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life ailleurs, comme dans la grande hiftoire de Mézerai, dans Péréfixe, dans les mémoires de Sulli, ce qui concerne les temps de ce bon prince. (1)

de la vie de

Henri IV.

Fefons, pour notre ufage particulier, un précis de Sommaire cette vie, qui fut trop courte. Il eft, dès fon enfance, nourri dans les troubles & dans les malheurs. Il fe trouve, à quatorze ans, à la bataille de Moncontour. Il eft rappelé à Paris. Il n'époufe la fœur de Charles IX que pour voir fes amis affaffinés autour de lui, pour courir lui-même risque de fa vie, & pour refter près de trois ans prifonnier d'Etat. Il ne fort de fa prifon que pour effuyer toutes les fatigues & toutes les fortunes de la guerre, manquant fouvent du néceffaire, n'ayant jamais de repos, s'expofant comme le plus hardi foldat, fefant des actions qui

(1) Ce paffage du dictionnaire de Bayle, ainfi qu'un grand nombre d'autres, ne peut être regardé que comme une plaifanterie.

:

Il eft certain qu'un prince qui profite de l'impunité que fon rang lui afsure, pour priver un de ses sujets de fa femme, commet un acte de tyrannie l'adultère eft un crime pour un fouverain comme pour un particulier; mais les circonftances qui augmentent ou diminuent la gravité du crime, fans en changer la nature, rendent celui-ci bien plus grave dans un roi que dans un homme privé.

Il faut avouer encore qu'un prince dont les paffions font publiques, peut s'avilir, foit par l'influence que fa faibleffe donne à fes maîtreffes, foit par les actions indignes de lui, où l'amour peut l'entraîner, foit même par le ridicule dont peuvent le couvrir les infidélités ou l'infolence de fes maitreffes.

Cependant, de toutes les paffions des rois l'amour eft encore la moins funefte à leurs peuples. Ce n'eft point Marie Touchet qui a confeillé la SaintBarthelemi; madame de Montefpan n'a point contribué à la révocation de l'édit de Nantes; ce ne font point les maîtreffes de Louis XV, ou de fon premier miniftre, qui ont fait donner l'édit de 1724. Les confeffeurs des rois ont fait bien plus de mal à l'Europe que leurs maîtreffes.

Obfervons enfin que l'amour des plaifirs & la chafteté font également compatibles avec toutes les vertus & tous les vices, toutes les grandes actions. & tous les crimes.

ne paraissent pas croyables, & qui ne le deviennent que parce qu'il les a répétées; comme lorfqu'à la prife de Cahors, en 1588, il fut fous les armes pendant cinq jours, combattant de rue en rue fans presque prendre de repos. La victoire de Coutras fut due principalement à fon courage. Son humanité après la victoire devait lui gagner tous les cœurs.

Le meurtre de Henri III le fait roi de France: mais la religion fert de prétexte à la moitié des chefs de l'armée pour l'abandonner, & à la Ligue pour ne pas le reconnaître. Elle choifit pour roi un fantôme, un cardinal de Bourbon-Vendôme; & le roi d'Efpagne, Philippe II, maître de la Ligue par fon argent, compte déjà la France pour une de fes provinces. Le duc de Savoie, gendre de Philippe, envahit la Provence & le Dauphiné. Le parlement de Languedoc défend, fous peine de la vie, de le reconnaître, & le déclare incapable de poffeder jamais la couronne de France, conformément à labulle de notre faint-père le pape. Le parlement Septembre de Rouen déclare criminels de lèfe-majeflé divine & humaine tous fes adhérens. (2)

1583.

Henri IV n'avait pour lui que la juftice de fa caufe, fon courage & quelques amis. Jamais il ne

(2) Les apologistes des jefuites ont reproché ces arrêts aux parlemens, lorfqu'ils détruifaient les jefuites, en les accufant de ces mêmes excès. La juftice oblige d'observer qu'on ne doit reprocher à un corps que les crimes qui lui ont été infpirés par l'intérêt ou par l'efprit de corps. On peut alors dire à ceux qui les compofent : Voilà ce que vos prédéceffeurs ont fait, voilà ce que dans les mêmes circonftances on pourrait attendre de vous: l'efprit qui les animait n'eft point éteint, votre intérêt n'a pas change. Mais il n'est pas plus raisonnable de reprocher à des corps feculiers les crimes du fanatisme ou de la fuperftition, dont leurs prédéceffeurs fe font fouilles, que de reprocher les excès de la Saint-Barthelemi aux descendans des Tavanes ou des Guifes.

fut en état de tenir long-temps une armée fur pied; & encore quelle armée ? elle ne fe monta presque jamais à douze mille hommes complets: c'était moins que les détachemens de nos jours. Ses ferviteurs venaient tour-à-tour se ranger fous fa bannière, & s'en retournaient les uns après les autres, au bout de quelques mois de fervice. Les Suiffes, qu'à peine il pouvait payer, & quelques compagnies de lances, fefaient le fonds permanent de fes forces. Il fallait courir de ville en ville combattre & négocier fans relâche. Il n'y a prefque point de province en France où il n'ait fait de grands exploits, à la tête de quelques amis qui lui tenaient lieu d'armée.

