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tifiés. Toute l'Égypte fut donnée à une reine pour ses habits. Les tributs même que les rois exigeaient des villes et des provinces avaient chacun leur destination particulière. Une telle province payait tant pour le vin, une autre tant pour la viande; celle-ci fournissait à la garde-robe de la reine, soit sa ceinture, soit son voile; et chacune de ces provinces portait le nom de la parure qu'elle fournissait.

(105) Néanthez vivait du temps d'Attalus, roi de Pergame; il avait composé plusieurs ouvrages historiques. Voyez Vossius, de Hist. gr. liv. I, c. xv. - Percote, ville de l'Hellespont, située entre Abyde et Lampsaque. Palescepsis, ville de la Troade, près de l'Asope.

(104) C'est-à-dire Tête de lion. Je n'ai trouvé cette ville, ni dans Strabon, ni dans Étienne de Byzance, ni dans Pline: ces mots qui suivent, mais avant que d'y arriver, ne sont pas dans le texte ; je les ai suppléés, à l'exemple de M. Dacier, pour faire la liaison du discours.

(107) Voyez le Menon de Platon, où ce philosophe dit que Themistocle avait montré à son fils à se tenir debout sur un cheval, et à tirer de l'arc dans cette attitude; mais que Cléophante n'avait pas aussi bien profité des leçons de prudence et de sagesse que son père n'avait pas manqué de lui donner.

(408) Je ne sais si cet Andocidès est le même que l'orateur athénien. Fabricius ne cite pas d'autre écrivain de ce nom dans sa Bibliothèque des auteurs grecs.

(109) Phylarque vivait sous Ptolémée Evergète, et avait écrit en vingt-huit livres une Histoire de la Grèce, qui commençait à l'expédition de Pyrrhus dans le Péloponnèse, et finissait à la mort de ce Ptolémée.

(110) On a observé qu'il n'y avait pas dans l'Attique de lieu qui s'appelât Alcimus, et qu'il fallait lire Alimus, nom d'un bourg de la tribu Léontide, près du Pirée, où il y avait un temple fameux de Cérès législatrice. C'était le lieu

(105) Ce surnom de Cybèle lui venait de la montagne de de la naissance de Thucydide. Fabricius croit que ce Dio. Dindyme, près de Pessinonte, dans la Galatie.

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dore, déja cité dans la Vie de Thésée, c. xxxvш, était au

(106) Thucydide, liv. I, c. cxxxvm, et Diodore de Si-teur d'un Traité sur les poids, dont parle Suidas, et peutcile, liv. XI, C. LVII, ne l'assurent pas; le premier, qui était être d'un autre sur les bourgs de l'Attique, cité par Harcontemporain de Thémistocle, dit seulement qu'il mourut pocration. de maladie, et que d'autres prétendent qu'il s'empoisonna lui-même. Ciceron, dans son Brutus, c. XI, dit qu'on a voulu embellir la fin de sa vie, et la rendre tragique, en supposant qu'il s'était donné la mort. Cela porterait à croire qu'il était mort naturellement; et que l'histoire de son poison ne fut qu'un bruit vague et incertain, fondé sur l'àpropos de sa mort, qui vint le tirer de l'embarras où il se trouvait. Plutarque a préféré cette conjecture, qui, outre qu'elle donnait plus d'éclat à la fin de Thémistocle, favorisait encore son sentiment sur le suicide, qu'il regardait comme un trait de courage et de vertu.

(111) Thucydide, liv. I, c. cxxxvII, dit que les os de Themistocle furent enlevés de Magnésie par ses parents, comme il l'avait ordonné, et enterrés secrètement dans l'Attique; car il n'était pas permis d'enterrer publiquement un homme accusé d'avoir trahi sa patrie; et cette haine des Athéniens dura sans doute pendant quelque temps. — Ce Platon, dont il est question tout de suite, était un poëte de la vieille comédie, qui avait pu voir Themistocle.

(112) C'était ce philosophe d'Alexandrie qui avait été un des maîtres de Plutarque, et dont nous avons parlé dans la Préface de cette traduction.

