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corde ces deux sentiments, en disant que Thésée envoya d'abord des députés, et que, n'ayant rien obtenu, il eut recours à la force, qui lui réussit. Voyez Lysias dans son Oraison funèbre des Atheniens qui avaient péri dans cette occasion, p. 59 de l'édition de Reiske. - La Vie d'Herrule, citée plus bas, est perdue. La ville d'Eleuthère, dont il est parlé ensuite, était une ville de l'Attique sur les confins de la Béotie, suivant Pausanias, l. I, c. XXXVIII.

(114) Avant que d'être initié aux grands mystères de Cérès à Eleusis, il fallait être purifié publiquement; et cette purification se faisait dans les petits mystères qu'on célébrait à Agra, près du fleuve Ilissus. On sacrifiait à Jupiter une truie pleine, dont on étendait la peau à terre. On y faisait mettre à genoux celui qui devait être purifié; on le lavait avec de l'eau de mer, où on avait mis du sel, du laurier et de l'orge; ensuite on le faisait passer par le feu, et on le couronnait de fleurs. Il se préparait à cette cérémonie par des jeûnes et par la continence. Après cela, il lui fallait au moins un an pour être admis aux grands mystères de la déesse, où on lui lisait les cérémonies qui s'y observaient ; et il n'y avait rien de caché pour lui, excepté certaines choses que les prètres seuls avaient la liberté de voir. Lorsqu'il avait été reçu, il portait continuellement l'habit qu'il avait le jour de son initiation, jusqu'à ce qu'il tombat en pièces. Quand il ne pouvait plus etre porté, il le consacrait à Cérès et à Proserpine, ou le gardait pour des langes d'enfant. On peut, pour de plus, grands détails, consulter le Traité de Meursius sur ces mystères, et les Recherches sur les mystères du paganisme, par M. de Sainte-Croix.

(115) C'était sur l'autel de ce temple que les Spartiates fouettaient cruellement leurs enfants, pour les accoutumer à la souffrance. M. Dacier croit que ce surnom, qui signifie droite, lui venait de cette expédition sanglante, parce que les Grecs donnaient cette qualification à tout ce qui était dur et sévère. Lorsque Hélène fut enlevée dans le temple de cette déesse, elle avait sept ans, et selon d'autres dix. Cet enlèvement fut public; et on est d'abord étonné comment deux hommes seuls ont pu l'exécuter sur la fille d'un roi: on se demande où étaient les gardes de son père pour la défendre et arrêter les ravisseurs. Il est difficile de répondre à cette question, si l'on se représente ces rois anciens tels qu'on les voit sur nos théâtres. Mais pour se mettre dans le vrai point de vue, il faut se les figurer sans aucune pompe, sans aucune majesté qui les environnât, et tels que des seigneurs d'une fortune médiocre qui vivaient en simples particuliers dans leurs antiques châteaux. L'espèce de garde qu'avait le roi des Molosses confirme encore cette idée.

(116) Plutarque suit ici une traduction différente de celle de son Traité de la face qui paraît sur la lune, où il blâme même ceux qui reunissent dans un même lieu ces deux divinités, Coré ou Proserpine, et Cérès. L'une, dit-il, habite la terre, et a l'empire sur les choses terrestres ; l'autre est dans la lune, dont les habitants lui donnent les noms de Coré et de Persephoné ou Proserpine. M. Dacier dit avoir lu quelque part que la fille aînée des rois d'Epire portait toujours le nom de Coré, comme en Espagne et en Portugal on dit l'Infante.

(117) Platon, dans le troisième livre de sa République, t. II, p. 391, combat cette tradition, et ne veut pas qu'on laisse croire et dire aux citoyens que Thésée et Pirithoūs, enfants des dieux, se soient portés à ces sortes de violences; les enfants des dieux ne pouvant pas être méchants.

