Page images
PDF
EPUB

les fers, non-seulement conservé leur vie, mais même recouvré leur liberté.

Chaque moment cependant grossissoit l'orage qui se formoit sur la Convention. Tandis que la Commune s'apprêtoit à soutenir un siége, et concertoit avec les Jacobins, avec le tribunal révolutionnaire, avec la plupart des membres des comités révolutionnaires, une sanglante insurrection, des gens envoyés par Henriot se précipitoient vers le château des Tuileries; des canonniers traînoient leurs canons jusqu'aux portes de l'assemblée nationale, et en tournoient les bouches contre elle; une horde d'hommes armés pénétroit dans la salle où étoient réunis les comités de sûreté générale et de salut public, et vouloit en arracher les cinq députés décrétés d'accusation.

Tout sembloit donc annoncer à la Convention qu'elle alloit périr dans des flots de sang; la crise ne pouvoit être plus violente. Sa fermeté, son énergie, la nécessité de vaincre ou de périr, sa haine contre le scélérat qui causoit tout ce désordre, toutes ces causes, aidées de la protection du ciel, qui vouloit mettre fin à tant de forfaits et donner un grand exemple à la terre, la mirent au-dessus de tous les dangers, et lui assurèrent la victoire.

Des soldats fidèles à ses ordres mirent en fuite

les bandits qui assiégeoient les comités, s'em parèrent des cinq prisonniers, et les conduisirent sans obstacles au Luxembourg. Sept députés, Barras, Fréron, Rovere, Delmas, Bonnet, Léonard Bourdon, Bourdon de l'Oise, se mettent à la tête de la force armée, et la dirigent avec succès. En moins d'une heure, Henriot se voit réduit à une poignée de brigands pour toute armée.

Il fut arrêté dans la rue Saint-Honoré avec quelques-uns de ses aides-de-camp, comme il exhortoit ceux qui s'attroupoient autour de lui, de se rendre sur-le-champ à la Commune. On le traîna au comité de sûreté générale; là, il fut déposé dans la pièce qui précédoit celle où le comité tenoit sa séance. On lia ses deux bras avec une corde nouée par-derrière, de manière qu'il ne pouvoit faire aucun usage de ses deux mains fortement écartées l'une de l'autre. Ses aides-de-camp faits prisonniers avec lui, furent simplement attachés par les poignets.

Henriot fut amené au comité sur les sept heures et demie. Il y avoit environ une heure qu'il y étoit lorsque les choses changèrent de nouveau de face, et prirent pour la convention une tournure vraiment alarmante. Il se fait tout-àcoup un bruit extraordinaire : Coffinhal et Lumière, tous les deux à-la-fois officiers munici

paux et membres du tribunal révolutionnaire; arrivent décorés de l'écharpe municipale, à la porte du comité de sûreté générale. Ils étoient suivis de douze cents hommes armés. Un fort escadron de gendarmerie à cheval soutenoit cette troupe, qui avoit en outre, en tête, quatre pièces de canon servies par les canonniers les plus dévoués à Robespierre. A la vue de Coffinhal et de Lumière, on se crut perdu au comité de sûreté générale; les gendarmes de la convention se laissèrent désarmer sans opposer la plus légère résistance. Henriot et ses aides-de-camp furent déliés et emmenés par Coffinhal et Lumière. Il est incontestable que si ceux-ci, après cette expédition, se fussent portés dans la cour du château des Tuileries, et de-là dans la salle où les députés, étoient assemblés, la journée étoit décidée, et la convention vaincue; mais au lieu de faire cette manœuvre si simple, ils s'éloignèrent en grande hâte du château des Tuileries et de la cour du Carrousel.

Comme ces diverses scènes se passoient dans l'intérieur de Paris, une violente fermentation se manifestoit dans le jardin des Tuileries. Des orateurs aux gages de Robespierre se partagoient la multitude qui remplissoit le jardin, et qui paroissoit incertaine si elle prendroit parti pour ou contre la convention; ils cherchoient

vêtu

à l'échauffer, et faisoient tous leurs efforts pour la gagner. Un de ces orateurs, entre autres, d'une redingotte bleue à collet rouge, et qu'on sut ensuite être officier municipal, prit querelle avec un autre particulier également en habit bleu. Celui-là crioit que Robespierre étoit le patriote par excellence, et que la convention n'étoit composée que de contre-révolutionnaires; le second soutenoit au contraire que Robespierre étoit un monstre à étouffer, et que la convention méritoit des bénédictions pour la guerre qu'elle lui faisoit. Le premier, outré de colère, saisit son adversaire au collet, en criant à gorge déployée: A moi les patriotes. Ce dernier voyant qu'il n'étoit pas le plus fort, se fit reconnoître pour Représentant du Peuple; il s'appeloit Poultier. Bien loin que sa qualité de député adoucît son ennemi, elle ne servit qu'à l'aigrir davantage. L'officier muncipal alloit terrasser et peut-être égorger Poultier, lorsqu'un nègre, un particulier appelé Moelle, et une troisième personne dont j'ignore le dont j'ignore le nom, accoururent au secours de Poultier, et le dégagèrent. Il se saisirent ensuite de l'officier municipal, et le traînèrent au comité de sûreté générale.

Tandis, cependant, que les députés dont j'ai parlé plus haut, conduisent la force armée, d'autres députés se répandent, ceux-là dans

[ocr errors]

les sections, ceux-ci dans les rues, sur les places publiques; la convention envoie aussi des commissaires au camp de la plaine des Sablons, aux ouvriers de Grenelle. Par-tout on lit une proclamation qui instruit du véritable état des choses; par-tout les esprits sont éclairés, rassurés ; partout les gens de bien font des vœux pour l'assemblée nationale.

Legendre, armé d'un pistolet, et suivi seulement de dix hommes, se transporte dans l'assemblée des Jacobins. Il marche droit à Vihiers, leur président, avec l'intention de lui brûler la cervelle. Vihiers s'échappe de son fauteuil, s'élance dans la foule, et disparoît. Les spectateurs, les membres de l'assemblée prennent l'épouvante. Ils se jettent les uns sur les autres, se pressent aux portes, se dispersent dans les rues, et fuient comme si une armée nombreuse les pressoit l'épée dans les reins. Ainsi ces Jacobins, qui vantoient tant leur bravoure, montrèrent dans cette occasion qu'ils n'avoient ni courage ni audace, lorsqu'ils n'étoient ni bourreaux ni assassins.

Les conjurés se voyant pressés de toutes parts, et ne pouvant parvenir à soulever le peuple, coururent se réunir à la Commune.

Le concierge du Luxembourg, le commissaire de la municipalité qui s'y trouvoit, ne voulurent point recevoir les cinq prisonniers. Ils leur don

« PreviousContinue »