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CAMILLE.

1. Camille eut toutes les dignités, excepté le consulat. -II. Sa bravoure. Il est nommé censeur.-III. Siége des Véies. - IV. Débordement du lac d'Albe. v. Les dieux consultés à ce su jet. Camille élu dictateur. -vi. Défaite des Falisques. Prise de Véies. -VII. La statue de Junon transportée de Véies à Rome. viu. Triomphe de Camille. Il s'oppose à la proposition d'envoyer une partie du peuple à Véies. -IX. Le peuple mécontent du væru fait par Camille. - x. Offrande envoyée à Delphes. Dangers que courent les députés. —xt. Guerre des Falisques. XII. Conduite généreuse de Camille envers les Falisques. -XIII. Touchés de son procédé, ils se rendent aux Romains. - XIV. Nouvelle proposition d'aller habiter Véies. -xv. Camille condamné à l'exil. - XVI. Invasion des Gaulois en Italie.xvII. Ils se répandent dans la Toscane. — XVIII. Ils assiégent Clusium. -XIX. Témérités des Fabius. - xx. Le peuple refuse d'en donner satisfaction aux Gaulois. -XXI. Ils marchent contre Rome. - XXII. Bataille d'Allia. XXIII. Observation sur les jours heureux et malheureux. -XXIV. Consternation des Romains. — xxv. Feu sacré emporté par les Vestales. XXVI. Palladium et autres choses sacrées. -XXVII. Les Gaulois entrent dans Rome. xxvIII. Massacre des sénateurs. xxix. Discours de Camille aux Ardéates. - xxx. Il bat les Gaulois près d'Ardée. - XXXI. Les Romains retirés à Véies offrent le commandement à Camille.xxxII. Il est rappelé de l'exil et nommé dictateur. - XXXIII. Les Gaulois sont sur le point de surprendre le Capitole. XXXIV. Ils sont

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repoussés. XXXV. Situation critique des assiégés et des assiégeants. XXXVI. Les Romains font un traité avec les Gaulois. XXXVI. Camille rompt l'accord et charge les Gaulois. — XXXVIII. Ils sont défaits et chassés. XXXIX. Camille rentre triomphant dans Eome, et s'occupe de la rétablir. — XL. 11 combat la proposition d'aller s'établir à Véies. -XLI. Le peuple y renonce. - XLII. Rome est rebâtie. XLIII. Guerre des Eques, des Volsques et des Latins. Troisième di tature de Camille. -XLIV. Victoire des Romains. — XLV. Récit différent sur cette guerre. — XLVI. Sutrium pris et repris dans un même jour. XLVII. Manlius aspire à la tyrannie. — XLVIII. Il est précipité du Capitole, qu'il avait sauvé. -XLIX. Guerre des Prénestins et des Volsques. -L. Valeur de Camille et sa victoire. LI. Il soumet les Tusculans qui s'étaient révoltés. LII. Troubles excités par un tribun du peuple. — LII. Nouvelle invasion des Gaulois. — LIV. Gamille marche contre eux. LV. Il remporte une victoire complète. — LVI. Le peuple obtient un consul plébéien.-L.VII. Temple bâti à la Concorde. Peste dans Rome. Mort de Camille.

M. Dacier comprend les faits principaux de la vie de Camille depuis l'an du monde 3562, la première année de la 98 olympiade, la 365⚫ de Rome, 386 ans avant J.-C., jusqu'à l'an du monde 3579, la 2o année de la 102° olympiade; de Rome 382, 363 ans avant J.-C.

Les nouveaux éditeurs d'Amyot renferment sa vie depuis l'an 308 de Rome jusqu'à l'an 389, 365 avant J.-C.

Parallèle de Themistocle et de Camille.

