutons, de bergers, de gazons. La première édition fut saisie à Florence par ordre de l'empereur Napoléon le Grand : j'imprimai le grec à Rome; il fut saisi de même. Revenu à Paris quand il n'y eut plus d'empereur, et toujours occupé de Chloé, de ses brebis, je retouchais ma version, lorsqu'on me mit en prison à Sainte-Pélagie : ce fut là que je fis ma seconde édition. La troisième va bientôt paraître chez Merlin, quai des Augustins, beau papier, impression de Didot.

J'ai l'honneur, etc.

CONSTITUTIONNEL.-8 octobre 1823.

A monsieur le Rédacteur du Constitutionnel.

Monsieur,

Parlez un peu, je vous prie, dans vos feuilles, de ma belle traduction d'Hérodote, fort belle suivant mon opinion. Des personnes habiles, sur un premier essai qui parut l'an passé, en ont dit leur avis, qui n'est pas tout à fait d'accord avec le mien. Je leur réponds aujourd'hui par un autre fragment traduit du même auteur, avec une préface où je défends ma méthode, expose mes principes, montrant d'une façon claire et incontestable que j'ai raison contre la critique, dont pourtant je tâche de profiter Croire conseil est ma devise.

Annoncez l'édition des Cent Nouvelles nouvelles, à laquelle je travaille avec M. Merlin, jeune libraire instruit, qui m'est d'un grand secours, soit pour la collation des premiers imprimés et des vieux manuscrits, soit dans les recherches qu'exigent ma préface et mes notes: mes notes font un volume. J'essaye sur ce texte de comparer nos mœurs à celles de nos pères; matière délicate, sujet intéressant, où il est malaisé de contenter tout le monde

Qui vous empêcherait de dire un mot en passant de ma traduction de Longus, corrigée, terminée enfin selon mon petit pouvoir? Elle se vend chez Merlin; et celle-là, monsieur, on ne l'a point critiquée; mais on a fait bien pis, on l'a persécutéc. La première édition fut saisie à Florence; je fis la seconde en prison à Sainte-Pélagie; la troisième va paraître.

A propos de prison et de Sainte-Pélagie, vous pourriez dire encore que je n'ai aucune part à certaines brochures qui mènent là tout droit, imprimées sous mon nom en pays étranger. On y parle d'un prince, dont certes je n'oserais faire un éloge public, bien que sa vie, ses mœurs, ses sentiments connus, méritent à mon gré toute sorte de louanges; mais c'est le grand chemin de Sainte-Pélagie, et j'en sais des nouvelles. Dans ces écrits, on blâme des choses sur lesquelles je dis peu ma pensée, parce qu'il y a du danger; et quand je veux la dire, j'emploie d'autres termes. Je puis blâmer quelquefois, mais non pas en ennemi, ce que fait le gouvernement, dont, en un certain sens, je suis toujours content; car c'est Dieu qui gouverne, ce ne sont pas les hommes. Ainsi le monde est bien, et tout va pour le mieux quand je ne suis pas en prison.

Agréez, etc.

CONSTITUTIONNEL.

Paris, 14 octobre 1823.

A monsieur le Rédacteur du Constitutionnel.

Monsieur,

Conseillez-moi, je vous prie, dans un cas extraordinaire. Je serai bref, la vie est courte.

J'étais ici; on me cite là-bas, à Tours, lieu de mon domicile,

devant un juge d'instruction. Je vais là-bas; on me dit que le dossier, les pièces (vous entendez cela, j'imagine), sont retournés à Paris. Je reviens, et fais demander au parquet, par mon avocat, à qui des juges d'instruction mon affaire se trouve renvoyée; on refuse de lui répondre. Ainsi me voilà sans savoir par qui je dois être jugé, ou interrogé seulement; car je ne pense pas que la chose puisse aller plus loin. Il s'agit, m'a-t-on dit, de mauvaises brochures auxquelles je n'ai, monsieur, non plus de part que vous, quoiqu'on y ait mis mon nom. Quel avis me donnerez-vous dedans cette occurrence, comme dit le grand Corneille? D'attendre; car que faire? Mais il est bon que ceux qui me doivent juger sachent que je les cherche; ils l'apprendront si cette feuille tombe entre leurs mains.

J'ai l'honneur, etc.

CONSTITUTIONNEL.

--

18 octobre 1823.

Nos abonnés de Tours sont priés de faire lire l'article suivant à madame Courier, femme de PAUL-LOUIS, vigneron.

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<< Envoie-moi, ma chère amie, six chemises et six paires de bas. << Point de lettre dans le paquet, afin qu'il me puisse parvenir. Je « sais que tu ne reçois pas les miennes, et que tu t'inquiètes fort. Sois tranquille, il y a dans ce monde plus de justice que tu ne «< crois. Je ne suis ni mort, ni malade, ni en prison pour le mo

a ment.

« Adieu. Ton mari. »>

Idem. 1er novembre 1823.

