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On voit que la population de Londres a plus que doublé en quarante ans. Si l'on entre dans les détails de recensement opérés à Londres, on peut être surpris de voir que, alors que la progression de la population a été si grande pour la métropole en général, le nombre des habitants de la Cité a cependant diminué; ainsi il était de 156,859 en 1801, et il s'est trouvé réduit, quarante ans plus tard, à 125,000 âmes. Et cependant chacun sait que les affaires y sont devenues de plus en plus actives, que la circulation dans les rues y est tellement grande, que, la plupart du temps, les voitures ne peuvent avancer qu'au pas et en formant queue. Ce fait doit donc trouver son explication dans l'accroissement même des transactions commerciales; le terrain est devenu en effet si précieux, que toutes les parties des maisons, qui servaient autrefois à l'habitation de familles de commerçants, sont devenues elles-mêmes des comptoirs ou des magasins; la Cité toute entière est devenue comme un vaste marché, où tout le monde vient faire ses affaires dans la journée, et que chacun quitte le soir pour aller chercher ailleurs de l'air respirable et du repos. Un flot de personnes de tout âge, de toute profession, arrive le matin vers la Bourse, les magasins et les comptoirs, pour s'écouler de nouveau, le soir, comme le flux et le reflux de l'Océan.

Les dépenses de la Cité de Londres, pour les églises, les pauvres, le pavage, l'éclairage, le nettoiement et la police municipale, ne s'élèvent pas à moins, suivant lord Brougham, d'un million de liv. sterling (25,000,000 fr.). La paroisse de Marylebone, qui est de beaucoup plus récente formation, est aussi beaucoup mieux administrée; elle contient 138,000 habitants; ses dépenses de cette nature s'élèvent à 134,200 liv. st. (3,381,840 fr.) Cette paroisse forme environ la quinzième partie de la ville, et si les autres parties ne dépensaient que dans la même proportion, ce qui est loin d'être le cas, cela ferait plus de 52 millions de francs pour le budget de Londres, tout en laissant encore en dehors une foule de taxes spéciales et de dépenses diverses.

En Angleterre, l'administration communale se confond perpétuellement avec

l'administration paroissiale; le respect du passé y est poussé à l'excès, et la Cité de Londres, dans sa petite étendue, ne contient pas moins de 112 paroisses; 98 d'entr'elles contiennent ensemble 7,923 maisons, et chaque maison ne contient le plus souvent qu'un seul ménage; il est telle de ces paroisses qui n'en compte que trente. Chacune a cependant son administration distincte, les corporations de métiers ont la leur, la juridiction du lord-maire a la sienne; aussi la Revue de Westminster dit-elle, avec raison, que le gouvernement de la Cité de Londres est une hydre à cent têtes.

Outre les taxes municipales directes, les habitants de Londres ont encore à payer certains droits qui renchérissent les objets de la consommation la plus essentielle; la Cité perçoit sur la houille des droits qui ne produisent pas moins de 4 millions de francs par an; aussi est-il arrivé souvent, dans ces dernières années, que le charbon de terre anglais était livré au même prix sur le quai de Marseille que sur le quai de Londres (1).

Il n'y a ni contrôle ni publicité pour les comptes, ce qui fait que les abus deviennent d'autant plus graves qu'ils remontent plus haut; il est telle corporation où les membres s'attribuent des pensions ou les distribuent à leurs proches. Sous prétexte d'affectations spéciales, on dilapide certains revenus; c'est ainsi que ne pouvant rendre des repas assez dispendieux pour absorber les recettes qu'on se croit en droit d'employer en frais de représentation, on place quelquefois une guinée sous l'assiette de chacun des convives officiels, qui, après avoir bien diné, se retirent encore avec le gousset bien garni.

J'ai dit que presque chaque ménage habite une maison séparée, quelles que soient sa fortune et sa position. L'ouvrier n'a qu'une seule croisée, outre la porte, et un seul étage à sa maison; le bourgeois a deux ou trois fenêtres et deux étages, suivant ce qu'il peut mettre à son loyer, et les gens riches peuvent avoir encore quelques croisées en sus, sans que, pour cela, l'ordonnance générale de la maison soit différente. Cette régularité fait que de longues rues sont bâties à la fois et sur un plan uniforme; à cet effet, on commence par former une chaussée, à droite et à gauche de laquelle on construit des voûtes pour soutenir le trottoir; ces voûtes deviennent les caves qui servent au combustible du ménage; une bonde en fer, sur le milieu du trottoir, permet d'y introduire la houille directement. Les maisons sont ensuite érigées en retraite, à une certaine distance du trottoir, que l'on borde d'une grille, laissant ainsi une espèce de saut-de-loup entre la façade et la chaussée, et cette cour basse donne du jour à l'étage inférieur, où s'établissent les cuisines. Ce mode de construction permet de donner plus de largeur aux rues, et de faire en rase campagne des quartiers tracés avec régularité; mais il faut convenir que des maisons aussi uniformes, construites en briques et incessamment exposées à la fumée du charbon de terre, prennent un aspect monotone et triste.

