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des torys au pouvoir, M. Cobden, dont l'Angleterre subissait déjà le talent et le caractère, avait été choisi par le bourg de Stockport et envoyé au Parlement. Enfin, sept cents ministres, appartenant à toutes les religions, catholiques, anglicans, presbytériennes, méthodistes, Welleyens, etc., se réunirent à Manchester pour protester contre les restrictions apportées à l'approvisionnement de la nation. Cette conférence eut un retentissement immense et donna de nouveaux adeptes à la cause du mouvement. La pétition que les ministres signèrent excita partout un enthousiasme ardent, mais elle échoua sur le rivage parlementaire.

Toujours les pétitions se brisaient contre l'orgueil et l'avidité des maîtres du pays, mais toujours aussi se succédaient les meetings, toujours retentissait la voix éloquente des Bright, des Moore, des Villiers, des Thompson, des Astworth, des Fox, toujours circulaient des brochures émouvantes. Le bazar de la Ligue à Manchester produisait 9,000 liv. st. Sir Robert Peel établissait son nouveau sliding-scale (échelle mobile); mais on le brûlait en effigie en vingt lieux différents. Un jour la Ligue se trouva maîtresse d'un fonds de 50,000 1. st. (1,250,000 fr.) Elle se construisit, dans l'espace de six semaines, un véritable palais, dédié à la liberté commerciale.

En ce moment donc, la Ligue était devenue réellement un grand fait, et, après la confusion qui mêle tous les hommes au début, on voyait se dessiner les fortes individualités à qui appartenaient désormais les premiers rôles. Et d'abord, au sommet, et comme formant un triumvirat puissant, se voyaient M. Cobden, le grand meneur, l'homme de l'action extérieure et de la conquête;

M. Wilson, l'homme du recueillement, celui qui concentre les forces, tient les cadres au complet, prépare le matériel et conjure les tempêtes; puis M. Ashworth, le statisticien; M. Thompson, orateur plein de verve et de variété; MM. Rawson, Bowring, Fox, tous gens de cœur et de talent.

Le jour où les députés de la Ligue, introduits auprès de Robert Peel, lui dirent: « Si le Gouvernement ne fait pas son devoir, et n'affranchit pas le peuple, le peuple s'affranchira lui-même; il sent qu'il n'est pas représenté, car il meurt de faim, et le Gouvernement lui refuse tout secours; » (1) le jour où Cobden jeta à la face du ministère cette solennelle déclaration : « Vous dites: nous sommes forts, nous avons les élections. Oui, vous avez les élections; mais combien de temps resterez-vous au pouvoir après que ce piédestal qui vous supporte aura été renversé? » (2) ce jour-là, dis-je, le nouveau plan de la Ligue avait été indiqué.

Le grand cri des orateurs de l'agitation avait été jusqu'en 1842: Pétitions, pétitions! Toutes ces suppliques, réitérées cent fois, n'avaient rien produit; mais la Ligue se savait forte maintenant et avait constaté sa force à Londres dans des meetings immenses tenus d'abord dans la taverne de Crown and Anchor, puis à Drury-Lane, puis enfin à Covent-Garden. Ainsi, sûre d'ellemême, la Ligue osa se porter officiellement devant le pays et prendre sa place

(1) Adresse de MM. Ridgway et Brooks à sir Robert Peel.
(2) Séance de la Chambre des Communes du 29 juin 1843.

dans les élections. Aussi le nouveau cri fut-il qualify! qualify! qualify! eri qui se répète encore de nos jours et qui signifie, devenez électeurs. Or, comment devient-on électeur en Angleterre? Voici le moyen recommandé par M. Cobden, qui le trouva en fouillant dans ces lois anglaises où l'on trouve tout.

Il y a près de 600 ans fut promulguée une loi qui concédait à tout homme, possesseur d'un revenu territorial de 40 shil. par an, les droits politiques et la qualité de yeoman. C'était là un cens exorbitant dans le principe, mais ce cens, par l'accroissement graduel de la fortune publique, est devenu fort médiocre. De sorte que les listes électorales des comtés pouvant s'accroître indéfiniment, il en résulte que tout homme, possesseur de 50 ou même de 40 1. st. (1250 ou 1000 fr.) peut acheter un cottage et avec le cottage le brevet d'électeur. M. Cobden exposa ces idées dans de nombreuses réunions, réchauffant le zèle des auditeurs et les engageant à se constituer électeurs en masse. Du reste, ce n'était pas là seulement une arme offensive, c'était avant tout une arme défensive, destinée à amortir les effets de la fameuse loi des 50 liv. st., qui met entre les mains des propriétaires les votes des comtés agricoles et leur. livre les fermiers pieds et poings liés. En dehors de cette mesure et comme la fortifiant, le conseil résolut d'envoyer dans tout le royaume des agents dévoués, dont la mission devait être de scruter les listes électorales, et de provoquer des radiations et des inscriptions. De cette manière on purifiait les élections et on les modifiait.