1. De toutes les grandes choses qu'on rapporte de | Furius Camille, ce qu'il y a de plus étonnant et de plus extraordinaire, c'est qu'ayant commandé souvent les armées, remporté les victoires les plus éclatantes, exercé cinq fois la dictature, obtenu quatre triomphes, et reçu le titre de second fondateur de Rome, il n'ait pas été une seule fois consul. La cause de cette singularité fut le changement qu'avaient introduit dans la république les dissensions du sénat et du peuple. Celui-ci s'opposait à l'élection des consuls, et mettait à la tête du gouvernement des tribuns militaires qui exerçaient la même puissance et la même autorité que les consuls, mais dont le pouvoir était moins odieux à cause de leur nombre. C'était une consolation pour ceux qui n'aimaient pas l'oligarchie, que d'avoir pour chefs de l'état six magistrats au lieu de deux. Camille, dès ce temps-là, se signalait par ses exploits, et avait déja acquis une grande réputation. Mais, quoiqué dans l'intervalle on eût tenu plusieurs fois les comices consulaires (1), il ne voulut jamais être consul contre le gré du peuple. Élevé à toutes les autres magistratures, il s'y conduisit si bien, que lorsqu'il commandait seul, il partageait l'autorité avec ses inférieurs; et lorsqu'il avait des collègues, il recueillait seul toute la gloire des succès. C'était d'une part l'effet de sa modestie, qui lui faisait exercer le pouvoir sans exciter l'envie; de l'autre c'était le fruit de sa prudence, qui, d'un aveu unanime, le rendait supérieur à tous les magistrats.

II. La famille des Furius n'avait pas eu jusqu'à lui une grande illustration (2); il fut le premier qui, par son mérite personnel, lui donna de la réputation et de l'éclat. Dans une grande bataille contre les Èques et les Volsques, où il servait en qualité de simple chevalier sous le dictateur Posthumius Tubertus (5), il poussa son cheval hors des rangs; et quoique blessé à la cuisse, il ne quitta point le champ de bataille; mais, arrachant lui-même le trait qui était resté dans la plaie, il s'attacha aux plus vaillants des ennemis, et les obligea de prendre la fuite. Outre plusieurs récompenses honorables que lui mérita ce trait de bravoure, il fut nommé cénseur; charge qui, dans ces temps-là, donnait beaucoup de considération (4). Une des actions louables qu'il fit en cette qualité fut de déterminer, autant par persuasion que par des menaces d'amendes, les célibataires à épouser les veuves, dont les guerres continuelles avaient fort augmenté le nombre. Il prit aussi une autre mesure, que la nécessité commandait; il soumit aux impôts les orphelins, exempts jusqu'alors de toutes charges : les dépenses considérables qu'exigeaient des guerres fréquentes le forcèrent de rendre cette loi.

III. On avait surtout besoin d'argent pour soutenir le siége de la ville des Véiens, que d'autres appellent Vénétaniens. C'était la capitale de la Toscane, qui ne le cédait à Rome ni par le nombre de ses combattants, ni parla quantité de ses munitions de guerre (5). Enflée de ses richesses, de son luxe, de sa magnificence et de ses délices, elle était en

trée en rivalité de gloire et de puissance avec les Romains, et leur avait souvent livré de grands combats. Mais, affaiblie alors par la perte de plusieurs batailles, elle avait renoncé à son ambition; et les Véiens, contents de s'être entourés de fortes murailles, d'avoir rempli la ville d'armes, de traits, de vivres, et de toutes les autres provisions nécessaires, soutenaient tranquillement le siége. Il durait depuis long-temps, et n'était ni moins pénible ni moins fàcheux pour les assiégeants que pour les assiégés. Les Romains, accoutumés à ne faire que des campagnes d'été, qui n'étaient jamais bien longues, et à rentrer l'hiver dans leurs foyers, se virent alors pour la première fois forcés par les tribuns de construire des forts, de retrancher leur camp, de passer les étés et les hivers dans le pays ennemi (6). Il y avait près de sept ans que le siége durait, lorsque le peuple, mécontent de ses généraux, qu'il accusait d'agir avec lenteur, leur ôta le commandement, et élut d'autres tribuns pour continuer la guerre. Camille fut du nombre; et c'était la seconde fois qu'on lui conférait cette dignité. Mais il ne fut pas employé alors au siége de Véies; le sort le destina à combattre contre les Falisques et les Capenates (7), qui, voyant les Romains occupés ailleurs, étaient entrés sur leurs terres, et les avaient fort inquiétés durant la guerre de Toscane. Camille les battit; et, après en avoir tué un grand nombre, il les obligea de se renfermer dans leurs murailles.

