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senat et le peuple; ensuite par deux consuls un sénat et le peuple. Elle étoit gouvernée despotiquement par les consuls, lorsque le sénat avoit prononcé la formule: Que les consuls veillent à ce que la chose publique ne reçoive aucun dommage. Les décemvirs la gouvernèrent avec une autorité absolue; les dictateurs la vernoient despotiquement.

gou

Aujourd'hui à Venise, la chose publique est gouvernée par un sénat aristocratique; en Turquie, elle l'est par un monarque qui trouve les bornes de son autorité dans un livre religieux appelé Koran. En Danemarck, elle l'est par un roi, qui n'a au-dessus de lui que sa conscience. En France, elle l'étoit par un magistrat unique, qui obéissoit à des loix fondamentales et à la formalité de l'enregistrement.

que

Il y a donc des républiques aristocratiques, monarchiques et même despotiques, suivant la chose publique est gouvernée par plusieurs magistrats, ou par un monarque, ou par un despote.

Il est possible que des hommes accoutumés à prononcer des mots, sans se rendre compte du sens qu'ils renferment, trouvent de la bizarrerie dans cette manière d'interpréter le mot république; mais si, par exemple, il n'y avoit point de république monarchique, quel nom faudroit

il donner à cette Sparte dont on fait tant de bruit; et qui reconnoissoit l'autorité d'un roi ?

De ce que la convention, en abolissant la royauté, n'avoit point déclaré de quelle manière la chose publique seroit désormais gouvernée parmi nous, les factieux en conclurent qu'il leur deviendroit aisé de prouver au peuple que la France n'en mériteroit pas moins le nom de république, si elle étoit gouvernée par un régent, un lieutenant- général, un dictateur, ou des trium

virs.

La faction de Robespierre se hâta de jeter dans le public, cette idée d'un dictatoriat ou d'un triumvirat. Dès les premiers jours où les membres de la convention se réunirent, les murs de la capitale furent couverts d'un placard où l'on disoit que la France ne pouvoit être sauvée que par un triumvirat. Les factieux parurent ensuite préférer le dictatoriat, et dans divers conciliabules, dans la plupart des grouppes, on parloit assez ouvertement de revêtir Robespierre de cette suprême magistrature.

Cette rumeur, et les menées de Robespierre lui-même, alarmèrent ceux de ses collègues qui n'étoient pas de son parti. Dans la séance du 24 septembre 1792, Kersaint monte à la tribune et parle ainsi :

«Les assassinats sont propagés dans tous les

» départemens; les inimitiés personnelles, les ven» geances, font par-tout couler le sang. La cons>>ternation et la terreur règnent dans la républi>>que. Ce n'est pas l'anarchie qu'il faut accuser de >> tant de crimes; le peuple, livré à lui-même, en >> seroit incapable; ce sont des tyrans d'une nou>> velle espèce qui font égorger le citoyen par »le citoyen, le frère par le frère; ils comman>>dent toutes les horreurs de la guerre civile, >> sans en laisser au peuple les malheureux hon>>neurs, et sans en courir eux-mêmes les périls : » les murailles de Paris sont toujours tapissées >> d'affiches qui provoquent aux meurtres, aux >> incendies, et de listes de proscription, où >> l'on désigne chaque jour de nouvelles vic>> times....

>> Comment voulez-vous préserver le peuple, >> et sur-tout le peuple de Paris, d'une effroyable >> misère, si tant de gens sont réduits à se cacher, » et à se dérober à eux-mêmes une partie de leur >> existence >>?

Dans la séance suivante, on parla avec moins d'ambiguité encore des projets de Robespierre,

« Oui, dit Lasource, il existe un parti qui veut >> écraser la convention nationale, et élever sur » ses débris la dictature. Ce parti est celui qui >> donne des ordres arbitraires, qui a décerné

>> des mandats d'arrêt contre huit de mes collè- ́ »gues à l'assemblée législative, qui soudoie des >> brigands pour le pillage, des assassins pour le >> meurtre, et ose imputer au peuple les forfaits >> qu'il commande.... Dussé-je, en sortant, périr >> sous les coups de ces traîtres , je ne me conten>> terai pas d'avoir soulevé le voile qui les couvre ; >> encore quelque temps, et je les démasquerai » .

Lasource, descendu de la tribune, Rébecqui, député de Marseille, s'écria : « Le parti qui veut >> établir la dictature, c'est le parti de Robespierre ; » je vous le dénonce; il est connu à Marseille, > c'est pour le combattre que nous avons été en» voyés ici >>.

et

Danton ayant demandé à Rébecqui s'il signeroit une pareille accusation, celui-ci s'élança au bureau pour la signer. Dans le même moment, Barbaroux, autre député de Marseille, parut à la tribune, et parla ainsi :

« Je me présente pour signer la dénonciation >> faite par le citoyen Rébecqui contre Robespierre. >> Nous étions à Paris avant et après le 10 août...... »nous avons été recherchés à notre arrivée par >> les partis qui divisoient la capitale. On nous fit >> venir chez Robespierre; on nous dit là qu'il » falloit se rallier aux citoyens qui avoient acquis » le plus de popularité. On parla de créer une >> dictature; et le citoyen Panis nous désigna nom-`

mément Robespierre, comme l'homme vertueux » qu'il falloit y élever.... Voilà ce que je signerai».

D'autres députés, au nombre desquels étoit Cambon, ne parlèrent pas avec moins de force contre la faction de Robespierre; ils en dévoilèrent les artifices, lui attribuèrent les massacres des 2 et 3 septembre, et prédirent les attentats qu'elle avoit encore à commettre,

Robespierre se défendit en faisant valoir la réputation de patriotisme qu'il s'étoit acquise. «Eh! >> laisse-là, lui crièrent Osselin et Lecointre-Pui>>ravaux, ta vie passée, et dis franchement si tu >> veux la dictature! >>

Dans la suite de son discours, Robespierre s'exprima ainsi sur les massacres des 2 et 3 septembre: << Les coups portés par les patriotes sur >> les têtes les plus coupables, ne sont pas des

>> crimes atroces ».

Quant au fond de l'accusation, Robespierre divagua, et ne dit rien de raisonnable. << Vous qui » m'avez accusé, s'écria-t-il, quels sont vos faits, >> quelles sont vos preuves? Qui vous a donné le >> droit d'intenter une telle accusation contre un >> homme qui n'a pas démérité de son pays? Vous >> m'avez accusé, mais je ne vous tiens pas quittes; >> vous la motiverez cette grande accusation; cette > grande cause sera discutée; elle le sera, je l'es>père, en présence de la Nation entière, au sein

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