(118) Les Athéniens se vantaient de descendre de Jupiter par Castor et Pollux ses fils. Il n'y avait d'admis aux mystères que les naturels de l'Attique, ou ceux qui s'y étaient 'fait naturaliser; ce qui n'avait lieu que par adoption. (119) Il était roi de Thespies en Béotie.

(120) De ces trois étymologies, la seconde paraît la seule

véritable; elle est confirmée par le surnom donné aux rois. (121) Ceux-là ne croient pas vraisemblable qu'Homère eût donné le titre de suivante d'Hélène à Ethra, qui était sa belle-mère, et qui avait régné dans Athènes. Cette tra dition de la captivité d'Ethra était cependant si bien établie, qu'il y avait dans le temple de Delphes un tableau où l'on voyait cette reine rasée comme une esclave, et son petit-fils Demophon fort rèveur, qui paraissait chercher & la délivrer. Pausanias, 1. X, c. xxv. Ce Munichus est appelé Munitus par Lycophron et Tzetzès. Voyez Meiziriac, Commentaire sur les épitres d'Ovide.

(122) Dans l'Hercule furieux d'Euripide, vers la fin du cinquième acte, Thésée promet à Hercule cette consécration.

(123) Les païens croyaient que rien ne pouvait empécher l'effet de ces malédictions, et qu'il n'y avait pas de victime capable de les expier.

(124) Suivant d'autres, Lycomède avait découvert que Thésée intriguait dans l'ile pour l'en chasser, et qu'il cherchait à corrompre sa femme.

mille

(125) Meursius, et d'autres écrivains après lui, ont dit que c'était Aphésion ou Achepsion qui était archonte d'Athénes, la quatrième année de la soixante-quatorzième olympiade, lorsque Cimon rapporta de l'île de Scyros les ossements de Thésée. Mais Edouard Corsini a très-bien prouvé dans ses Fastes attiques, t. II, p. 48 et suivantes, que Phédon avait été archonte la première année de la soixanteseizième olympiade, et qu'Aphésion, qu'il nomme Apsephion, l'avait été la quatrième année de la soixante-dixseptième olympiade, véritable époque du transport des ossements de Thésée à Athènes.-Après la mort de Codrus, dix-septième roi d'Athènes, qui se dévoua pour ses sujets, l'an du monde deux mille huit cent quatre-vingts, soixante-huit avant J.-C., les Athéniens, croyant que personne n'était plus digne d'occuper la place d'un si grand homme, élurent, au lieu d'un roi, nn archonte perpétuel, qu'ils prirent dans la maison royale. Médon, fils de Codrus, fut le premier élu ; il donna son nom à tous les archontes de cette famille, qui furent appelés Médontides. Cet archonte avait une autorité souveraine, excepté qu'il devait rendre compte au peuple de son administration. Il y eut treize de ces archontes perpétuels dans l'espace de trois cent vingt-cinq ans. Après la mort d'Alcméon, qui fut le dernier, on ne donna plus cette charge que pour dix ans, et toujours à la même famille, jusqu'à la mort d'Éryxias, ou, selon d'autres, de Thésias. La famille des Médontides s'étant éteinte en lui, les Athéniens, au lieu d'un seul archonte décennal, en créerent neuf annuels. Le premier était appelé archonte, et donnait son nom à l'année; le second s'appelait le roi ; le troisième polémarque, et les six autres thesmothètes. M. Dacier place ce changement à la troisième année de la vingt-quatrième olympiade, l'an du monde trois mille deux cent soixante-dix-huit. Il dura jusqu'au règne de l'empereur Galien, l'an du monde quatre mille deux cent dix, deux cent soixante-deux de l'ère chrétienne. Le traducteur de Denys d'Halicarnasse, dans ses notes sur le l. I, c. xvi, dit que la date de M. Dacier n'est pas exacte, et que Créon, le premier des archontes annuels, entra en charge, suivant la Chronique d'Eusèbe, les marbres d'Oxford et presque tous les chronologistes, la première année de la vingt-quatrième olympiade.