La Cité est divisée en 26 wards ou quartiers qui nomment chacun un aldermen à vie; l'élection est faite par les freeman ayant droit de bourgeoisie et

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(1) Des Budgets communaux et des Octrois par M. H. Say. Londres et Paris, par le même. Annuaire de l'économie politique, 1844 et 1845.

tenant maisons. Les aldermen ont des attributions multiples, ils sont à la fois juges, administrateurs et membres du conseil supérieur; ils élisent, chaque année, le lord-maire de manière à occuper, chacun à tour de rôle, cette haute position. Les aldermen exercent en outre une grande influence, parce qu'ils gèrent les finances, nomment à beaucoup de fonctions, délivrent les licences ou patentes aux débitants de boissons et à quelques autres professions, et déléguent deux d'entr'eux pour siéger dans le corps administratif de South-Wark; enfin, ils ont double vote dans les affaires de la Cité, en siégeant de droit dans le Common-council. Ce dernier conseil est composé de 206 membres, les conseillers ordinaires sont élus annuellement, mais la base électorale est aussi inégalement répartie que pour le conseil des aldermen.

Il y a de plus un corps très-puissant dans la cité, c'est celui des Livery-men, qui sont les possesseurs des maîtrises dans les 89 corporations d'arts et métiers; ce sont eux qui élisent le Chamberlain, ou trésorier de la ville, et les deux shérifs ou premiers officiers du pouvoir exécutif et judiciaire après le lordmaire. Ces corporations sont en possession de revenus considérables, dont aucun compte n'est rendu public, et elles continuent à percevoir des droits ou amendes sur ceux qui viennent exercer leur industrie dans la Cité. La permission de travailler coûte encore environ 300 fr.; antérieurement le prix était de mille francs, et c'est faute d'avoir pu payer cette somme que le célèbre James Watt a été obligé de porter ailleurs son industrie et son génie. Parmi ces compagnies, il en est qui ont gardé le privilége de recevoir un droit en s'affranchissant de tout service : c'est ainsi que les compteurs d'huîtres prélèvent annuellement sur le public 250,000 francs, sans jamais compter d'autres huîtres que celles qu'il leur plaît de faire ouvrir pour leur consommation.

Il y a ainsi deux corps puissants dans la Cité, celui des Freemen et celui des Livery-men, et l'on pourrait en ajouter un troisième, celui des administrateurs des hôpitaux royaux; ces gouverneurs sont au nombre de 406, parmi lesquels les aldermen siégent de droit; la plupart des autres achètent leur entrée. Ce corps dispose de beaucoup de fonds et nomme même à des bénéfices ecclésiastiques.

Pour toutes les autres parties de la métropole, l'administration est beaucoup plus simple et moins dispendieuse, bien qu'il n'y ait, à cet égard, aucune règle uniforme. Le pouvoir se partage entre les Vestries, ou fabriques des paroisses et des commissions spéciales instituées pour ce qui concerne le pavage, l'éclairage, le balayage ou les égouts. Ces commissions n'ont généralement aucun lien entre elles, et il en résulte un défaut d'unité très-fâcheux quant aux résultats. Beaucoup de fabriques en commissions se recrutent par ellesmêmes; il y a seulement cinq paroisses où la base électorale soit réellement populaire, ce sont celles de Saint-John, de Saint-James dans Westminster, de Marylebone, de Saint-Pancrace et de Saint-Georges.

L'administration de la police a une action uniforme et centralisée à Londres. Toutefois, la Cité a encore réussi à se tenir séparée du reste de la métropole à cet égard, et il en résulte de graves inconvénients: c'est ainsi que les voleurs qui exercent leur coupable industrie dans la Cité, ont soin de résider à Westmin

ster, tandis que ceux de ce dernier quartier vont, au contraire, se cacher dans la Cité.

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La dépense en est supportée pour deux tiers par les ressources locales, et pour l'autre tiers, par le gouvernement, ce qui est une disposition toute nouvelle pour l'Angleterre (1).

On est souvent tenté de demander, non s'il existe une police à Londres, mais ce qu'elle fait, tant ses détails sont peu surveillés; tant, pour éviter de paraître tracassière, elle semble négligente. L'action ne s'en fait sentir ni pour la propreté des rues (2), ni pour la circulation des voitures, ni pour les étalages, ni pour une infinité d'objets qui dans les autres pays attirent à bon droit l'attention de l'administration. Ici, tout est négligé; on ne s'attache qu'aux choses d'une importance majeure. En revanche, il y a peu de capitales où les voleurs soient plus promptement découverts et punis, où les mouvements populaires soient plus efficacement réprimés.

