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consentir à des mesures qui leur semblent inconstitutionnelles et superflues pour l'administration des affaires en Irlande. Pour eux, il s'agit simplement de considérer si la situation de l'Irlande justifie ou non l'adoption des mesures que nous croyons de notre devoir de proposer. Toute considération étrangère, toute arrière-pensée de parti doivent s'effacer devant cette appréciation toute consciencieuse. Le Gouvernement a reconnu que la législation actuelle était insuffisante pour le maintien de la tranquillité publique en Irlande; à la vue des crimes et excès passés, et dans la prévision de ceux à venir, il a cru nécessaire de demander à la Chambre de nouveaux pouvoirs. »>

Tout nous annonce donc une prochaine crise ministérielle en Angleterre; mais cependant, il ne faut pas avoir dans les symptômes qui se manifestent une confiance illimitée: plus d'une fois nous avons vu sir Peel ramener à lui ceux qui s'éloignaient de ses rangs pour suivre la bannière d'un camp opposé. En sera-t-il encore de même aujourd'hui ? C'est ce que nous ne tarderons pas à savoir.

L'Église vient de perdre son digne chef: Grégoire XVI, dont le Pontificat a été marqué par de si grands événements, n'est plus! Ce qui mérite réellement l'attention, c'est que toutes les opinions dans les différentes parties de l'Europe s'accordent à louer les éminentes qualités du Souverain Pontife: toutes préconisent sa haute sagesse, son admirable prudence, son inébranlable fermeté. Les empiétements sur les droits religieux de feu le Roi de Prusse comme les cruautés exercées par le Czar de la Russie sur les catholiques de eet empire, trouvèrent dans le vénérable Souverain un censeur d'autant plus redoutable que sa voix, retentissant dans le monde entier, y rencontra un appui des plus sympathiques. Le règne de Grégoire XVI brillera d'une manière éclatante dans les Annales de l'Église.

Une quasi révolution, dont il est impossible d'expliquer encore le caractère, a éclaté en Portugal. Le ministère Costa-Cabral a été renversé, les deux ministres de ce nom ont dû se sauver de Lisbonne et ont failli être assassinés par la populace. Le duc de Palmella a été appelé au pouvoir, les séances des Cortès ont été suspendues, un grand nombre de fonctionnaires ont été destitués et les rebelles se sont emparés de plusieurs places fortes. Pour les désarmer, la Reine a fait un grand nombre de concessions. Une crise financière complique cette fâcheuse situation. Les événements ne tarderont pas à faire voir plus clairement le but de cette violente commotion.

A Athènes on a fini par se lasser de parler de la fameuse dépêche de lord Aberdeen, et dans ce moment, les débats parlementaires ont seuls le privilége d'occuper l'attention publique. La Chambre des Députés vient de voter une loi qui soumet l'importation des céréales à un droit d'entrée, et le Sénat vient de terminer la loi qui établit dans Athènes et au Pirée une police gouvernementale au lieu de la police communale qui, jusqu'ici, était exclusivement chargée de veiller au maintien de l'ordre et de la sécurité publique.

A l'époque où M. Coletti fut appelé à la direction des affaires, la sécurité publique, réclamait l'attention toute particulière du Gouvernement. Des agitations politiques qui venaient de remuer profondément toutes les classes, était résulté un relâchement général de l'action du pouvoir, et l'audace des malfai

teurs s'était accrue en raison directe de la faiblesse de l'autorité. Des bandes de voleurs s'étaient organisées dans presque toutes les provinces; les communications se trouvaient pour ainsi dire interceptées d'une ville à l'autre; voyager sans escorte à l'intérieur, c'était s'exposer à être dévalisé, souvent même assassiné, après quelques heures de marche, et dans certaines localités la terreur qu'inspiraient les bandits arrêta même les travaux de l'agricul

ture.

M. Coletti comprit parfaitement que son premier devoir était de faire cesser cet état de choses. Combinant dans une juste proportion les mesures de clémence et les poursuites de rigueur, il parvint, au bout de quelques mois, à désorganiser les bandes qui infestaient les grandes routes. Il n'eut plus alors qu'à en poursuivre les débris, et il les anéantit peu à peu à l'aide de colonnes mobiles qui furent envoyées sur différents points de la Roumélie et du Péloponèse.