à sec;

que événement extraordinaire. On ne parlait d'autre chose dans le camp de devant Véies, et les assiégés eux-mêmes en furent informés. Comme, dans les longs siéges, il s'établit toujours des communications et des entretiens entre le camp et la ville, un Romain se lia d'amitié avec un Véien, homme fort versé dans la science des antiquités, et qui passait pour être singulièrement instruit dans l'art de la divination. Le Romain lui parla du débordement du lac d'Albe; et voyant qu'il en témoignait la plus grande joie, et qu'il ne paraissait plus inquiet de l'issue du siége, il lui dit que ce n'était pas le seul prodige que les Romains eussent vu depuis quelque temps; qu'il y en avait eu de bien plus extraordinaires qu'il voulait lui raconter, pour savoir si, dans le commun malheur, il n'y aurait pas quelque moyen de pourvoir à sa sûreté personnelle. Le Véien l'écoutait avec plaisir; attiré de plus en plus par les propos de son ami, et par l'espérance d'apprendre des secrets importants, il se livrait tout entier à la conversation. Mais à peine sont-ils à une si grande distance de la ville, que le Romain, profitant de la supériorité de ses forces, le saisit, l'enlève, et, secondé par quelques soldats accourus du camp, le conduit à la tente du général (10). Forcé de céder à la nécessité, sachant d'ailleurs l'homme ne peut éviter sa destinée, le Véien fait connaître les oracles secrets qui intéressent sa patrie il dit qu'elle ne tombera au pouvoir des Romains que lorsque ceux-ci, changeant la direction que le débordement du lac d'Albe a fait prendre à ses eaux, seront parvenus à les faire rentrer dans leur lit, ou à leur donner un cours qui les empêche de se rendre à la mer.

IV. Pendant que la guerre se poussait avec vigueur en Toscane, un prodige étrange et inouï se fit remarquer au lac d'Albe; il effraya d'autant plus qu'on ne put lui assigner aucune des causes ordinaires, ni en donner de raison physique (8). On était près de l'automne, l'été qui finissait n'avait eu ni des pluies abondantes ni des vents violents du midi; les lacs, les ruisseaux et les sources, qu'on trouve à chaque pas en Italie, ou étaient entièrement taris, ou n'avaient que très peu d'eau ; les rivières, toujours basses en été, étaient restées presque mais le lac d'Albe', qui a sa source en luimême, et qui, environné de montagnes fertiles, ne décharge ses eaux d'aucun côté, grossit tout-àcoup et s'enfla visiblement, sans qu'on pût en imaginer d'autre cause que la volonté des dieux (9); il gagna les flancs des montagnes; et, sans avoir éprouvé ni agitation ni bouillonnement, il parvint enfin jusqu'à leur sommet. Les pâtres et les bouviers furent les premiers témoins de ce phénomène étonnant mais lorsque l'espèce de digue qui contenait le lac et l'empêchait d'inonder les campagnes eut été rompue par la quantité et le poids des eaux, que ses ondes furent entraînées avec rapidité vers la mer, à travers les guérets et les vergers; alors les Romains et tous les peuples d'Italie, frappés de ce prodige, le regardèrent comme le signe de quel

