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pis eft, tout Paris l'applaudit; quoiqu'elle n'eût ni invention ni conduite, & que le fens

& par leur probité, présentés au public, dans la comédie des philofophes, fous le masque des plus grands fcélérats. On les a dépeints comme des fourbes, des. athées, des citoyens dangereux: toute l'Europe éclairée gémiffoir de voir la vertu vilipendée & proftituée dans une comédie, d'autant plus dangereuse qu'elle étoit paffablement écrite. Paris couroit avec empreffement pour voir percer des traits de la plus atroce calomnie, les gens qui par leurs connoiffances illuftroient cette ville.

Voilà à quoi conduit l'abus du théatre. Romagnesi joue Mr. de Voltaire; Mr. de Voltaire joue Mr. Freron, & Mr. Paliffor joue les philofophes, ou plus-tôt Mr. Diderot, Mr. Helvetius, Mr. Rouffeau, & plufieurs autres gens de lettres très - respectables dont il fait ou des fous ou des fripons. Hé que difent à cela les Magiftrats? Rien. Les fages Magiftrats! S'ils avoient défendu que Romagnesi eût infulté fur le théatre un homme qui fait autant d'honneur à la France que Mr. de Voltaire; s'ils avoient ordonné que quiconque prosti. tueroit un citoyen en public seroit puni: Mr. de Vol, taire n'auroit pas fait l'Ecoffoise, ni Mr. Paliffot les Philofophes.

Quand on recherche la cause de tous ces procedés fi contraires, je ne dis pas à la religion, mais à la himple probité, on trouve que les fujets les plus médiocres font la fource de tous ces crimes, (car comment peut-on les appeller autrement?) une piece de vers qu'on aura critiquée, un livre qu'on n'aura point approuvé, voilà ce qui produit tant de haines, & tant de fureur.

fens commun ne s'y trouvât pas même. Le plaifir d'entendre calomnier un auteur il

Qu'importe à un fage philofophe, lorsqu'il écrit ce qu'il penfe & ce qu'il croit conforme à la vérité, qu'un auteur le condamne? Que fait à un grand poëte la critique de ses envieux? Quand un ouvrage eft bon, non-feule. ment toute la France, mais toute l'Europe en prend la défense. Eft-ce que l'Abbé Desfontaines a nui aux écrits de Mr. de Voltaire, & de tant d'autres auteurs célebres qu'il a attaqués? Eft-ce que l'Abbé de la Porte a diminué la réputation des bons ouvrages qu'il a condamnés? Mr. Freron, fucceffeur de la haine de l'Abbé Desfontaines contre Mr. de Voltaire, a-t-il pu jusqu'à préfent empêcher le débit des écrits de cet homme il luftre? pourquoi donc toutes ces cabales, toutes ces injures, toutes ces calomnies?

Je ne dis pas qu'un auteur qu'un Journaliste attaque mal à propos, ne puiffe avoir la liberté de fe défen dre: mais il doit éviter dans fa réponse les perfonnalités, les médifances & fur tout les calomnies. En vé rité, lorsque je lis celles qu'on a écrites dans tant d'ouvrages contre Mr. Freron, je ne puis que gémir de voir, que la plus part des gens qui l'attaquent employent d'auffi foibles armes. Je n'approuve pas d'avantage les invectives affreufes dont on a cru accabler Mr. Paliffot; on lui a reproché de n'être pas dévot; les gens qui l'attaquoient fur fa dévotion en avoient-ils plus que lui? On a dit qu'étant dans un foupé il avoit fait abjurer à ún convive fa religion, après l'avoir enivré. Je ne faurois croire que la chose ait été ferieuse: mais en tout cas on convient que le pervertiffeur étoit auffi ivre qué

illuftre répara tous les défauts dont elle étoit remplie, & la foutint contre le fage

