Page images
PDF
EPUB

Belles paro

reur aux je

fuites.

"Que diriez-vous fi j'envoyais une troupe de les de l'empe- ,, bonzes & de lamas dans votre pays? comment ,, les recevriez-vous? Si vous avez fu tromper mon " père, n'espérez pas me tromper de même. Vous ,, voulez que les Chinois embraffent votre loi. " Votre culte n'en tolère point d'autre, je le fais : " en ce cas que deviendrons-nous? les fujets de vos " princes. Les difciples que vous faites ne connaissent " que vous. Dans un temps de trouble ils n'écou,, teraient d'autre voix que la vôtre. Je fais bien " qu'à préfent il n'y a rien à craindre; mais quand "les vaiffeaux viendront par milliers, il pourrait " y avoir du défordre.

,,

[ocr errors]

Les mêmes jéfuites qui rendent compte de ces paroles, avouent avec tous les autres que cet empereur était un des plus fages & des plus généreux princes qui aient jamais régné; toujours occupé du foin de foulager les pauvres, & de les faire travailler, exact observateur des lois, réprimant l'ambition & le manége des bonzes, entretenant la paix & l'abondance, encourageant tous les arts utiles, & furtout la culture des terres. De fon temps les édifices publics, les grands chemins, les canaux qui joignent tous les fleuves de ce grand Empire furent entretenus avec une magnificence & une économie qui n'a rien d'égal que chez les anciens Romains.

Ce qui mérite bien notre attention, c'eft le tremblement de terre que la Chine effuya en 1699, fous l'empereur Cam-hi. Ce phénomène fut plus funefte que celui qui de nos jours a détruit Lima & Lisbonne; il fit périr, dit-on, environ quatre cents mille hommes. Ces fecouffes ont dû être fréquentes dans notre

globe: la quantité de volcans qui vomiffent la fumée & la flamme font penfer que la première écorce de la terre porte fur des gouffres, & qu'elle eft remplie de matière inflammable. Il eft vraisemblable que notre habitation a éprouvé autant de révolutions en phyfique que la rapacité & l'ambition en a caufé parmi les peuples.

CHAPITRE CXCVI.

Du Japon, au dix-feptième fiècle, & de l'extinction de la religion chrétienne en ce pays.

DANS

ANS la foule des révolutions que nous avons vues d'un bout de l'univers à l'autre, il paraît un enchaînement fatal des caufes qui entraînent les hommes, comme les vents pouffent les fables & les flots. Ce qui s'eft paffé au Japon en eft une nouvelle preuve. Un prince portugais, fans puiffance, fans richeffes, imagine au quinzième fiècle d'envoyer quelques vaiffeaux fur les côtes d'Afrique. Bientôt après, les Portugais découvrent l'empire du Japon. L'Espagne, devenue pour un temps fouveraine du Portugal, fait au Japon un commerce immenfe. La religion chrétienne y eft portée à la faveur de ce commerce; & à la faveur de cette tolérance de toutes les fectes admifes fi généralement dans l'Afie, elle s'y introduit, elle s'y établit. Trois princes japonais chrétiens viennent à Rome baifer les pieds du pape Grégoire XIII. Le chriftianifme allait devenir au Japon la religion dominante, & bientôt l'unique,

Le Japon prefquechré tien.

Chriftianif

me profcrit.

lorfque fa puiffançe même fervit à le détruire. Nous avons déjà remarqué que les miffionnaires y avaient beaucoup d'ennemis; mais auffi ils s'y étaient fait un parti très-puiffant. Les bonzes craignirent pour leurs anciennes poffeffions, & l'empereur enfin craignit pour l'Etat. Les Espagnols s'étaient rendus maîtres des Philippines voifines du Japon: on favait ce qu'ils avaient fait en Amérique; il n'est pas étonnant que les Japonais fuffent alarmés.