Mais, après avoir délivré les populations du fléau qui les opprimait, le Gouvernement devait assurer l'avenir et affermir la sécurité publique dans la capitale, où elle ne se maintenait qu'à l'aide d'une forte garnison.

La situation géographique du royaume y attire un grand nombre d'aventuriers, qui, venant de la Turquie, de l'Égypte, des îles Ioniennes, de Malte et des littoraux italiens, se concentrent naturellement dans Athènes, s'y réunissent aux gens sans aveu qui y affluent des provinces, et parviennent quelquefois à organiser des bandes dont les ramifications s'étendent à tous les grands centres de populations, et dont la hardiesse a pu inspirer des craintes sérieuses aux populations paisibles des villes et de la campagne.

Tels sont les motifs qui ont engagé le Gouvernement à proposer l'établissement d'une nomarchie (préfecture) de police, à l'instar de celle qui existe à Paris, et qui correspondrait avec les autorités locales dans les provinces.

L'opposition n'a pas manqué, en cette circonstance, de susciter des obstacles au Gouvernement, mais la majorité du Sénat a pris les intérêts de l'ordre sous sa protection; c'est en vain que M. Tricoupi s'est posé en défenseur zélé des libertés communales; le principe de la loi a été adopté, et lorsque M. Tricoupi a demandé que l'établissement de la préfecture de police ne fût du moins considéré que comme une mesure provisoire, dictée par des circonstances particulières, lorsqu'il a demandé que la direction de la police de la capitale revint à la municipalité dès la prochaine législature, il a trouvé la majorité sourde à tous ses arguments. La majorité sentait qu'il s'agissait ici de donner une garantie aux intérêts de l'ordre, de fournir au Gouvernement le moyen de les faire respecter, et que ce n'était pas par une demi-mesure qu'on pouvait y parvenir.

Les progrès de l'ordre sont sensibles dans les provinces. Là, point de lutte, point de querelles, point de ces rivalités politiques, qui donnent à la capitale un aspect si différent de celui du pays. Dans les provinces, l'action du Gouverment se fait voir dans des travaux qui prouvent aux populations que c'est surtout de leur bien-être que l'administration se préoccupe. Quatre ponts, qu'on construit en ce moment sur le Sperchius, les routes d'Argoz à Tripolitza, et d'Athènes à Mégare, seront bientôt livrés à la circulation. Les ressources

pécuniaires du trésor ne permettent pas d'entreprendre simultanément tous les travaux que réclament les besoins du commerce et de l'agriculture; mais enfin, on s'en occupe, on fait ce qu'on peut, et, aux yeux d'un peuple dont on ne s'était guère occupé que pour percevoir les impôts, c'est déjà beaucoup.

DE LA DISSOLUTION DES CHAMBRES.

Trois fois déjà l'exercice du droit de dissoudre la représentation nationale a soulevé de vifs débats au sein de la législature. En 1835, l'opposition ne trouva point de paroles assez amères pour censurer l'usage qui venait d'en être fait, et même elle voulut faire sentir ce blâme dans l'adresse en réponse au discours du Trône. Plus réservée, la majorité se contenta de quelques réflexions critiques sur les motifs déterminants d'une mesure aussi grave; elle laissa voir que ces motifs semblaient se rapporter à l'intérêt ministériel plus qu'à celui de l'État; mais elle refusa de s'élever officiellement contre un acte plus ou moins opportun, mais parfaitement légal. Elle fit bien, car elle avait à respecter les droits de la Couronne et les convenances qui défendaient à la Chambre de juger dans sa cause.

A la fin de 1845 et au mois d'avril dernier, l'exercice éventuel du droit de dissolution a été de nouveau discuté à propos des exigences de M. Rogier, qui, deux fois chargé de former un ministère, avait deux fois décliné cette mission, parce que le Roi n'avait pas trouvé convenable de s'engager d'avance à dissoudre les Chambres, si elles venaient à se mettre en désaccord avec le cabinet. Depuis treize ans, l'opposition a complétement changé de langage, et, chose bizarre, tandis que la Couronne se montre sagement avare d'un droit qui ajoute à sa force, le pouvoir même contre lequel ce droit est créé, nous offre des hommes qui veulent en outrer l'usage. Il ne suffit pas que le Roi soit libre de recourir à sa prérogative quand il le juge opportun, il faut qu'il s'engage à la mettre aux ordres de ses ministres.