(126) Cependant Achille, plus de sept cents ans avant Cimon, avait été envoyé à la cour de Lycomède. Cette ile avait donc dès-lors commerce avec les autres peuples ; et il n'est pas vraisemblable qu'étant si voisine de l'Eubée, ses habitants fussent devenus aussi sauvages et aussi féroces que Plutarque le dit.

(127) Mot à mot, la pointe d'airain d'une lance. Toutes les armes d'alors étaient de ce métal; mais dans notre langue nous ne pouvons dire que le fer d'une pique.

(128) Cette protection des opprimés, qui subsistait plus de douze cents ans après Thésée, est le plus beau monument qu'un prince ait pu dresser à sa mémoire. (129) Ce Diodore avait écrit un ouvrage sur les tom- cette doctrine des nombres, qu'il avait empruntée de Pybeaux, cité dans la Vie de Themistocle.

( sacré, pour les raisons que Plutarque en rapporte. Il était l'emblème de la fermeté et de la stabilité de ce dieu, qui soutient et affermit la terre. Plutarque aimait beaucoup

(150) Ces deux mots signifient qui assure et affermit la terre. Huit est le premier cube formé du nombre deux, premier nombre pair; il est le double de quatre, premier carré de deux. C'est un nombre parfait, parce qu'il se divise et se subdivise en parties égales, quatre et deux. On lui donnait aussi le nom de Neptune, à qui il était con

thagore, qui lui-même l'avait apprise des Egyptiens. Nous avons déja fait observer que cette doctrine ne peut être raisonnable qu'autant que les nombres sont pris comme des signes, et non comme des principes. Ils désignent, ils expriment les causes; mais ils ne sont jamais les causes elles-mêmes.

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ROMULUS.

-XV.

1. Différentes opinions sur l'origine de Rome. -II. Sur celle de Romulus et de Rémus, son frère. III. Récit plus vraisemblable sur leur naissance. -Iv. Ils sont allaités par une louve. - v. Leurs premiers exercices. — vi. Leur querelle avec les bergers de Numitor. VII. Rémus parle avec liberté à ce prince. VIII. Faustulus arreté par les gardes d'Amulius. IX. Amulius est tué par Romulus et Rémus. — x. Fondation de Rome. -XI. Dispute entre les deux frères. -XII. Rémus, tué par Romulus. XIII. Cérémonies observées en traçant l'enceinte de Rome. XIV. Époque de sa fondation. Division du peuple. Création du sénat. Droit de patronage. — XVI. Enlèvement des Sabines. - XVII. Origine du chant Talasius. -XVIII. Ambassade des Sabins à Romulus. XIX. Victoire de Romulus sur les Céniniens. XX. Origine du triomphe. XXI. Conquêtes de Romulus. Guerres des Sabins. -XXII. Combat dans Rome entre les Romains et les Sabins.- XxxIII. Romulus, pressé par les ennemis, invoque Jupiter Stator.-XXIV. Les Sabines se déclarent pour les Romains. xxv. Réunion des deux peuples. -XXVI. Forme des délibérations publiques.-xxvi. Fêtes des Romains. XXVIII.

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Vestales et feu sacré. XXIX. Lois de Romulus. - xxx. Querelle de Tatius, et sa mort. XXXI. Prise de Fidènes. Peste dans Rome. -XXXII. Défaite des Camérins. -XXXIII. Guerre des Véiens. - XXXIV. Romulus abuse de sa prospérité. — xxxv. Mécontentement des patriciens. XXXVI. 11 disparaît subitement. XXXVII. Conjectures sur sa mort. —xXXXVII. Le peuple, prêt à se soulever, est apaisé par Proculus. XXXIX. Fables des Grecs, semblables à celles qu'on débite sur Romulus. XL. Réflexions sur la nature de l'ame. -XLI. Diverses interprétations du nom de Quirinus. Nones caprotines.