que

V. Informé de cette prédiction, le sénat crut, après en avoir délibéré, qu'il serait sage de consulter l'oracle d'Apollon à Delphes. On nomma pour cette députation trois des principaux et des plus illustres personnages de Rome, Cossus Licinius, Valérius Potitus, et Fabius Ambustus. Leur navigation fut heureuse; et, outre la réponse du dieu sur l'objet de leur mission, ils rapportèrent d'autres oracles qui les avertissaient que dans la célébration des fêtes latines (14) on avait négligé des cérémonies consacrées par l'usage. Il leur était ordonné aussi de faire tous leurs efforts pour ramener les eaux du lac d'Albe de la mer dans leur ancien lit, ou, si cela leur était impossible, de creuser des canaux, de faire des tranchées pour les détourner et les dissiper dans les campagnes. Les prêtres, d'après ces oracles, réparèrent ce qu'on avait omis dans les sacrifices; et le peuple, s'étant mis à l'ouvrage, détourna les eaux du lac. La dixième année de la guerre de Véies, le sénat, ayant déposé tous les autres magistrats

>> coupables habitants de cette ville. Si, pour com» penser cette prospérité, nous devons éprouver >> quelque malheur, épargnez, je vous en conjure, » la ville de Rome et son armée, et faites-le re

nomma dictateur Camille, qui choisit pour général de la cavalerie Cornelius Scipion. Dès qu'il fut entré en charge, il s'engagea par un vœu solennel, s'il terminait heureusement la guerre, à faire célébrer les grands jeux (12), et à dédier le temple» tomber sur moi, en l'adoucissant le plus qu'il

de la déesse que les Romains appellent Matuta, et qui, si l'on en juge par les cérémonies de ses sacrifices, paraît être la même que Leucothoé. Ils font entrer dans son temple une de leurs esclaves, lui donnent des soufflets, et la chassent ensuite(15). Ils portent dans leurs bras, non leurs propres enfants, mais ceux de leurs frères; ce qu'on observe dans le sacrifice a le plus grand rapport avec ce que firent les nourrices de Bacchus, et avec les malheurs que Junon fit éprouver à Ino, à cause de Sémélé, sa rivale (14).

VI. Camille n'eut pas plus tôt prononcé ce double vœu, qu'il marcha contre les Falisques et les Capenates leurs alliés ; il les défit en bataille rangée, et se rendit, sans différer, au camp de Véies, pour presser le siége de cette ville. Mais voyant qu'il serait aussi difficile que périlleux de la prendre d'assaut, et ayant reconnu que le terrain des environs pouvait être creusé si profondément qu'on déroberait à l'ennemi la connaissance de ce travail, il fit ouvrir des mines. L'ouvrage ayant réussi selon ses espérances, il fit donner l'assaut à la ville, afin d'attirer les Véiens sur les murailles. Cependant un autre corps de troupes étant entré par les mines, pénètre, sans être découvert, jusque sous la citadelle, à l'endroit même où était le temple de Junon', le plus grand et le plus respecté de tous ceux de la ville. On dit que dans ce moment le général des Toscans faisait un sacrifice,, et que le devin, après avoir considéré les entrailles de la victime, s'écria que les dieux donnaient la victoire à celui qui achèverait le sacrifice. Les Romains qui étaient dans la mine, ayant entendu ces paroles, ouvrent la terre, sortent en jetant de grands cris, et en faisant un bruit effroyable avec leurs armes. Les Véiens, épouvantés, prennent la fuite; et les Romains, enlevant les entrailles de la victime, vont les porter à Camille. Au reste, ce récit a tout l'air d'une fable (15). Véies ayant été prise de force, Camille, qui du haut de la citadelle voyait piller et emporter les richesses immenses dont la ville était remplie, ne put retenir ses larmes; et comme ceux qui étaient autour de lui le félicitaient de cette conquête, il leva les mains au ciel, et fit cette prière « Grand Jupiter, et vous dieux qui » voyez les bonnes et les mauvaises actions des » hommes, vous savez que ce n'est pas injuste» ment, mais par la nécessité d'une juste défense, » que les Romains ont pris les armes contre les

Elle était la patronne de la ville.