On est uniformément frappé, dit M. Léon Faucher, de la facilité que les autorités locales et le gouvernement trouvent à réprimer les troubles, même lorsqu'ils éclatent sur plusieurs points à la fois. L'administration ne demande

(1) Annuaire de l'économie politique, 1845.

(2) Le service pour lequel le défaut d'action centralisée se fait le plus sentir et regretter, est celui des égouts. Il est encore régi par les règlements faits pour le dessèchement des marais sur l'emplacement desquels la ville est maintenant bâtie. Le territoire dans un rayon de 10 milles du bureau central de la poste aux lettres, est partagé en six sections, ou truts, administrées par des commissions différentes, agissant sans accord entr'elles. La Cité est pour cela, comme pour tout le reste, encore distincte et séparée; le conseil des égouts y est composé de 88 commissaires qui règlent une dépense annuelle d'environ 100 mille fr., sur laquelle on voit figurer en ligne de compte, pour réunion à la taverne, the et café, 12,500 francs. Les inconvénients du défaut d'unité dans la direction des travaux, se sont souvent manifestés. Ainsi, la ville s'agrandissant toujours dans le Nord, on y a fait de nouveaux égouts sans avoir élargi préalablement ceux dans lesquels ils se déversent pour se rendre à la Tamise, et les quartiers anciens se sont vus fréquemment inondés par la fange que leur envoyaient leurs voisins. Quelques rues importantes manquent d'égouts; et, dans d'autres parties, il existe encore des égouts découverts, qui répandent les exhalaisons les plus malsaines. Il faut toute la propreté du peuple anglais pour que ces inconvénients ne soient pas plus graves encore.

pas de pouvoirs extraordinaires; elle se borne à proclamer l'illégalité des rassemblements armés et à diriger quelques escouades de policemen vers les districts où l'agitation se manifeste. Quant à l'émeute, elle ne tient nulle part devant la force publique; à Birmingham, une charge de cavalerie suffit pour dégager, et cela au milieu de la nuit, les rues occupées par une multitude que le succès anime; à Newport, dix mille hommes bien armés se retirent, à la première décharge, devant une demi-compagnie d'infanterie. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent en France: sans parler des journées de juillet 1830, qui rallièrent toutes les classes de la population parisienne contre le drapeau de la Restauration, qui n'a pas admiré, tout en réprouvant la cause qui leur mettait les armes à la main, l'héroïque ténacité des insurgés de 1832 et 1834? Cinq cents hommes résistant pendant deux jours, dans le cloître Saint-Méry, aux attaques d'une garnison nombreuse; des ouvriers disputant pied à pied la ville de Lyon au canon d'une armée, voilà ce qui serait impossible en Angleterre. y a cette distance entre les deux contrées, que les ouvriers anglais n'en sont encore qu'à l'émeute, tandis que les ouvriers français, même quand le pays n'a plus de révolution à faire, sont tous les jours capables de tenter une insurrection.

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Pour expliquer cette différence, M. Roebuck a dit dans la Chambre des Communes aux applaudissements de lord John Russell et de sir Robert Peel : « De l'autre côté de la Manche, la force est le pouvoir qui tient le peuple en respect; mais dans le pays où nous vivons, l'obéissance à la loi règne parmi toutes les classes. Ici, dans le plus nombreux rassemblement et au plus fort de l'émotion populaire, le constable s'avance, et va saisir, au milieu de la foule, l'homme le plus vigoureux ainsi que le plus influent....... Si le peuple désirait l'anarchie et la confusion, quelle force pourrait le contenir? » (1)

L'éloge aurait paru plus légitime il y a dix ans ; mais si la classe supérieure et la classe moyenne en sont toujours dignes, on ne peut plus l'appliquer aux classes inférieures sans risquer d'être démenti par les faits. Ce qui prouve que le peuple respecte les lois, c'est quand il s'abstient de les attaquer et quand il obéit sans hésiter aux autorités qui les représentent; mais quand, après les avoir attaquées, il s'enfuit devant les coups de fusil et n'attend pas les coups de sabre, cela prouve, au contraire, qu'il ne rend qu'à la force l'hommage qu'il devait à la loi.

Voilà bientôt sept ans que la révolte est en permanence dans la GrandeBretagne; la force armée et une partie de la population en sont venues cent fois aux mains; le sang a coulé, la propriété a été mise au pillage, et l'on peut voir encore, dans quelques villes, les décombres qui attestent ces déplorables exploits. C'est le moment que l'on choisit pour nous vanter l'attachement des ouvriers anglais à l'ordre légal, pour les exalter sur ce point aux dépens de l'Europe! M. Roebuck s'imagine donc que l'Europe ne lit pas les journaux anglais, et qu'on n'a jamais entendu parler à Bruxelles, à Paris, à Berlin ni à Vienne, des excès de Birmingham et de Newport? « Ce qui fait

(1) Speech ou the motion of M. Duncombe. 3 1842.

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