Ce système, voté et suivi avec enthousiasme, produisit les plus heureux résultats. Le plus beau succès obtenu dans cette direction, fut l'élection de M. Pattison, comme député de la Cité de Londres. L'adversaire de M. Pattison était M. Baring, chef d'une maison de banque puissante, commandant les votes par ses richesses et appuyé par tout ce que le parti du monopole avait d'influence. Néanmoins, tout échoua devant l'opinion publique, et l'élection du candidat progressiste marqua l'avènement de la Ligue comme puissance parlementaire. Dès ce jour le Times la considéra comme « un grand fait, » et ne cessa de lui rendre les plus humbles hommages. (1)

Cet étonnant succès, qui frappa de stupeur les vainqueurs eux-mêmes, donna un nouvel élan aux Free-traders. Voyant la carrière définitivement ouverte, ils s'y élancèrent à l'envi, multipliant les meetings, redoublant de talent et versant de nouveaux et énormes subsides. Celui voté le 14 novembre dernier s'élevait à 100,0001. st. (2,500,000 fr.), sur lesquelles plus de 12,000 1. st. furent souscrites séance tenante. Toutes les grandes cités de l'Écosse et de l'Angleterre apportèrent leur offrande, et l'on peut même lire, au nombre des donataires, quelques noms aristocratiques, apprivoisés par le succès ou par le temps je citerai M. Sam. Jones Loyd et le marquis de Westminster. Le parti du monopole essaya de combattre les progrès de la Ligue en instituant une contre-ligue et des sociétés pour la protection de l'agriculture. Les ducs de Buckingham et de Richemond y burent d'immenses toasts à la santé des fermiers. Mais ces meetings microscopiques mouraient étouffés à huis clos.

(1) De la Ligue, par ALCIDE FONTEYRAUD.

Trois mois après l'appel fait par M. Cobden, les sommes consacrées à l'achat des free-holds de 40 sh. (50 fr.) s'élevaient au chiffre énorme de 250,000 fr., indiquant ainsi l'avènement de cinq mille citoyens aux droits politiques.

Bientôt après, M. Villiers présenta sa motion annuelle, qui fut rejetée comme toujours, mais à une majorité considérablement réduite. Le résultat des votes donna 122 voix pour, 254 contre. En même temps que baissait leur force numérique, les fiers champions du monopole baissaient le ton, et la série des défections commença dans le camp des lois sur les céréales. Dans la dernière session, lord J. Russell s'écriait que « la protection était le poison de l'agriculture »; le lendemain, Robert Peel, effrayé, adoptait ce principe; le lendemain, le Times proclamait la chute imminente du vieux système; le lendemain enfin, lord Ashley, dans des accents lamentables, disait adieu à ses électeurs et s'apitoyait sur le sort affreux qui attend l'Angleterre le jour où elle pourra manger à bon marché.

Sir Robert Peel ne tarda pas à envisager d'un œil tout différent la guerre que les populations poursuivaient avec une ardeur et des forces toujours croissantes contre la loi des céréales. On ne peut pas douter qu'il n'ait été sincère lorsqu'il a dit, dans la séance de la Chambre des Communes du 22 janvier, que, lors même qu'aucun incident grave n'aurait appelé des mesures extraordinaires, dès cette session, il aurait cessé de s'opposer à la motion de M. Villiers contre la loi des céréales. Dans cette disposition d'esprit, que fallait-il pour que sir Robert Peel songeât à terminer lui-même la lutte au détriment du parti protecteur? il fallait deux choses que des circonstances particulières fournissent un à-propos, une occasion, un prétexte à l'abolition des corn-laws; et qu'un puissant mouvement dans l'opinion publique lui donnât la force nécessaire pour accomplir cette œuvre.

La famine en Irlande a été l'occasion; l'émotion générale, l'entraînement communiqué aux esprits par les efforts de l'anti-corn-law-league, ont apporté le point d'appui.

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DE L'ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES.

(Deuxième article.)

IV.

DES MÉTHODES ALLEMANDES.