» sera possible (46). » Cette prière achevée, il voulut, suivant la coutume des Romains, après qu'ils ont invoqué les dieux, se tourner à droite; et en faisant ce mouvement il se laissa tomber. Cet accident troubla tous ceux qui étaient auprès de lui; mais il leur dit en se relevant que sa chute était ce mal léger qu'il avait demandé aux dieux pour contre-balancer un si grand bonheur.

VII. Quand on eut cessé le pillage, Camille, pour accomplir son vœu, s'occupa de faire transporter à Rome la statue de Junon. Il assembla des ouvriers (17); et après avoir fait un sacrifice à la déesse, il la pria d'accueillir favorablement le zèle des Romains, et de venir dans des dispositions propices habiter avec les dieux protecteurs de Rome. La statue, dit-on, répondit qu'elle le voulait, et qu'elle agréait le vœu des Romains. TiteLive écrit que Camille fit sa prière à la déesse, en tenant la main sur sa statue (48); et que lorsqu'il l'invita à le suivre, quelques uns des assistants répondirent qu'elle le voulait, qu'elle y consentait, et qu'elle le suivrait volontiers. Ceux qui tiennent pour la réponse miraculeuse de la statue se fondent sur la fortune de Rome, qui, d'une origine si faible et si méprisable, ne se serait jamais élevée à un tel degré de gloire et de puissance, si quelque divinité ne lui eût constamment donné les marques les plus éclatantes de sa protection et de sa faveur. Ils citent, au reste, plusieurs autres prodiges de cette nature: N'a-t-on pas vu, discntils, les statues suer, soupirer, se tourner, faire des signes des yeux; merveilles consignées en grand nombre dans les anciens historiens? Nous pourrions nous-mêmes, sur l'autorité de plusieurs de nos contemporains, rapporter beaucoup de faits dignes d'admiration, et qu'il ne faut pas rejeter légèrement (19). Mais il est aussi dangereux d'y donner trop de confiance, que de n'y ajouter aucune foi. La faiblessc humaine n'ayant point de bornes, et ne sachant pas s'arrêter où il faut, ou se laisse entraîner à la superstition et à l'orgueil, ou tombe dans la négligence et dans le mépris des choses saintes. La réserve et la modération sont donc le parti le plus sage (20).

VIII. La gloire d'une conquête qui avait rendu Camille maître d'une ville rivale de Rome, dont le siége avait duré dix ans, ou les louanges de ceux qui le félicitaient de sa victoire, lui avaient sans doute enflé le cœur, et inspiré des sentiments trop hauts pour le magistrat d'une république dont il devait respecter les usages; car il mit trop de faste

de toutes, et avoua publiquement qu'il avait oublié son vou. Le peuple n'en fut que plus irrité ; il disait que le dictateur, en partant pour l'armée, avait fait vœu de donner la dîme des dépouilles des ennemis, et que maintenant il prenait celles des citoyens.

et de fierté dans son triomphe, et entra dans Rome | coup souffert dans cette guerre, et à qui l'on remonté sur un char tiré par quatre chevaux blancs; demandait une si forte partie d'un bien que la ce qu'aucun général n'avait fait avant lui, et ce plupart avaient déja dépensé. Camille, troublé qu'aucun ne fit depuis; car les Romains regardent par leurs reproches, et n'ayant pas de bonne excette sorte de char comme sacrée, et la croient ré-cuse à leur donner, eut recours à la plus mauvaise servée pour le souverain et le maître des dieux (21): ce fut une première cause du mécontentement des citoyens, qui n'étaient pas accoutumés à ce faste insultant. Ils en eurent bientôt une seconde dans son opposition à la loi qui ordonnait le partage de la ville. Les tribuns du peuple avaient proposé qu'on séparât en deux portions égales le sénat et le peuple; qu'une moitié restât à Rome, et que l'autre, à la décision du sort, allât habiter la ville nouvellement conquise. Ils donnaient pour motif de ce partage que les uns et les autres en seraient plus riches; que, possesseurs de deux grandes et belles villes, ils conserveraient plus sûrement leur pays et leurs richesses. Le peuple, devenu riche et nombreux, avait accueilli avec joie cette proposition; et, toujours attroupé autour de la tribune, il demandait en tumulte qu'on prît les suffrages. Le sénat et les principaux citoyens, persuadés que cette loi était moins le partage que la ruine totale de Rome, y montrèrent la plus grande opposition, et eurent recours à Camille, qui, redoutant l'issue de cette division, alléguait sans cesse de nouveaux prétextes, faisait naître des obstacles, reculait de jour en jour la proposition de la loi, et se rendait par-là plus odieux au peuple.