M. Courier, avant-hier, allant dîner chez ses amis, fut arrêté en pleine rue par plusieurs agents de police, et conduit en fiacre à l'hôtel de la Préfecture. Là, d'abord on l'interrogea sur ses nom, prénoms, qualités, sa demeure, les mois de son séjour à Paris. Il satisfit à tout, et fut mis en dépôt (c'est le mot ) à la salle Saint-Martin. M. Courier, l'homme du monde le moins propre à être en prison, goûte peu la salle Saint-Martin, qu'il n'a pas trouvée cependant un lieu si terrible qu'on le dit. Seul

dans une chambre passable, il a dormi dans un bon lit: même le porte-clefs semblait assez bonhomme, causeur et communicatif. Le lendemain, qui était hier, M. Courier fut entendu, sur des écrits qu'on lui impute, par un des juges d'instruction. Visite faite de ses papiers, dans l'appartement qu'il occupe, rien ne s'y est trouvé suspect. Il se loue fort, en général, du procédé de ces messieurs. On ne saurait être écroué avec plus de civilité, interrogé plus sagement, ni élargi plus promptement qu'il n'a été.

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Au rédacteur de la Quotidienne.

Vous parlez de moi, monsieur, dans une de vos feuilles, et paraissez peu informé de ce qui me touche. Vous dites que PaulLouis, vigneron, moi-même, votre serviteur, ensuite de petits démélés avec la justice, fut quelque temps en prison à SaintePélagie; et puis ajoutez Nous le savons bien. Non, vous le savez mal, monsieur; et cela n'est pas surprenant qu'ayant à parler de tant de choses, de tant de gens, vous vous mépreniez, et trompiez quelquefois le public. Sur votre parole, il va croire que j'ait fait des tours de Scapin, dont on m'a justement puni. C'est ce que vous pensez ou donnez à penser par de telles expressions. La vérité m'oblige de vous apprendre, monsieur, que le cas était bien plus grave pour lequel je fus condamné, l'affaire autrement scandaleuse. Il ne s'agissait pas de quelques peccadilles, mais d'un outrage fait à la morale publique. Oui, monsieur, je l'avoue et le déclare ici, afin que mon exemple instruise. Je fus en prison deux mois à Sainte-Pélagie, par l'indulgence des magistrats, pour avoir outragé la morale publique, crime de Socrate, comme vous savez. Sur la morale particulière, un peu différente de l'autre, je n'ai eu de démêlés avec qui que ce soit, et même n'entends point dire qu'on me reproche rien.

A ce propos, Monsieur, un doute m'est venu souvent à l'esprit; question purement littéraire, que vous me pourrez éclaircir. M. de Lamartine, dont vous louez les ouvrages, me semble avoir pris dans nos lois une bonne partie de son style, ou bien

nos lois ont été faites en style de M. de Lamartine, celles au moins qui ne sont pas vieilles. Outrager la morale publique, est une phrase tout à fait dans le goût des Méditations, et hors de ce commun langage que le monde parle et entend; elle s'applique à bien des choses. Si le ministre des finances fait quelque faute dans ses calculs, un de nos députés lui dira qu'il outrage l'arithmétique publique. Nos Codes sont des odes. Enfin, sur une loi si sagement écrite, le tribunal, requis du procureur du roi, mes réponses ouïes, sur ce delibéré, m'envoya en prison deux mois. Ce fut bien fait, et je n'ai garde de m'en plaindre.

A quelque temps de là, pour un acte pareil, qui semblait récidive, on me remit en jugement. Le procureur du roi, défenseur vigilant de la morale publique, demandait contre moi treize mois de prison et mille écus d'amende. Le cas parut aux juges seulement répréhensible, et ils me renvoyèrent blâmé, mais moins coupable que la première fois. On ne peut devenir tout à coup homme de bien. Voilà, monsieur, la vérité que vous devez à vos lecteurs, au sujet de mes démêlés avec la justice.

Mais, sur un autre point, vous me chagrinez fort, en me pretant des termes et des façons de dire dont je n'usai jamais. Selon vous, je me plains de certaines brochures imprimées sous mon nom, dans l'étranger, dites-vous; et vous notez ces mots. Monsieur, excusez-moi, je n'ai pas dit ainsi ; vous êtes de la cour, et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris; et nous disons qu'une brochure s'imprime en pays étranger. Du moins, c'est ainsi qu'on s'exprime généralement à Larçay, Cormery, Ambillon, Montbazon, et autres lieux que je fréquente.

Vous changez encore mes paroles, quand vous me faites dire, monsieur, qu'il y a un prince dont les sentiments me sont connus, à moi vigneron! Y pensez-vous? Corrigez cela, s'il vous plaît, et de vos quatre mots n'en effacez pas trois, comme le veut Boileau, mais un; et vous direz, en toute vérité, que les sentiments de ce prince sont connus, c'est-à-dire publics, et que personne ne les ignore. Il croit, par exemple, que les princes sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les princes; sentiment moins bizarre que vous ne l'imaginez, vous autres courti

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