Une pareille prétention accuse une minorité arrivant au pouvoir et craignant de le laisser échapper de ses mains. La menace de dissolution est un moyen par lequel elle espère contenir la majorité jusqu'à ce qu'elle ait eu le temps de se consolider, et dont l'emploi ne saurait lui être immédiatement fatal. En effet, si le camp opposé ne se laisse pas intimider, l'insuccès d'une dissolution

remet, au pis-aller, les choses dans leur ancien état, avec cette différence que la minorité a pu profiter de l'influence gouvernementale sur les élections pour se fortifier. Le succès réaliserait à l'instant ses vœux et la ferait majorité.

Nous pensons cependant que des hommes qui croiraient en l'ascendant de leur cause et qui considéreraient l'avenir, hésiteraient à s'engager dans la voie où les orateurs de l'opposition les appellent avec tant d'instances. Pas plus en politique qu'en morale, la fin ne justifie les moyens. Ce qui vous sert aujourd'hui, peut servir demain contre vous, et s'il s'y trouve quelque chose à reprendre, vous n'êtes pas reçus à vous plaindre de ce qu'on imite l'exemple que vous avez donné.

Un parti qui aurait foi en lui-même, attendrait que le cours régulier des événements l'eût élevé au rang de majorité, ou, si la Couronne lui croit l'assentiment du pays, réclamerait une dissolution immédiate qui déterminât sur-le-champ la situation. Jamais il ne demanderait à la contrainte morale une force apparente et précaire: il respecterait une position qui peut redevenir la sienne au premier caprice de la fortune. Mais nous l'avons amplement développé, l'opposition n'est pas un parti: elle n'est qu'une ligue. Elle ne se fonde sur aucun principe et n'exerce d'influence dans le pays qu'en surexcitant les passions qui peuvent venir à se calmer. Comme toute oligarchie, la coterie qui aspire au pouvoir, a besoin de moyens coactifs pour exercer sur les membres des Chambres l'empire décerné ailleurs par une similitude d'opinions qui fait ici défaut. Qu'on ne s'y trompe pas: la menace de dissolution est, pour demain sinon pour aujourd'hui, dirigée contre le centre gauche aussi bien que contre la droite.

La majorité s'est, comme de coutume, montrée conservatrice des droits de la Couronne et de l'indépendance législative; mais, il faut le reconnaître, elle ne saurait donner toute l'autorité désirable à la défense des véritables principes. Elle semble un peu plaider sa propre cause; car, au rebours d'une minorité, elle a peu de chose à gagner à une dissolution et elle a beaucoup à perdre, surtout si le pouvoir est momentanément aux mains de ses adversaires.

Faisons, autant qu'il se peut, abstraction des partis, et considérons le droit de dissolution dans son but, pour arriver à connaître son légitime usage et le mérite des exigences de M. Rogier.

Le droit de dissolution est indispensable; il est créé en premier lieu pour maintenir l'indépendance constitutionnelle des diverses branches du pouvoir législatif. Les mandataires de la Couronne ne sont pas seuls enclins à étendre les limites de leur influence: les corps sont autant, et peut-être plus encore, portés à cette usurpation. La Chambre, qui est le produit spécial de l'élément démocratique, est plus particulièrement accessible, par sa formation même, aux influences des partis et aux idées tribunitiennes. Elle peut vouloir imposer ses lois à la Couronne ou à l'autre Chambre, et, comme elle tient les cordons principaux de la bourse, sá force d'inertie serait invincible si l'obstacle ne pouvait être détruit. C'est ce qui a été généralement senti par les peuples eux-mêmes. Sauf la Constitution mort-née de 1791 et les imitations irrationnelles que la Péninsule en fit autrefois pour son malheur, nous ne connaissons

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