L'empereur du Japon, dès l'an 1586, proscrivit la religion chrétienne; l'exercice en fut défendu aux Japonais, fous peine de mort: mais comme on permettait toujours le commerce aux Portugais & aux Efpagnols, leurs miffionnaires fefaient dans le peuple autant de profélytes qu'on en condamnait aux fupplices. Le gouvernement défendit aux marchands étrangers d'introduire des prêtres chrétiens dans le pays malgré cette défense, le gouverneur des îles Philippines envoya des cordeliers en ambassade à l'empereur japonais. Ces ambaffadeurs commencerent par faire conftruire une chapelle publique dans la ville capitale, nommée Méaco; ils furent chaffés, & la perfécution redoubla. Il y eut long-temps des alternatives de cruauté & d'indulgence. Il eft évident que la raifon d'Etat fut la feule caufe des perfécutions, & qu'on ne fe déclara contre la religion chrétienne que par la crainte de la voir fervir d'inftrument aux entreprises des Espagnols. Car jamais on ne perfécuta au Japon la religion de Confucius, quoiqu'apportée par un peuple dont les Japonais font jaloux, & auquel ils ont fouvent fait la guerre.

Le favant & judicieux obfervateur Kempfer, qui

a fi long-temps été fur les lieux, nous dit que, l'an 1674, on fit le dénombrement des habitans de Méaco. Il y avait douze religions dans cette capitale, qui vivaient toutes en paix; & ces douze fectes compofaient plus de quatre cents mille habitans, fans compter la cour nombreuse du daïri, fouverain pontife. Il paraît que fi les Portugais & les Espagnols s'étaient contentés de la liberté de confcience, ils auraient été auffi paifibles dans le Japon que ces douze religions. Ils y fefaient encore, en 1636, le commerce le plus avantageux; Kempfer dit qu'ils en rapportèrent à Macao deux mille trois cents cinquante caiffes d'argent.

:

Toutes les fectes en paix au Japon.

Les Hollandais qui trafiquaient au Japon depuis 1600 étaient jaloux du commerce des Espagnols. Ils prirent, en 1637, vers le cap de Bonne-Efpérance, un vaisseau espagnol, qui fefait voile du Japon à Lisbonne ils y trouvèrent des lettres d'un officier portugais, nommé Moro, espèce de conful de lá nation; ces lettres renfermaient le plan d'une conf- Confpirapiration des chrétiens du Japon contre l'empereur; vais on fpécifiait le nombre des vaiffeaux & des foldats tiens. qu'on attendait de l'Europe, & des établissemens d'Afie, pour faire réuffir le projet. Les lettres furent envoyées à la cour du Japon: Moro reconnut fon crime & fut brûlé publiquement.

tion des mau

ferme

chre

aux

Alors le gouvernement aima mieux renoncer à Le Japon tout commerce avec les étrangers que fe voir expofe étrangers. à de telles entreprises. L'empereur Jemits, dans une affemblée de tous les grands, porta ce fameux édit, que déformais aucun Japonais ne pourrait fortir du pays, fous peine de mort; qu'aucun étranger ne ferait

reçu dans l'empire, que tous les Efpagnols ou Portugais feraient renvoyés, que tous les chrétiens du pays feraient mis en prifon, & qu'on donnerait environ mille écus à quiconque découvrirait un prêtre chrétien. Ce parti extrême de fe féparer tout d'un coup du refte du monde, & de renoncer à tous les avantages du commerce, ne permet pas de douter que la confpiration n'ait été véritable: mais ce qui rend la preuve complète, c'est qu'en effet les chrétiens du pays, avec quelques portugais à leur tête, s'affemblèrent en armes, au nombre de plus de trente Chrétiens mille. Ils furent battus, en 1638, & fe retirèrent dans battus. une fortereffe fur le bord de la mer dans le voifinage du port de Nangázaki.

Cependant toutes les nations étrangères étaient alors chaffées du Japon; les Chinois mêmes étaient compris dans cette loi générale, parce que quelques miffionnaires d'Europe s'etaient vantés au Japon d'être fur le point de convertir la Chine au chriftianifme. Les Hollandais eux-mêmes, qui avaient découvert la confpiration, étaient chaffés comme les autres on avait déjà démoli le comptoir qu'ils avaient à Firando; leurs vaiffeaux étaient déjà partis il en reftait un que le gouvernement fomma de tirer fon canon contre la fortereffe où les chrétiens étaient réfugiés. Le capitaine hollandais Kokbeker rendit ce funefte fervice: les chrétiens furent bientôt forcés, & périrent dans d'affreux fupplices. Encore une fois, quand on se représente un capitaine portugais, nommé Moro, & un capitaine hollandais, nommé Kokbeker, fufcitant dans le Japon de fi étranges événemens, on refte convaincu de l'efprit

« PreviousContinue »