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Pendant qu'il preffait Paris, les moines armés fefaient des proceffions, le moufquet & le crucifix à la main, & la cuiraffe fur le dos. Le parlement, Juin 1590. les cours fupérieures, les citoyens fefaient ferment fur l'évangile, en préfence du légat, & de l'ambaffadeur d'Espagne, de ne le point recevoir. Mais enfin les vivres manquent, la famine fait fentir fes plus cruelles extrémités..

O&obre

1590.

Le duc de Parme eft envoyé par Philippe II au fecours de Paris avec une puiffante armée : Henri IV court lui préfenter la bataille. Qui ne connaît cette lettre qu'il écrivit du champ où il croyait combattre à cette Gabrielle d'Eftrées, rendue célèbre par lui: Si je meurs, ma dernière penfée fera à DIEU, & l'avantdernière à vous. Le duc de Parme n'accepta point la bataille; il n'était venu que pour secourir Paris, & pour rendre la Ligue plus dépendante du roi d'Efpagne. Affiéger cette grande ville avec fi peu de monde, devant une armée fupérieure, était une chose impoffible voilà donc encore fa fortune retardée & fes victoires inutiles. Du moins il empêche le duc de Parme de faire des conquêtes, & le côtoyant jufqu'aux dernières frontières de la Picardie, il le fit rentrer en Flandre.

A peine eft-il délivré de cet ennemi que le pape Grégoire XIV, Sfondrat, emploie une partie des tréfors amaffés par Sixte-Quint à envoyer des troupes Novices jé à la Ligue. Le jéfuite Jouvency avoue dans fon hiftoire contre Henri que le jéfuite Nigri, fupérieur des novices de Paris. raffembla tous les novices de cet ordre, en France, & qu'il les conduifit jufqu'à Verdun au-devant de l'armée du pape; qu'il les enrégimenta, & qu'il les

fuitesenrôlés

IV.

incorpora à cette armée, laquelle ne laiffa en France que les traces des plus horribles diffolutions: ce trait peint l'efprit du temps.

C'était bien alors que les moines pouvaient écrire que l'évêque de Rome avait le droit de dépofer les rois : ce droit était près d'être conftaté à main armée.

Henri IV avait toujours à combattre l'Espagne, Rome & la France; car le duc de Parme, en fe retirant, avait laiffé huit mille foldats au duc de Mayenne. Un neveu du pape entre en France avec des troupes italiennes & des monitoires; il fe joint au duc de Savoie dans le Dauphiné. Lefdiguières, celui qui fut depuis le dernier connétable de France, & le dernier feigneur puiffant, battit les troupes favoifiennes & celles du pape. Il fefait la guerre, comme Henri IV, avec des capitaines qui ne fervaient qu'un temps: cependant il défit ces armées réglées. Tout était alors foldat en France, payfan, artisan, bourgeois; c'est ce qui la dévasta, mais c'eft ce qui l'empêcha enfin d'être la proie de fes voifins. Les foldats du pape se diffipèrent, après n'avoir donné que des exemples d'une débauche inconnue au-delà de leurs Alpes. Les habitans des campagnes brûlaient les chèvres qui fuivaient leurs régimens.

Philippe II, du fond de fon palais, continuait à entretenir & ménager cet incendie, toujours donnant au duc de Mayenne de petits fecours, afin qu'il ne fût ni trop faible ni trop puiffant, & prodiguant l'or dans Paris, pour y faire reconnaître fa fille, Claire-Eugénie, reine de France, avec le prince qu'il lui donnera pour époux. C'eft dans ces vues qu'il envoie encore le duc de Parme en France, lorfque

Etats géné

Henri IV affiége Rouen, comme il l'avait envoyé pendant le fiége de Paris. Il promettait à la Ligue qu'il ferait marcher une armée de cinquante mille hommes, dès que fa fille ferait reine. Henri, après avoir levé le fiége de Rouen, fait encore fortir de France le duc de Parme.