X. Cependant ils apportèrent chacun la portion qu'on avait exigée; et le sénat arrêta qu'on en ferait un cratère d'or qui serait envoyé à Delphes. Mais l'or était fort rare à Rome; et comme les magistrats cherchaient à s'en procurer, les dames romaines, s'étant assemblées, convinrent entre elles de donner tous les bijoux d'or pour les employer à cette offrande, qui fut de huit talents (22). Le sénat, pour récompenser par des honneurs convenables leur générosité, ordonna qu'après leur mort on ferait leur oraison funèbre, comme on faisait celle des hommes d'un mérite distingué (25); car auparavant il n'était pas d'usage de louer publiquement les femmes à leurs funérailles. On choisit, pour porter cette offrande, trois ambassadeurs (24) d'entre les principaux citoyens, qu'on fit partir sur un vaisseau long, garni de bons rameurs, et orné comme pour une cérémonie solennelle. Ils coururent de grands dangers dans leur IX. Mais ce fut à l'occasion de la dîme des dé- voyage. Après avoir été près de périr par la tempouilles que le peuple fit éclater avec le plus de pête, ils tombèrent par le calme dans un autre force son animosité contre lui; et il faut avouer péril, auquel ils échappèrent contre toute espéque cette cause, sans être entièrement juste, avait rance. Le vent leur ayant manqué près des îles au moins un prétexte spécieux. Lorsque Camille Éoliennes (25), des vaisseaux lipariens, les preétait parti pour Véies, il avait fait vou, s'il prenant pour des corsaires, coururent sur eux : mais nait cette ville, de consacrer à Apollon la dîme du voyant qu'ils se contentaient de leur tendre les butin. Quand la ville fut prise et livrée au pillage, mains et de leur adresser des prières, ils n'usèrent soit qu'il craignît d'affliger ses soldats, soit que pas de violence; et, remorquant leur vaisseau, ils T'embarras où il se trouvait alors lui eût fait ou les conduisirent dans leur port, où, après les avoir blier son vœu, il les laissa maîtres du tout. Ce ne déclarés pirates, ils les mirent en vente, eux et fut que long-temps après', et lorsqu'il était déja tout ce qu'il y avait dans le vaisseau. Ce ne fut sorti de charge, qu'il pensa à en faire son rapport qu'avec beaucoup de peine que, persuadé par la au sénat. En même temps les devins déclarèrent vertu et par l'autorité de Timasithée leur premier que les victimes annonçaient visiblement la colère magistrat, ils les relâchèrent. Timasithée ne s'en des dieux, et qu'il fallait les apaiser par des sa- tint pas là ; il mit en mer quelques uns de ses vaiscrifices d'actions de graces. Le sénat, qui regardait seaux, accompagna les députés jusqu'à Delphes, comme impossible de revenir sur le partage du et s'unit à eux pour la consécration de leur ofbutin, le laissa à ceux qui y avaient eu part; il or- frande. Les Romains lui décernèrent des hondonna seulement que chacun d'eux en rapporte-neurs proportionnés au service qu'il leur avait rait le dixième, et attesterait avec serment la fidé- rendu (26). lité de cette restitution. Il fallut pour cela en venir à des moyens fâcheux, et user même de violence contre des soldats pauvres qui avaient beau

Ce fut au bout d'un an.

XI. Cependant les tribuns du peuple reproduisaient la loi qu'ils avaient précédemment proposée, et qui avait pour but de transporter à Véies une partie des habitants de Rome; mais la guerre des Falisques, qui survint fort à propos, rendit les

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