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comme il le fallait; mais l'empereur Maximilien II ne put perfuader à la diète d'Augsbourg que l'équinoxe était avancé de dix jours. On craignait que la cour de Rome, en inftruifant les hommes, ne prît le droit de les maîtriser. Ainfi l'ancien calendrier fubfifta encore quelque temps chez les catholiques même de l'Allemagne. Les proteftans de toutes les communions s'obftinèrent à ne pas recevoir des mains du pape une vérité qu'il aurait fallu recevoir des Turcs, s'ils l'avaient propofée.

Les derniers jours du pontificat de Grégoire XIII Ambaffade du Japon au furent célèbres par cette ambaffade d'obédience qu'il pape. 1575. reçut du Japon. Rome fefait des conquêtes fpirituelles à l'extrémité de la terre, tandis qu'elle fefait tant de pertes en Europe. Trois rois ou princes du Japon, alors divifé en plufieurs fouverainetés, envoyèrent chacun un de leurs plus proches parens faluer le roi d'Espagne, Philippe II, comme le plus puissant de tous les rois chrétiens, & le pape, comme père de tous les rois. Les lettres de ces trois princes au pape commençaient toutes par un acte d'adoration envers lui. La première, du roi de Bungo, était écrite, A l'adorable qui tient fur terre la place du roi du ciel ; elle finit par ces mots : Je m'adresse avec crainte & respect à votre fainteté, que j'adore & dont je baife les pieds très-faints. Les deux autres difent à peu-près la même chofe. L'Espagne fe flattait alors que le Japon deviendrait une de fes provinces, & le faint-fiége voyait déjà le tiers de cet empire foumis à sa juridiction eccléfiaftique.

Le peuple romain eût été très-heureux fous le gouvernement de Grégoire XIII, fi la tranquillité

publique de fes Etats n'avait pas été quelquefois troublée par les bandits. Il abolit quelques impôts onéreux, & ne démembra point l'Etat en faveur de fon bâtard, comme avaient fait quelques-uns de fes prédéceffeurs. (13)

CHAPITRE CLXXXI V.

De Sixte - Quint.

Le règne de Sixte-Quint a plus de célébrité que

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celui de Grégoire XIII & de Pie V, quoique ces deux pontifes aient fait de grandes chofes; l'un s'étant fignalé par la bataille de Lépante, dont il fut le premier mobile, & l'autre par la réforme des temps. Il arrive quelquefois que le caractère d'un homme, & la fingularité de fon élévation arrêtent fur lui les yeux de la poftérité plus que les actions mémorables des autres. La difproportion qu'on croit voir Papes nés entre la naiffance de Sixte-Quint, fils d'un pauvre vigneron, & l'élévation à la dignité fuprême, augmente fa réputation; cependant nous avons vu que jamais une naissance obfcure & baffe ne fut regardée comme un obstacle au pontificat, dans une religion & dans une cour où toutes les places font réputées le prix du mérite, quoiqu'elles foient auffi celui de

dans l'obfcurité.

(13) Grégoire XIII approuva le maffacre de la Saint-Barthelemi; 'l'annonça dans un confiftoire comme un événement confolant pour la religion, & voulut en confacrer & en éternifer le fouvenir par un tableau qu'il fit placer dans fon palais. Cette feule action fuffit pour rendre fa mémoire à jamais exécrable.

la brigue. Pie V n'était guère d'une famille plus relevée; Adrien VI fut le fils d'un artifan; Nicolas V était né dans l'obscurité; le père du fameux Jean XXII qui ajouta un troifième cercle à la tiare, & qui porta trois couronnes, fans pofféder aucune terre, raccommodait des fouliers à Cahors; c'était le métier du père d'Urbain IV. Adrien IV, l'un des plus grands papes, fils d'un mendiant, avait été mendiant luimême. L'hiftoire de l'Eglife eft pleine de ces exemples, qui encouragent la fimple vertu, & qui confondent la vanité humaine. Ceux qui ont voulu relever la naiffance de Sixte-Quint n'ont pas fongé qu'en cela ils rabaiffaient fa perfonne ; ils lui ôtaient le mérite d'avoir vaincu les premières difficultés. Il y a plus loin d'un gardeur de porcs, tel qu'il le fut dans fon enfance, aux fimples places qu'il eut dans fon ordre, que de ces places au trône de l'Eglife. On a compofé fa vie à Rome fur des journaux qui n'apprennent que des dates, & fur des panégyriques qui n'apprennent rien le cordelier, qui a écrit la vie de Sixte: Quint commence par dire qu'il a l'honneur de parler écrit en cordu plus haut, du meilleur, du plus grand des pontifes, des delier. princes & des fages, du glorieux & de l'immortel Sixte. Il s'ôte lui-même tout crédit par ce début.