M. Dacier, dans sa table chronologique, ne fixe pas l'année de la naissance de Romulus; i date la fondation de Rome de la première année de la septième olympiade, de l'an du monde 3498, avant J.-C. 750. II place la mort de Romulus à la première année de la seizième olympiade, l'an du monde 3235, de la fondation de Rome 38, avant J.-C.743.

Les éditeurs d'Amyot renferment l'espace de toute la vie de Romulus depuis l'an 769 jusqu'à l'an 745 avant J.-C., 39e année de la fondation de Rome.

Comparaison de Thésée et de Romulus.

I. Les historiens ne sont d'accord ni sur l'auteur du nom de Rome, ni sur la cause qui fit donner à cette ville ce nom si grand et si célèbre, dont la gloire est répandue dans tout l'univers (1). Les uns disent que les Pélasges, après avoir parcouru la plus grande partie de la terre et dompté plusieurs nations, s'arrêtèrent au lieu où est aujourd'hui Rome; et que, pour marquer la force de leurs armes, ils donnèrent ce nom1 àla ville qu'ils y bâtirent (2). Suivant d'autres, quelques Troyens, qui s'échappèrent après la prise de leur ville, se jetèrent dans des vaisseaux qu'ils trouvèrent tout prêts, et, portés par les vents sur les côtes de la Toscane, ils débarquèrent près du fleuve du Tibre. Leurs femmes étant déja fatiguées du voyage, et hors d'état de soutenir plus long-temps les incommodités de la mer, une d'entre elles, nommée Roma, aussi distinguée par sa prudence que par sa noblesse, leur conseilla de brûler les vaisseaux; ce qu'elles exécutèrent sur-le-champ. Leurs maris en furent d'abord très irrités; mais ensuite, cédant à la nécessité, ils s'établirent près du mont Palatin. Bientôt ils s'y trouvèrent beaucoup mieux qu'ils ne l'avaient espéré : voyant un terrain fertile, et des naturels du pays qui les traitaient avec douceur, ils rendirent de grands honneurs à Roma, et entre autres ils donnèrent son nom à la ville dont ils lui devaient la fondation (5). C'est de là, dit-on, qu'est venu l'usage où sont les femmes romaines de baiser à la bouche leurs parents et leurs amis, en les saluant, parce que ces femmes troyennes, après avoir brûlé la flotte, embrasse

Roma en grec signifie force.

rent ainsi leurs maris, en les priant de s'apaiser et de leur pardonner (4). Il y en a qui prétendent que la ville fut nommée par Roma, fille d'Italus et de Leucaria. Suivant d'autres, elle était fille de Télèphe, fils d'Hercule, et femme d'Énée, ou sa petite-fille par Ascagne. Ceux-ci veulent que Rome ait été bâtie par Romanus, fils d'Ulysse et de Circé; ceux-là, par Romus, fils d'Émathion, que Diomède y envoya de Troie. D'autres enfin ont dit qu'elle eut pour fondateur Romus, roi des Latins, et qu'il la bâtit après avoir chassé du pays les Tyrrhéniens, qui avaient passé d'abord de Thessalie en Lydie, et de Lydie en Italie (5).

II. Mais ceux même qui croient, avec bien plus de raison, que ce fut Romulus qui donna son nom à la ville, ne s'accordent pas davantage sur l'origine de ce prince. Les uns le font fils d'Énée et de Dexithéa, fille de Phorbas. Ils disent que dans son enfance il fut porté en Italie avec son frère Rémus; que le débordement du Tibre ayant fait périr tous les autres bateaux, celui où étaient ces deux enfants, poussé doucement par les flots sur un endroit uni du rivage, fut sauvé contre toute espérance; ce qui fit donner à ce lieu le nom de Rome. D'autres ont dit que Roma, fille de cette même Dexithéa, épousa Latinus, fils de Télémaque, dont elle eut Romulus. Quelques auteurs le font naître du commerce secret d'Émilia, fille d'Énée et de Lavinie, avec le dieu Mars. Il y en a qui lui donnent une origine entièrement fabuleuse. Tarchétius, disent-ils, roi des Albains, le plus injuste et le plus cruel des hommes, eut dans son palais une apparition divine: il vit s'élever de son foyer unc figure qui y resta plusieurs jours. Il y avait alors.

