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Outre, en effet, que ces deux ouvrages composent une portion considérable de l'Histoire générale de notre révolution, il semble de plus que la lecture de l'un suppose la lecture de l'autre. L'auteur lui-même paroît en être convaincu, car lorsque, dans sa Conjuration de d'Orléans, son récit le conduit à des faits dont il avoit déjà parlé dans celle de Robespierre, il renvoie à cette dernière, pour l'entier développement de ces faits.

Il est d'ailleurs une considération qui rendoit indispensable la nouvelle édition que nous donnons au public. Ce fut aussi-tôt après le juste supplice de Robespierre, que l'auteur écrivit l'histoire de la conjuration de ce farouche ennemi de tout ordre, de toute vertu. A cette époque, il étoit encore dans l'asyle où les proscriptions de ce monstre l'avoient obligé de se retirer. Il n'avoit donc pu être témoin, par lui-même, des derniers événe mens de la conspiration dont il traçoit les tableaux; et comme les images que l'on peint sur le rapport d'autrui, ne sont jamais aussi fidelles que celles dont on a l'original sous les yeux, il est arrivé de-là que l'auteur est tombé dans quelques inexactitudes. Il parle, par exemple, du supplice de Gorsas, comme ayant suivi celui de d' Orléans, tandis qu'il est notoire

que la mort de Gorsas a précédé celle de d'Orléans. Ailleurs il dit, sur la foi de quelques journalistes, que Lebas accompagna Robespierre à l'échafaud; mais il est constant que ce Lebas périt à l'hôtel-de-ville, des mauvais traitemens qu'il reçut de ceux qui voulurent s'assurer de sa personne.

et

Ces sortes d'inexactitudes sont, si l'on veut, peu de chose, en ce qu'elles n'altèrent point le fond de l'événement principal. Que Lebas, par exemple, finit sa vie à l'hôtel-de-ville ou sur l'échafaud, il n'en reste pas moins vrai qu'il fut, ainsi que le dit l'auteur, mis hors la loi avec les deux Robespierre, Couthon e Saint-Just, et que, comme eux, il chercha un refuge au milieu des membres de la Commune. Cependant, comme plus une histoire est accréditée parmi les contemporains, et plus il importé d'en bannir même les taches les plus légères, on conçoit que, sous ce seul Į point de vue, une nouvelle édition devenoit nécessaire.

Celle-ci a l'avantage infiniment précieux d'avoir été faite non-seulement du consentement de l'auteur, mais encore sous ses yeux et sur ses manuscrits. Il en a revu lui-même soigneusement toutes les épreuves, et il l'a enrichie de plusieurs nouveaux faits dont ses

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recherches et les événemens ultérieurs lui ont donné la révélation. Il a accompagné, par exemple, son récit de la mort des Fermiersgénéraux, d'une pièce très-intéressante, dont l'original est entre ses mains, et qui ne se trouve point dans la première édition.

Nous croyons donc qu'on nous saura gré d'avoir donné cette seconde édition, qu'on desiroit depuis si long-temps, et qui, par les considérations que nous avons exposées, devenoit en effet nécessaire. Nous n'avons rien

omis,
, pour que notre travail fût digne du Pu-
blic; et l'auteur, de son côté, n'a rien négligé
pour que l'ouvrage lui-même en reçût toute
la perfection dont il étoit susceptible.

DE

LA CONJURATION

DE

MAXIMILIEN ROBESPIERRE.

LORSQU'UN homme parmi nous fait un certain bruit, nous cherchons dans l'antiquité un héros avec lequel nous puissions lui trouver quelque trait de ressemblance, et presque jamais nous ne sommes heureux dans ces rapprochemens. Il fut un temps où nous honorâmes l'inepte Necker du beau surnom de Sully. Le présomptueux Lafayette fut appellé dans mille écrits le César français, le héros des deux mondes. Les Français que le bouillant et insensé Custines eut ordre de conduire dans les gorges de Porentru furent métamorphosés en Spartiates, et ces gorges elles-mêmes, où l'on n'a pas brûlé une amorce, prirent le nom pompeux de Thermopyles.

,

Robespierre, pendant qu'il vivoit, étoit sur

nommé le Caton moderne : depuis le supplice qui a terminé ses jours, il a été comparé par les uns à Catilina, par les autres à Cromwel On l'a mal jugé avant et après sa mort. Ce monstre fut plus stupide que Claude, et mille fois plus féroce que Néron. A

Je joins cet écrit à ceux qu'a fait éclore sa juste punition; mais mon cœur, réchauffé par les rayons d'une liberté naissante, ne peut s'ouvrir qu'à des sentimens paisibles. Non, je ne tremperai point ma plume dans le fiel; je n'outragerai point par d'inutiles invectives les malheureux que Robespierre avoit séduits et frappés d'aveuglement. Quant aux sanguinaires complices qui lui ont survécu, si l'horreur qu'ils inspirent à l'univers entier, si le mépris qui les couvre, și les remords qui doivent torturer leur conscience, ne les punissent pas assez, quelle confusion recevroient-ils de mes censures ? Qu'importent d'ailleurs à mon sujet de fastueuses déclamations, dont le salut de la Patrie n'a que faire?!

Et vous, qui laissiez saigner dans le silence les blessures que vous ont faites les dernières proscriptions, vous qui étouffiez vos plaintes pour qu'elles n'allassent point aux oreilles du tyran, que les gémissemens de ses victimes mettoient en fureur; vous que le glaive de la mort, en

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