Page images
PDF
EPUB

Paul Vem

bellit Rome.

l'immaculée conception de la fainte Vierge: il fe contenta de défendre d'enseigner le contraire en public, pour ne pas choquer les dominicains, qui prétendent qu'elle a été conçue comme les autres dans le péché originel. Les dominicains étaient alors très-puiffans en Espagne & en Italie.

Il s'appliqua à embellir Rome, à raffembler les plus beaux ouvrages de fculpture & de peinture. Rome lui doit fes plus belles fontaines, furtout celle qui fait jaillir l'eau d'un vafe antique tiré des thermes de Vefpafien, & celle qu'on appelle l'Acqua Paola, ancien ouvrage d'Augufte, que Paul Vrétablit; il y fit conduire l'eau par un aqueduc de trente-cinq mille pas, à l'exemple de Sixte-Quint. C'était à qui laifferait dans Rome les plus nobles monumens. Il acheva le palais de Monte-Cavallo. Le palais Borghèfe eft un des plus confidérables. Rome embellie fous chaque pape devenait la plus belle ville du Urbain auffi. monde. Urbain VIII conftruifit ce grand autel de Saint-Pierre, dont les colonnes & les ornemens paraîtraient par-tout ailleurs des ouvrages immenfes, & qui n'ont là qu'une jufte proportion : c'est le chefd'œuvre du florentin Bernini, digne de mêler fes ouvrages avec ceux de fon compatriote MichelAnge.

Cet Urbain VIII, dont le nom était Barberini, aimait tous les arts: il réuffiffait dans la poëfie latine, Les Romains, dans une profonde paix, jouissaient de toutes les douceurs que les talens répandent dans la fociété, & de la gloire qui leur est attachée. Urbain 1644. réunit à l'Etat eccléfiaftique le duché d'Urbino, Pefaro, Sinigaglia, après l'extinction de la maifon

Petite

de la Rovère, qui tenait ces principautés en fief
du faint-fiége. La domination des pontifes romains
devint donc toujours plus puiffante depuis Alexandre VI.
Rien ne troubla plus la tranquillité publique; à
peine s'aperçut-on de la petite guerre qu'Urbain VIII,
ou plutôt fes deux neveux, firent à Edouard, duc guerre.
de Parme, pour l'argent que ce duc devait à la
chambre apoftolique fur fon duché de Caftro. Ce
fut une guerre peu fanglante & paffagère, telle qu'on
la devait attendre de ces nouveaux Romains, dont
les mœurs doivent être néceffairement conformes à
l'efprit de leur gouvernement. Le cardinal Barberin,
auteur de ces troubles, marchait à la tête de fa
petite armée avec des indulgences. La plus forte
bataille qui fe donna fut entre quatre ou cinq cents
hommes de chaque parti. La fortereffe de Piégaia
fe rendit à difcrétion, dès qu'elle vit approcher
l'artillerie; cette artillerie confiftait en deux coule-
vrines. Cependant il fallut pour étouffer ces troubles,
qui ne méritent point de place dans l'histoire, plus
de négociations que s'il s'était agi de l'ancienne
Rome & de Carthage. On ne rapporte cet événement
que pour faire connaître le génie de Rome moderne,
qui finit tout par la négociation, comme l'ancienne
Rome finiffait tout par des victoires.

pations.

Les cérémonies de la religion, celles des pré- Petites occuféances, les arts, les antiquités, les édifices, les jardins, la mufique, les affemblées, occupèrent le loifir des Romains, tandis que la guerre de trente ans ruina l'Allemagne, que le fang des peuples & du roi coulait en Angleterre ; & que, bientôt après, la guerre civile de la fronde défola la France.

Misère des

peuples.

Mais fi Rome était heureuse par fa tranquillité, & illuftre par fes monumens, le peuple était dans la misère. L'argent qui fervit à élever tant de chefsd'œuvre d'architecture, retournait aux autres nations par le défavantage du commerce.

Les papes étaient obligés d'acheter, des étrangers, le blé dont manquent les Romains, & qu'on revendait en détail dans la ville. Cette coutume dure encore aujourd'hui : il y a des Etats que le luxe enrichit, il y en a d'autres qu'il appauvrit. La splendeur de quelques cardinaux, & des parens des papes, fervait à faire mieux remarquer l'indigence des autres citoyens, qui pourtant, à la vue de tant de beaux édifices, femblaient s'énorgueillir, dans leur pauvreté, d'être habitans de Rome.