en Toscane un oracle de Téthys (6), que Tarché- | à son insu, il la fit enfermer dans une étroite pritius envoya consulter, et qui ordonna qu'on fit ap- son, où personne n'avait la liberté de la voir. Elle procher de cette figure une jeune fille; qu'il en mit au monde deux jumeaux d'une grandeur et naîtrait un fils qui deviendrait très célèbre, et qui, d'une beauté singulières. Amulius, encore plus par son courage, sa force et son bonheur, sur- alarmé, chargea un de ses domestiques de les passerait tous les hommes de son temps. Tarché-noyer. Il s'appelait, dit-on, Faustulus; selon d'autius fit part à une de ses filles de la réponse de l'o- tres, c'est le nom de celui qui les recueillit. Le doracle, et lui ordonna de l'accomplir; elle le re-mestique d'Amulius, les ayant mis dans un berfusa, et envoya à sa place une de ses suivantes. ceau, descendit vers le Tibre pour les y jeter; mais Tarchétius l'ayant su, en fut si irrité qu'il com- ce fleuve était si enflé et si rapide, que, n'osant manda qu'on les prît toutes deux, et qu'on les fit approcher du courant, il les posa près du rivage, mourir. Mais Vesta lui apparut en songe, et lui et se retira. L'eau qui croissait toujours éleva doudéfendit de leur ôter la vie : il leur donna donc cement le berceau, et le porta sur un terrain mou une toile à faire dans la prison, et leur promit de et uni qu'on appelle aujourd'hui Cermanum, et les marier quand elle serait achevée. Elles y tra- qui se nommait autrefois Germanum, apparemvaillaient toute la journée; et pendant la nuit d'au- ment parce que les Latins donnent aux frères le tres femmes venaient, par ordre de Tarchétius, nom de Germains. Il y avait près de là un figuier défaire leur ouvrage. Cependant la suivante accou- sauvage, qu'on nommait Ruminal, soit, comme cha de deux jumeaux, que le roi remit à un cer- le croient la plupart des auteurs, à cause de Rotain Tératius, pour qu'il les fit périr. Cet homme mulus, soit parce que les troupeaux qui ruminent les exposa sur le bord du fleuve, où une louve vint allaient au milieu du jour se reposer sous son omles allaiter, et où des oiseaux de toute sorte leur bre; on plutôt parce que ces enfants y furent alapportaient de la nourriture, et la leur donnaient laités (9): car les anciens Latins appelaient la mapar petites bouchées. Un bouvier qui s'en aper- melle ruma; aujourd'hui même ils donnent le cut, frappé d'abord d'étonnement, osa cependant nom de Rumilia à une déesse qui préside, dit-on, s'approcher, et emporta les enfants. Sauvés ainsi à la nourriture des enfants; il n'entre point de vin par une espèce de miracle, dès qu'ils furent assez dans ses sacrifices, et les libations s'y font avec du grands, ils allèrent attaquer Tarchétius, et le dé- | lait (40). firent. Tel est le récit d'un certain Promathion', dans son histoire d'Italie.

IV. On raconte que ces enfants, posés ainsi à terre, furent allaités par une louve, et qu'un pivert venait partager avec elle le soin de les nourrir et de les garder. Ces deux animaux passent pour être consacrés à Mars; et les Latins honorent singulièrement le pivert. On ajouta donc aisément foi au témoignage de la mère, qui disait les avoir eus du dieu Mars. Quelques auteurs prétendent qu'elle avait été trompée par Amulius, qui, étant entré dans sa prison tout armé, lui avait fait violence. D'autres veulent aussi que l'équivoque du nom de leur nourrice ait été l'occasion de cette fable. Les Latins donnent le nom de louves aux femelles des loups et aux femmes qui se prostituent. Telle était la femme de Faustulus, qui avait élevé chez lui ces enfants. Elle s'appelait Acca-Larentia: les Romains lui font encore des sacrifices; et tous les ans, au mois d'avril, le prêtre de Mars va faire des libations sur son tombeau. Cette fête se nomme Larentia (44). Ils honorent aussi une autre femme du même nom; et voici à quel sujet. Un jour le gardien du temple d'Hercule imagina, sans doute dans un moment d'ennui où il ne savait que faire, de proposer à ce dieu une partie de dés, à condition que, s'il gagnait, Hercule lui accorderait une grace à son choix; et que, s'il perdait,