L'efprit de Sixte-Quint & de fon règne eft la partie effentielle de fon hiftoire : ce qui le diftingue des autres papes, c'eft qu'il ne fit rien comme les autres. Agir toujours avec hauteur, & même avec violence, quand il eft un fimple moine; dompter tout d'un coup la fougue de fon caractère, dès qu'il eft cardinal; fe donner quinze ans pour incapable d'affaires, & furtout de régner, afin de déterminer un jour

Tempefti, cordelier a

Police de

Rome.

Ouvrages des

Romains.

en fa faveur les fuffrages de tous ceux qui compteraient régner fous fon nom; reprendre toute fa hauteur au moment même qu'il eft fur le trône; mettre dans fon pontificat une févérité inouie, & de la grandeur dans toutes fes entreprises; embellir Rome, & laiffer le tréfor pontifical très-riche; licencier d'abord les foldats, les gardes même de fes prédéceffeurs, & diffiper les bandits par la feule force des lois, fans avoir de troupes; fe faire craindre de tout le monde par fa place & par fon caractère; c'eft-là ce qui mit fon nom parmi les noms illuftres, du vivant même de Henri & d'Elifabeth. Les autres fouverains risquaient alors leur trône, quand ils tentaient quelque entreprise fans le fecours de ces nombreuses armées qu'ils ont entretenues depuis: il n'en était pas ainfi des fouverains de Rome qui réuniffant le facerdoce & l'Empire, n'avaient pas même besoin d'une garde.

Sixte - Quint fe fit une grande réputation en embelliffant & en poliçant Rome, comme Henri IV embelliffait & poliçait Paris : mais ce fut-là le moindre mérite de Henri, & c'était le premier de Sixte. Auffi ce pape fit, en ce genre, de bien plus grandes chofes que le roi de France: il commandait à un peuple bien plus paisible, & alors infiniment plus industrieux; & il avait dans les ruines & dans les exemples de l'ancienne Rome, & encore dans les travaux de ses prédéceffeurs, tout l'encouragement à fes grands deffeins.

Du temps des Cefars romains, quatorze aqueducs immenfes, foutenus fur des arcades, voituraient des fleuves entiers à Rome, l'espace de plufieurs milles,

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& y entretenaient continuellement cent cinquante fontaines jailliffantes, & cent dix-huit grands bains publics, outre l'eau nécessaire à ces mers artificielles, fur lesquelles on repréfentait des batailles navales. Cent mille ftatues ornaient les places publiques, les carrefours, les temples, les maisons. On voyait quatre-vingt-dix coloffes élevés fur des portiques : quarante-huit obélifques de marbre de granit, taillés dans la haute Egypte, étonnaient l'imagination, qui concevait à peine comment on avait pu tranfporter, du tropique aux bords du Tibre, ces maffes prodigieufes. Il reftait aux papes de reftaurer quelques aqueducs, de relever quelques obélifques enfevelis fous des décombres, de déterrer quelques ftatues.

Sixte-Quint rétablit la fontaine Mazia, dont la fource eft à vingt milles de Rome, auprès de l'ancienne Préneste, & il la fit conduire par un aqueduc de treize mille pas : il fallut élever des arcades dans un chemin de fept milles de longueur; un tel ouvrage, qui eût été peu de chose pour l'Empire romain, était beaucoup pour Rome, pauvre & refferrée.

Cinq obélifques furent relevés par fes foins. Le nom de l'architecte Fontana qui les rétablit, eft encore célèbre à Rome; celui des artiftes qui les taillèrent, qui les transportèrent de fi loin, n'eft pas connu. On lit dans quelques voyageurs, & dans cent auteurs qui les ont copiés, que quand il fallut élever fur fon piédeftal l'obélifque du vatican, les cordes employées à cet ufage fe trouvèrent trop longues, & que malgré la défense fous peine de mort de parler pendant cette opération, un homme du peuple s'écria,

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