Les voyageurs, qui allaient admirer cette ville, étaient étonnés de ne voir, d'Orviette à Terracine, dans l'efpace de plus de cent milles, qu'un terrain dépeuplé d'hommes & de beftiaux. La campagne de Rome, il eft vrai, est un pays inhabitable, infecté par des marais croupiffans, que les anciens Romains avaient defféchés. Rome, d'ailleurs, eft dans un terrain ingrat, fur le bord d'un fleuve qui à peine eft navigable. Sa fituation entre fept montagnes était plutôt celle d'un repaire que d'une ville. Ses premières guerres furent les pillages d'un peuple qui ne pouvait guère vivre que de rapines; & lorsque le diactateur Camille eut pris Veies, à quelques lieues de Rome dans l'Ombrie, tout le peuple romain voulut quitter fon territoire ftérile & fes fept montagnes, pour se transplanter au pays de Veies. On ne rendit depuis les environs de Rome fertiles qu'avec l'argent

:

des nations vaincues, & par le travail d'une foule d'efclaves mais ce terrain fut plus couvert de palais que de moiffons. Il a repris enfin fon premier état de campagne déferte.

tion de Ro

me.

Le faint-fiége poffédait ailleurs de riches contrées, comme celle de Bologne. L'évêque de Salisbury, Burnet, attribue la misère du peuple, dans les meilleurs cantons de ce pays, aux taxes & à la forme du gouvernement. Il a prétendu, avec prefque tous les écrivains, qu'un prince électif, qui règne peu d'années, n'a ni le pouvoir ni la volonté de faire de ces établisfemens utiles qui ne peuvent devenir avantageux qu'avec le temps. Il a été plus aifé de relever les obélifques, & de conftruire des palais & des temples, que de rendre la nation commerçante & opulente. Quoique Rome fût la capitale des peuples catholiques, elle était cependant moins peuplée que Venise Dépopula& Naples, & fort au-deffous de Paris & de Londres; elle n'approchait pas d'Amfterdam pour l'opulence, & pour les arts néceffaires qui la produisent. On ne comptait, à la fin du dix-feptième fiècle, qu'environ cent vingt mille habitans dans Rome par le dénombrement imprimé des familles, & ce calcul fe trouvait encore vérifié par les regiftres des naiffances. Il naiffait, année commune, trois mille fix cents enfans: ce nombre des naiffances, multiplié par trente-quatre, donne toujours à peu-près la fomme des habitans, & cette fomme eft ici de cent vingt-deux mille quatre cents. Paul Jove, dans fon hiftoire de Léon X, rapporte que, du temps de Clément VII, Romé ne poffédait que trente-deux mille habitans. Quelle différence de ces temps avec ceux des Trajan & des

Antonin! Environ huit mille juifs, établis à Rome, n'étaient pas compris dans ce dénombrement: ces juifs ont toujours vécu paifiblement à Rome, ainfi qu'à Livourne. On n'a jamais exercé contre eux en Italie les cruautés qu'ils ont fouffertes en Espagne & en Portugal. L'Italie était le pays de l'Europe où la religion infpirait alors le plus de douceur.

Rome fut le feul centre des arts & de la politeffe jufqu'au fiècle de Louis XIV, & c'eft ce qui détermina la reine Christine à y fixer fon féjour : mais bientôt l'Italie fut égalée dans plus d'un genre par la France, & furpaffée de beaucoup dans quelques-uns. Les Anglais eurent fur elle autant de fupériorité par les fciences que par le commerce. Rome conferva la gloire de fes antiquités & des travaux qui la diftinguèrent depuis Jules II.

CHAPITRE CLXXXVI.

Suite de l'Italie, au dix-feptième fiècle.

De la Tof- LA Tofcane était, comme l'Etat du pape, depuis

cane.

le feizième fiècle, un pays tranquille & heureux. Florence, rivale de Rome, attirait chez elle la même foule d'étrangers qui venaient admirer les chefsd'œuvre antiques & modernes dont elle était remplie. On y voyait cent foixante ftatues publiques. Les deux feules qui décoraient Paris, celle de Henri IV & le cheval qui porte la ftatue de Louis XIII, avaient été fondues à Florence, & c'étaient des préfens des grands-ducs.

« PreviousContinue »