Cependant il s'en fallut peu que la faction des raux préten- Seize, penfionnaire de Philippe II, ne remplît enfin dus. les projets de ce monarque, & n'achevât la ruine

Novembre

1591.

entière du royaume. Ils avaient fait pendre le premier président du parlement de Paris, & deux magiftrats qui s'oppofaient à leurs complots. Le duc de Mayenne, près d'être accablé lui-même par cette faction, avait fait pendre quatre de ces féditieux à fon tour. C'était au milieu de ces divifions & de ces horreurs, après la mort du prétendu Charles X, que fe tenaient à Paris les états-généraux, fous la direction d'un légat du pape & d'un ambassadeur d'Efpagne : le légat même y préfida, & s'affit dans le fauteuil qu'on avait laiffé vide, & qui marquait la place du roi qu'on devait élire. L'ambassadeur d'Espagne y eut féance: il y harangua contre la loi falique, & propofa l'infante 1593. pour reine. Le parlement fit des remontrances au

duc de Mayenne, en faveur de la loi falique; mais ces remontrances n'étaient-elles pas vifiblement concertées avec ce chef de parti? la nomination de l'infante ne lui ôtait-elle pas fa place? le mariage de cette princeffe, projeté avec le duc de Guife, fon neveu, ne le rendait-il pas fujet de celui dont il voulait demeurer le maître?

Vous remarquerez qu'à ces états le parlement voulut avoir féance par députés, & ne put l'obtenir.

ment n'affifte

point aux

etats.

Vous remarquerez encore que ce même parlement Le parlevenait de faire brûler, par fon bourreau, un arrêt du parlement du roi féant à Châlons, donné contre le légat & contre fon prétendu pouvoir de préfider à l'élection d'un roi de France.

la forbonne

A peu-près dans le même temps, plufieurs citoyens ayant préfenté requête à la ville & au parlement pour demander qu'on prefsât au moins le roi de fe Décret de faire catholique, avant de procéder à une élection, contre Henri la forbonne déclara cette requête inepte, féditieufe, IV. impie, inutile, attendu qu'on connaît l'obftination de Henri le relaps. Elle excommunie les auteurs de la requête, & conclut à les chaffer de la ville. Ce décret, rendu en auffi mauvais latin que conçu par un efprit de démence, est du premier novembre 1592: il a été révoqué depuis, lorfqu'il importait fort peu qu'il le fût. Si Henri IV n'eût pas régné, le décret eût fubfifté, & on eût continué de prodiguer à Philippe II le titre de protecteur de la France & de l'Eglise.

Des prêtres de la Ligue étaient perfuadés & perfuadaient aux peuples que Henri IV n'avait nul droit au trône; que la loi falique, refpectée depuis fi longtemps, n'est qu'une chimère ; que c'est à l'Eglise seule à donner les couronnes.

On a confervé les écrits d'un nommé d'Orléans, avocat au parlement de Paris, & député aux états de la Ligue. Cet avocat développe tout ce fyftême dans un gros livre intitulé, Réponse des vrais catholiques.

C'est une chose digne d'attention que la fourberie & le fanatifme avec lefquels tous les auteurs de ce temps-là cherchent à foutenir leurs fentimens par les

livres juifs, comme fi les ufages d'un petit peuple, confiné dans les roches de la Paleftine, devaient être, au bout de trois mille ans, la règle du royaume de France. Qui croirait que, pour exclure Henri IV de fon héritage, on citait l'exemple d'un roitelet juif nommé Ozias, que les prêtres avaient chaffé de son palais parce qu'il avait la lèpre, & qui n'avait la lèpre que pour avoir voulu offrir de l'encens au Seigneur? Page 230. L'héréfie, dit l'avocat d'Orléans, eft la lèpre de l'ame; par conféquent Henri IV eft un lépreux qui ne doit pas régner. C'eft ainfi que raisonne tout le parti de la Ligue ; mais il faut transcrire les propres paroles de l'avocat, au fujet de la loi falique.

Page 224.

Page 272.

Le devoir d'un roi de France eft d'être chrétien auffi-bien que mâle. Qui ne tient la foi catholique, apoftolique & romaine n'est point chrétien, & ne croit point en DIEU, & ne peut être justement roi de France, non plus que plus grand faquin du monde.

le

Voici un morceau encore plus étrange. Pour être roi de France, il eft plus néceffaire d'être catholique que d'être homme: qui difpute cela mérite qu'un bourreau lui réponde plutôt qu'un philofophe.

Rien ne fert plus à faire connaître l'efprit du temps. Ces maximes étaient en vigueur dans Rome depuis huit cents ans ; & elles n'étaient en horreur dans la moitié de l'Europe que depuis un fiècle. Les Efpagnols, avec de l'argent & des prêtres fefaient valoir ces opinions en France; & Philippe II eût foutenu les fentimens contraires, s'il y avait eu le moindre intérêt.

Pendant qu'on employait contre Henri les armes, la plume, la politique & la fuperftition; pendant

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