D'abord, avec environ cinq mille combattans O&obre il bat, à la journée d'Arques, auprès de Dieppe, 1589. l'armée du duc de Mayenne, forte de vingt mille hommes; c'eft alors qu'il écrivit cette lettre au marquis de Crillon: Pends-toi, brave Crillon, ,, nous avons combattu à Arques, & tu n'y étais 99 pas. Adieu, mon ami, je vous aime à tort & à ,, travers. Enfuite il emporte les faubourgs de Paris, & il ne lui manque qu'affez de foldats pour prendre la ville. Il faut qu'il fe retire, qu'il force jufqu'aux villages retranchés pour s'ouvrir des paffages, pour communiquer avec les villes qui défendent fa cause.

Pendant qu'il eft ainfi continuellement dans la fatigue & dans le danger, un cardinal Caëtan, légat de Rome, vient tranquillement à Paris donner des lois au nom du pape. La forbonne ne ceffe de déclarer qu'il n'eft pas roi; (& elle fubfifte encore!) & la Ligue règne fous le nom de ce cardinal de

Vendôme, qu'elle appelait Charles X, au nom duquel on frappait la monnaie, tandis que le roi le retenait prifonnier à Tours. (3)

Les religieux animent les peuples contre lui. Les jéfuites courent de Paris à Rome & en Espagne. Le père Matthieu, qu'on nommait le courrier de la Ligue,

ne ceffe de procurer des bulles & des foldats. Le 14 mars roi d'Espagne envoie quinze cents lances fournies, 1590.. qui fefaient environ quatre mille cavaliers, & trois

mille hommes de la vieille infanterie vallone, fous le comte d'Egmont, fils de cet Egmont à qui ce roi avait fait trancher la tête. Alors Henri IV rassemble le peu de force qu'il peut avoir, & n'eft pourtant pas à la tête de dix mille combattans. Il livre cette fameuse bataille d'Ivry aux Ligueurs commandés par le duc de Mayenne, & aux Efpagnols très-fupérieurs en nombre, en artillerie, en tout ce qui peut

(3) Ce que nous avons dit dans la note précédente peut s'appliquer ici. La forbonne agissait alors d'après les principes d'intolérance admis par tous les théologiens, d'après l'intérêt de l'autorité ecclefiaftique, l'esprit general du clergé ; ainfi, tant qu'elle n'enseignera pas dans fes écoles que tout acte de violence temporelle exercé contre l'hérèfie ou l'impiété, est contraire à la justice, & par conféquent à la loi de DIEU; tant qu'elle n'enseignera point que le clergé ne peut avoir d'autre juridiction que celle qu'il reçoit de la puiffance feculière, & qui conferve le droit de l'en priver, on eft en droit de croire que la forbonne a confervé ses principes d'intolerance & de révolte.

D'ailleurs il n'eft que trop public qu'elle n'a point rougi d'avancer hautement dans la cenfure de Belifaire, & plus recemment dans celle de T'hiftoire philofophique du commerce des deux Indes, les principes des affaffins & des bourreaux du feizième fiècle.

Ainfi, autant il ferait injufte de reprocher aux parlemens leurs arrêts contre Henri IV, autant est-il raisonnable de reprocher à la forbonne fon décret contre Henri III, fes décisions contre Henri IV, fes instructions au père Matthieu, &c. &c. &c.

entretenir une armée confidérable. Il gagne cette bataille, comme il avait gagné celle de Coutras, en fe jetant dans les rangs ennemis au milieu d'une forêt de lances. On fe fouviendra dans tous les fiècles de ces paroles: Si vous perdez vos enfeignes, ralliez-vous à mon panache blanc; vous le trouverez toujours au chemin de l'honneur & de la gloire. Sauvez les Français, s'écria-t-il, quand les vainqueurs s'acharnaient fur les vaincus.

Ce n'est plus comme à Coutras, où à peine il était le maître. Il ne perd pas un moment pour profiter de la victoire. Son armée le fuit avec alégreffe; elle eft même renforcée. Mais enfin il n'avait pas quinze mille hommes, & avec ce peu de troupes il affiége Paris, où il reftait alors deux cents vingt mille habitans. Il eft conftant qu'il l'eût pris par famine, s'il n'avait pas permis lui-même, par trop de pitié, que les affiégeans nourriffent les affiégés. En vain fes généraux publiaient, fous fes ordres, des défenses, fous peine de mort, de fournir des vivres aux Parifiens; les foldats eux-mêmes leur en vendaient. Un jour que, pour faire un exemple, on allait pendre deux payfans qui avaient amené des charrettes de pain à une poterne, Henri les rencontra en allant visiter fes quartiers: ils se jetèrent à ses genoux, & lui remontrèrent qu'ils n'avaient que cette manière pour gagner leur vie: Allez en paix, leur dit le roi, en leur donnant auffitôt l'argent qu'il avait fur lui: Le Béarnois eft pauvre, ajouta-t-il; s'il avait davantage, il vous le donnerait. Un cœur bien né ne peut lire de pareils traits fans quelques larmes d'admiration & de tendreffe.

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