l'apostat; ainfi ce feroit fur le vin qu'il faudroit rejetter cette prétendue & ridicule abjuration, fans vouloir en conclurre tout de bon que Mr. Paliffot foit un impié, qui fe joue de ce qu'il y a de plus facré. Il est plus difficile de le juftifier fur l'ingratitude qu'on lui reproche, à l'égard de Mr. Helvetius, & en général de tous ses bienfaiteurs. On affure encore qu'il en a fort mal agi avec Mr. Freron, à qui il avoit obligation; quelques-uns même le fuppofent auteur d'une chanson injurieuse, nonfeulement à Mr. Freron, mais encore à fon épouse: mais l'Abbé de la Porte a bien voulu prendre cette iniquité fur fon compte, & s'en faire honneur. Je me garderai bien de placer ici cette affreuse chanfon: je crois même devoir dire qu'elle attaque mal à propos Mr. Freron fur fes connoiffances; car il n'en eft pas deftitué, mais il en abuse quelquefois; c'est ce que j'ai tâché de prouver avec toute la politeffe poffible, en examinant l'extrait infidele qu'il a fait de ma traduction d'Ocellus Lucanus.

Je crois devoir observer, avant de finir cette note, que Mr. Paliffot qui n'est pas fans talens, & qui n'a pas befoin de faire le métier de Zoïle pour s'acquérir quel que réputation, devroit éviter de donner de nouvelles prises à ses ennemis, en publiant des écrits qui femblent prouver qu'il aime mieux plaire en médisant qu'en louant. Il est pourtant le maître de choisir entre ces deux genres d'écrire, parce qu'il n'a pas besoin du fe cours de la medisance pour amuser ses lecteurs, & qué fes talens bien employés pourroient être goûtés.

mépris d'un nombre d'honnêtes gens, qui gémiffoient de voir le mérite en proie à l'envie & à l'ignorance.

Il eft furprenant qu'on ait voulu faire un crime à Mr. de Voltaire d'avoir dit fon fentiment fur quelques bons Auteurs modernes qu'il a jugés trop fevérement; tandis qu'on a fouffert que vingt écrivains bien au deffous de lui, ayent écrit des volumes remplis d'invectives & de fauffes critiques contre les meilleurs auteurs grecs & romains. A-t-on joué Perrault fur le Théa tre pour avoir dit que Platón étoit un Auteur méprifable, que Pindare écrivoit d'une maniere inintelligible, & que fes odes n'étoient que de pompeux galimathias? Jamais Riccoboni, ni Romagnefi livrerent-ils aux rifées des fpectateurs l'Abbé Terraffon, pour avoir écrit, en termes nets & clairs, qu'Homére étoit un fort mauvais écrivain, qui n'avoit jamais été admiré que par des pédans, ou des gens qui n'avoient aucun goût. Les Partifans des anciens fe font juftement récriés contre de pareils fentimens; ils en ont même montré l'abfurdité; mais fans violer la probité, & fans faire l'affront le plus fanglant à ceux qui les foûtenoient.

Il faut convenir que le procédé qu'ont tenu plufieurs gens de lettres, au fujet du Temple du goût, eft impardonnable, & qu'ils ne fauroient trop en rougir. Quel fond veulent-ils qu'on faffe d'orénavant fur leurs décifions; puisqu'ils ont montré jus qu'à quel excés la haine, la jaloufie, & l'envie, pouvoient les porter? Pouvoient-ils penfer que les gens fages & fenfés croi roient aveuglément, fur leur parole, que l'ouvrage qu'ils condamnoient, étoit auffi mauvais qu'ils le difoient? Se figuroient-ils donc, , qu'il n'y auroit que les ennemis de Mr. de Voltaire, qui le liroient? Il falloit en vérité, qu'ils fuffent dans une erreur auffi groffiere, pour fe perfuader, que perfonne ne feroit frappé de mille traits remplis de feu, qui font répandus dans le Tem ple du goût. Tel eft celui, où il dépeint fi bien l'ignorance d'un Financier. Ce paf fage étant affez long, je me contenterai dans rapporter la fin.

Craffus s'éveille, il regarde, il rédige,

A tort, à droit, regle, approuve, corrige;
A fes côtés, un petit curieux,

Lorgnette en main, difoit: Tournez les yeux,
Voyez ceci, c'eft pour votre Chapelle;
Sur ma parole, achetez ce tableau;
C'eft Dieu le Pere en fa gloire éternelle,
Peint galamment, dans le goût de Vateau.

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