III. Mais la tradition la plus vraisemblable, et qui est confirmée par un plus grand nombre de témoins, c'est celle dont Dioclès de Peparèthe a le premier publié, parmi les Grecs, les particularités les plus remarquables. C'est l'historien que Fabius Pictor suit le plus souvent (7). Quoiqu'il y ait même sur ce récit des opinions différentes, je vais le rapporter sommairement. La succession des rois d'Albe, descendus d'Enée, passa de père en fils aux deux frères Numitor et Amulius. Celui-ci, dans le partage qu'il en fit, mit d'un côté le royaume, et de l'autre l'or et l'argent, avec les richesses qu'on avait apportées de Troie (8). Numitor choisit le royaume; et Amulius, devenu, par les trésors qu'il avait, plus puissant que son frère, lui enleva facilement la couronne. Mais craignant qu'une fille qu'avait Numitor n'eût un jour des enfants, il la fit prêtresse de Vesta, pour l'empêcher de se marier, et la forcer de vivre dans le célibat. Les uns la nomment Ilia, d'autres Rhéa, et quelques uns Sylvia. Peu de temps après, elle se trouva enceinte, contre la loi qui oblige les vestales à une virginité perpétuelle. Elle allait être condamnée au dernier supplice, si Antho, fille du roi, n'eût obtenu sa grace. Mais, de peur qu'elle n'accouchâtil donnerait au dieu un grand souper, et lui amè

Historien inconnu.

nerait le soir une belle femme. L'arrangement

ainsi fait, il jette les dés, d'abord pour Hercule, | ensuite pour lui, et perd la partie. Fidèle à ses engagements, il dresse pour le dieu un repas magnifique, et invite une belle courtisane, encore peu connue, nominée Larentia. Le souper se fit dans le temple, où il avait préparé un lit. Le repas fini, il y enferme cette femme, comme si le dieu eût dû venir la trouver. On dit qu'en effet Hercule passa la nuit avec elle, et qu'en se retirant il lui ordonna d'aller dès le matin sur la place, d'embrasser le premier homme qu'elle rencontrerait, et d'en faire son ami. Un homme fort âgé, nommé Tarrutius, fut le premier qui se présenta. Il était fort riche, et n'avait jamais été marié : il fit un bon accueil à Larentia, et s'attacha tellement à elle, qu'en mourant il lui laissa des biens considérables, dont elle donna par testament la plus grande partie au peuple romain. Cette femme était devenue fort célèbre, et on l'honorait comme l'amie d'un dieu, lorsqu'elle disparut tout-à-coup près du lieu où la première Larentia est enterrée. C'est aujourd'hui le Vélabre, ainsi nommé parce que le Tibre étant sujet à se déborder, on le traversait en bateau dans cet endroit, pour se rendre à la place; et cette manière de passer l'eau s'appelle Velatura (12). D'autres disent que ceux qui donnaient des jeux au peuple faisaient tendre de toiles les rues qui mènent de la place au cirque, en commençant à cet endroit-là; or, les Romains donnent à ces toiles le nom de voiles (45). Telle est l'origine des honneurs qu'on rend à cette seconde Larentia.

du roi, à qui ils ne voyaient aucun avantage sur eux du côté du courage, ils les méprisaient, et ne tenaient compte ni de leur colère ni de leurs menaces. Toujours livrés à des occupations honnêtes, ils regardaient l'oisiveté et l'inaction comme indignes de personnes libres: exercer continuellement leur corps, chasser, faire des courses, détruire les brigands et les voleurs, défendre les opprimés contre toute espèce de violence; tel était chaque jour l'emploi de leur vie. Par cette conduite, ils s'étaient acquis une grande réputation.

