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Tout doucement venoit la Mothe Houdard,
Lequel difoit, d'un ton de Papelard,

Ouvrez, Meffieurs, c'eft mon Oedipe en profe..
Mes vers font durs, d'accord, mais forts de chofe,

Mr. de la Mothe a vécu & eft mort en philofophe confervant le ton de la bonne plaifanterie jusques dans fes derniers moments. Un prêtre qui l'exhortoit à la mort, l'excédant, & l'ennuyant à force de lui demander s'il promettoit de ne plus faire de tragedies, s'il revenoit en fanté: He Oui Monfieur, lui repondit-il, les Comediens font fi mauvais! Ce furent là presque fes der nieres paroles.

Ajoutons à cette remarque, que Mr. de la Mothe a fait deux Opera dignes d'êtres comparés à ceux de Quinaut. mourut à Paris le 26 Decembre 1731. âge de 60 ans. Parmi les Poëtes liriques celui qui, après Mr. de la Mothe, a le plus rempli fes vers de pensées philosophiques c'est Mr. de la Visclede, mort depuis quelques années, qui étoit Secrétaire perpétuel de l'Academie des belles lettres de Marfeille, & qui avoit remporté plu fieurs fois le prix de l'Academie françoise. Nous avons de lui un recueil de poëfies qui ont été très-bien reçues du public, il feroit à fouhaiter qu'on en fit une nouvelle édition, auginentée d'un grand nombre de pie. ces qui n'ont jamais été imprimées, & qui font trèsdignes de l'eftime des connoiffeurs. Mr. de la Visclede étoit un homme fimple dans fes mœurs, fans préten tion au bel esprit, quoiqu'il en eût infiniment, d'une grande probité, rempli de connoissances, & dont la modeftie égaloir le merite, quelque grand qu'il fûr,

De grace, ouvrez, je veux à Defpreaux, Contre les vers, dire, avec goût, deux mots. Ces vers font fort jolis: il eft fâcheux, en vérité, qu'ils fervent à tourner en ridicule un homme qui avoit un efprit infini, & un caractère qui devroit fervir de modéle à tous les gens de lettres.

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Ce que Mr. de Voltaire dit de Rouffeau me paroît beaucoup plus excufable. En l'attaquant perfonnellement, il étoit autorifé par un arrêt du Parlement de Paris; & en condamnant fes derniers ouvrages, il avoit pour lui tous les gens de goût. I me paroît cependant, que, parmi les paffages qu'il a cités, pour montrer la dureté des vers que Rouffeau faifoit en dernier lieu, il en a cité un qui pourroit être excufé, à la rigueur, & dans lequel Rouffeau, en plaifantant, a voulu imiter un vers d'A riftophane: Voici les vers dont il s'agit. Pour une grenouille aquatique,. Qui du fond, d'un petit thorax,, Va chantant pour toute Mufique Brekeke, kex, koax, koax, koax.

Monfieur de Voltaire fe récrie fur cet hor. rible jargon, il croit que les Dieux ont chan gé la voix de Rouffeau en ce cri ridicule, pour

la

punition de fes crimes. Pour moi, qui ne crois point aux métamorphofes, je penfe & je fuis perfuadé, que Rouffeau a eu en vue d'imiter les vers que voici d'Ariftophane. Il auroit pu l'éviter: mais enfin cela me paroît une faute bien légere, d'autant mieux que la comédie des Grenouilles d'Ariftophane eft connue de tous les gens de lettres; & qu'on comprend d'abord, en lifant les vers de Rouffeau, qu'ils font allufion à un choeur de cette comédie.

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Je viens au jugement d'un grand nombre d'auteurs, qui me paroît tres-équitable TOM. XI.

B

en partie, mais non point en tout. Je fus fort étonné, dit Mr. de Voltaire, de ne pas trouver, dans le fanctuaire, bien des gens qui paffoient il y a foixante ou quatre vingts ans, pour être les plus chers favoris du Dieu du goût. Les Pavillon, les Benferade, les Péliffon 3, les St. Evremont, les Balzac, les

Voi

3 Péliffon, de l'Acadeinie françoife, & Maître des requêtes, a écrit l'histoire de l'Academie françoife, que Mr. d'Olivet a continuée. Il a fait plufieurs pieces de vers affez jolies. Mr. Péliffon fut chargé du détail des penfions & des charités que l'on donna après la révo• cation de l'Edit de Nantes aux Proteftans qui changerent de Religion. Il n'acquit pas dans cet emploi plus de gloire qu'il en avoit eu par fes poëfies. Mademoifelle de Scuderi a donné dans fon roman de Clelie le portrait de Mr. Peliffon fous le nom d'Herminius, & elle a encore fair celui de Sarazin, qu'elle appelle Amilcar.

Sarazin étoit un auteur bien fupérieur pour le génie a Peliffon, Despreaux compare plufieurs de fes élegies a celles d'Ovide. Je passerois, dit-il, en parlant des anciens & des modernes, condamnation fur la satire & l'élegie, quoiqu'il y ait des fatires de Regnier admirables,

des élégies de Voiture, de Sarazin, de la Comteffe de la Suze, d'un goût infini. Dans la même lettre Despreaux - fait encore l'éloge de Voiture & de Sarazin: Avec quel battemens de main, dit-il, n'a-t-on pas reçu les ouvrnges de Voiture, de Sarazin, de la Fontaine! Le poëme

Voiture, ne me parurent pas occuper les preiers rangs. Ils les avoient autrefois, me dit un de mes guides, ils brilloient avant que les beaux jours des belles lettres fuffent arrivés: mais, peu à peu, ils ont cédé aux véritables grands hommes; ils ne font plus ici qu'une affez médiocre figure. En effet, la

plus

fur la défaite des bouts-rimés eft une des plus jolies pieces de Sarazin. Balzac, qui a écrit d'une maniere fi oppofée au ftile naïf & badin, en faifoit cependant un très-grand cas, parce que le vrai & le naturel ont toujours le droit de plaire.

Etienne Pavillon naquit à Paris en 1632. il mourut le 10 Janvier 1705. âgé de 73 ans. Nous en avons déjà parlé dans les lettres précédentes,

Paul Peliffon Fontanier naquit à Beziers en 1624. & mourut à Paris le 27 Fevrier 1693.

Charles Marquerel de Saint Denis le Guaft, Seigneur de Saint Evremont, naquit le premier d'Avril 1613. & mourut à Londres le 26 Septembre 1703/

Ifaac de Benferade naquit à Lyons, petite ville de la haute Normandie, en 1612. & mourut le 19 Octobre 1691. dans fa 8ome année.

Jean François Sarazin, Secretaire des Commandemens de Mr. le Prince de Conti, naquit à Hermanville. fur la mer, dans le voifinage de Caen, où fon pere étoit tréforier général de France, & mourut à Pezenas le 5 Decembre 1654. âgé d'environ cinquante ans.

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