En Allemagne, les méthodes d'enseignement sont nombreuses et different par le système de notation.

Le défaut d'unité que nous avons dit exister dans l'enseignement en Allemagne, a dû naturellement fixer l'attention des hommes savants que ce pays possède en si grand nombre, et nous voyons même qu'un journal spécial est publié depuis quelques années à Breslau, dans le but d'amener un système uniforme.

Présenter une analyse complète des ouvrages des divers auteurs qui, depuis soixante ans, ont mis au jour des systèmes sur l'enseignement primaire de la musique, serait chose inutile; les uns n'ont vécu que ce que vivent les roses, l'espace d'un matin; les autres n'ont eu aucun succès; d'autres enfin, ont contribué à amener l'état de choses que nous voudrions voir réaliser en Belgique. Nous nous bornerons donc à quelques développements pour prouver qu'il y a, dans les principes d'enseignement de la musique suivis en France et dans notre pays, tous les éléments nécessaires à une instruction fructueuse de cet art.

Pestalozzi,

kelmeyer,

-

-

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Pfeiffer, Nageli, - Zeller, Natorp, Glozer, WinLotsch, Kübler, sont les principaux auteurs allemands qui,

de 1800 à 1830, se sont le plus occupés de cette question.

Dans le travail de Pfeiffer, qui mit en pratique les idées de Pestalozzi, le

cours de musique est divisé en trois sections principales. La première, sous le nom de rhythmique, contient tout ce qui concerne la division du temps musical dans la durée des sons et du silence, avec toutes les combinaisons de cette durée. La deuxième, appelée mélodique, a pour objet la détermination des divers degrés d'intonation et leurs combinaisons en certaines formes de chant. La troisième, intitulée dynamique, considère les sons dans leurs divers degrés et dans les signes qui représentent les modifications de cette intensité. Dans une quatrième division se confondent les trois premières sous le nom de science de la notation. Là se trouvent réunis les exercices de la lecture et du solfége. Une cinquième est destinée à exercer les élèves dans la réunion des paroles au chant.

Naegeli forma des éléments du travail de Pfeiffer un traité qui ne contient qu'une instruction pour les maîtres.

On peut adresser le même reproche à la méthode de Zeller, qui lui a donné une forme trop philosophique pour une application populaire.

Le système de Natorp, plus simple d'exposition, publié en 1815, est celui de Pfeiffer réduit aux éléments les plus simples et les plus indispensables. A l'égard de la notation, considérée par plusieurs novateurs comme une des principales sources des difficultés de la musique, Natorp la réduit à l'emploi des chiffres pour la désignation des degrés de la gamme, en les disposant sur une ligne au-dessus ou au-dessous et en les diversifiant d'une certaine manière par des grandeurs proportionnelles. Les durées sont empruntées à la notation ordinaire et combinées avec des chiffres.

Le système par chiffres, emprunté par Natorp à la méthode de Zeller, fut heureux dès son début, car l'instruction des premiers cours élémentaires fut réimprimée cinq fois en douze ans, et l'instruction pour le second cours ou cours supérieur eut aussi plusieurs éditions. Natorp ne borna pas ses instructions à ce qu'il avait écrit pour les maîtres, il fallut aussi venir au secours de l'intelligence des élèves, et il publia successivement, à l'usage de ceux-ci, les manuels des deux cours. Ces manuels qui ne forment chacun que deux feuilles d'impression, sont des modèles de simplicité et d'enseignement pratique.

Le système de notation par chiffres devint, en 1815, l'objet de nombreuses controverses, et une lutte s'engagea dès-lors entre les partisans de cette notation et ceux de la notation ordinaire. Les professeurs Glæser, Winkelmeyer et autres publièrent, en 1821, des manuels de musique à l'usage des écoles primaires, rédigés d'après le système de Natorp. MM. Loetsch, de Jenkau près de Dantzig, et Kübler, maître de musique de la maison royale des orphelins de Stuttgardt, conservent la notation ordinaire, en l'appliquant à la division de Nægeli, pour les trois parties principales des études. Les écoles du royaume de Wurtemberg suivent aujourd'hui la méthode de Kübler, publiée à Stuttgardt en 1826.

Un système mixte fut publié vers 1820 par M. Heinroth, directeur de musique à l'université de Goettingue. Ce système, analogue à celui de Nogeli pour la division des études, diffère des autres par l'application d'une notation spéciale à l'usage des écoles populaires. Ce système est aujourd'hui en vogue dans presque toutes les écoles du Hanovre.

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