entretenir entre les deux fexes, pour la tranquillité & pour l'augmentation des familles. Je demande fi un homme qui méditera fur les vers fuivans, cù Aftolphe & fon ami, après avoir cherché avec foin, une pucelle, ne trouvent qu'une Catin, concevra une bonne opinion des filles qui paroiffent les plus fages & les plus innocentes. De la chappe à l'Evêque, hélas ils se battoient, Quoi qu'il en foit, Joconde eut l'avantage La belle étant venue en leur chambre le foir, Nos deux aventuriers près d'eux la firent seoir; A cet objet fi précieux, Son cœur fit peu de réfistance. Le marché fe conclut, & des la même nuit, Elle vient les trouver fans bruit. Au milieu d'eux ils lui font prendre place, Au grand plaifir des trois, & furtout du Romain, De De tromper à ce jeu le plus fage du monde. Le reconnoît en quelque endroit, Dont il ne fouvint pas au bon homme Joconde. Un jeune gars pourtant en avoit effayé. Quoique ces vers foient bien capables d'infpirer des fentimens très-défavantageux pour le beau fexe; il y en a encore dans le même Conte, qui font, a mon avis plus pernicieux: ce font ceux, dans lesquels il eft parlé de ce livre où Aftolphe & fon Compagnon Joconde écrivent les noms de toutes les belles qu'ils avoient mifes à mal pendant leur voyage. L'idée eft finguliere & plaifante: mais elle n'en eft pas moins contraire aux égards qu'on doit avoir pour tout ce qui peut contribuer au bien de la Société. Joconde approuva fort le deffein du voyage. Il nous faut dans notre équipage, Continua le Prince, avoir un livre blanc, Pour mettre le nom de celles, Qui ne feront pas rebelles, Je confens de perdre la vie, Si devant que fortir des confins d'Italie, Et Et fi la plus févére à nos vœux ne se range. Nous fommes beaux, nous avons de l'efprit; Et ne pas tomber dans les lacqs Je ne viendrois jamais à bout De nombrer les faveurs que l'amour leur envoie ; Heureufes les beautés qui s'offrent à leurs yeux! Qui ne tienne à fort grand honneur, Je ne faurois mieux finir ce que j'ai à dire fur les Contes de la Fontaine, qu'en citant Despréaux, qui ayant fait une Differtation, pour montrer que la Fontaine étoit fupérieur à l'Ariofte, dans la maniere de conter agréablement, & qu'il avoit mieux compris l'idée & le caractère de la Narration, (ce font fes propres termes) a cependant condamné févérement, dans un autre endroit, la licence qu'il a prife, & la maniere libre dont il a écrit. 80 Que votre ame & vos mœurs peintes dans vos ouvrages, N'offrent jamais de vous que de nobles images. Aux yeux de leurs lecteurs rendent le vice ai- La Fontaine reconnut fur la fin de fes jours, combien fes Contes étoient pernicieux, il les condamna publiquement. Voici ce que dit à ce fujet Mr. l'Abbé d'Olivet, dans fon Hiftoire de l'Académie. 81 Prêt à recevoir le viatique, il détefta fes Contes, les larmes aux yeux, & fit amende honorable devant Meffieurs de l'Academie, qu'il avoit priés de fe rendre chez lui par députés pour être témoins de fes difpofitions préfentes; proteftant, que s'il revenoit en fanté, il n'employeroit fon talent pour la poésie, qu'à écrire fur des matieres pieufes, qu'il étoit réfolu à paffer le reste de fa vie, autant que les forces le permettroient, dans l'exercice de la pénitence. Quand la Fontaine n'auroit' point été dévot, dans les derniers momens de fa vie, il auroit du, comme honnête homme, être faché d'avoir compofé ces Contes; puis 80 Despréaux Art. poët. Chant. IV. puisqu'ils ne font guéres moins contraires au citoyen qu'au Chrétien. Je viens aux ouvrages pofthumes, dont on a publié un ample recueil. Mr. de Voltaire a raifon de vouloir en fupprimer la plus grande partie. La Fontaine convenoit, que tous fes ouvrages n'étoient pas d'un prix égal; il avoit voulu effayer trop de genres différens: il nous apprend lui même que c'étoit-là fon défaut. Papillon du Parnasse, & semblable aux abeilles, Mr. l'Abbé d'Olivet prétend, que le même efprit qui préfidoit à la conduite de la Fontaine, préfidoit à fes compofitions. Esprit fimple, ingenu, fenfé, galant; mais inconftant, diftrait, pareffeux, il ne mettoit pas toujours la derniere main à fes ouvrages: mais jusqu'aux morceaux qu'il a le plus négligés, tout décele en lui un grand Maître. 81 Hiftoire de l'Academ. pag. 344. Tom. II. |