VI. Un jour les bergers de Numitor ayant pris querelle avec ceux d'Amulius, et leur ayant enlevé quelques troupeaux, Romulus et Rémus, indignés de cette violence, se mirent à leur poursuite, les battirent, les dispersèrent, et reprirent le butin qu'ils avaient emmené. Numitor en ayant témoigné du mécontentement, ils s'en mirent peu en peine, et commencèrent même à rassembler auprès d'eux un grand nombre d'indigents et d'esclaves, à qui ils suggérèrent des prétextes de désobéissance et de révolte. Mais pendant que Romulus était retenu ailleurs par un sacrifice (car il aimait les cérémonies religieuses, et était versé dans l'art de la divination), les bergers de Numitor, ayant rencontré Rémus peu accompagné, tombèrent brusquement sur lui. Il se livra un combat, où il y eut plusieurs blessés de part et d'autre : l'avantage resta aux gens de Numitor; ils firent Rémus prisonnier, le menèrent à Numitor, à qui ils portèrent leurs plaintes. Mais il n'osa le punir, parcequ'il craignait le caractère violent d'Amulius. Il va donc le trouver, lui demande justice, et lui représente qu'il ne doit pas souffrir que son propre frère soit insulté par ses domestiques, qui se pré

V. Faustulus, berger d'Amulius, fit élever ces enfants chez lui, à l'insu de tout le monde. Quelques auteurs ont dit pourtant, avec assez de vraisemblance, que Numitor le savait, et qu'il fournis-valent de ce qu'ils appartiennent au roi. Les Albains sait secrètement à leur nourriture. Ils ajoutent que dans la suite ils furent envoyés à Gabies (14), pour y apprendre la grammaire et y recevoir une éducation convenable à leur naissance. On leur donna les noms de Romulus et de Rémus, du mot ruma, mamelle, parce qu'on avait vu une louve les allaiter. Dès leur première enfance, leur taille avantageuse et la noblesse de leurs traits annonçaient déja l'élévation de leur caractère. En grandissant, ils devenaient l'un et l'autre plus courageux et plus hardis, et montraient dans les dangers une audace et une intrépidité à toute épreuve. Mais Romulus l'emportait sur son frère par son intelligence et par sa capacité pour les affaires. Dans les assemblées où il se trouvait avec ses voisins pour régler ce qui concernait les pâturages et la chasse, il faisait voir en tout qu'il était né plutôt pour commander que pour obéir. Ils étaient l'un et l'autre fort aimés de leurs égaux et de leurs inférieurs; quant aux intendants et aux chefs des troupeaux

ayant témoigné hautement leur indignation de voir traiter Numitor d'une manière si peu convenable à son rang, Amulius, touché de ces réclamations, lui livre Rémus pour en disposer à son gré. Numitor le mène chez lui; et là, ayant considéré de plus près ce jeune homme, qui par sa taille et sa force surpassait tous ceux de son âge, il admire cette hardiesse et cette fermeté qui éclatent sur son visage, et le rendent insensible au danger dont il est menacé; d'ailleurs ce qu'on racontait de ses actions répondait à ce qu'il voyait en lui: mais ce qui est plus extraordinaire, l'inspiration sans doute de quelque dieu qui jetait déja les fondements des grandes choses qui arrivèrent depuis, peut-être la conjecture ou le hasard, lui donnent un pressentiment de la vérité. Il demande à ce jeune homme qui il est, s'informe des particularités de sa naissance, et lui parle d'un ton de douceur et de bonté propre à lui donner de la confiance et de l'espoir.

VII. « Je ne vous cacherai rien, » lui répondit

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