Priait la bonne vierge et Jeanne la Lorraine Et souffrant la torture, eut droit au paradis ! Et les anges déjà fêtaient ta délivrance, Ta main pressait le Christ, témoin de ton martyre; Qui te jette expirante au pied de ce haut mur. Tu meurs dans l'ombre ainsi que tu vivais naguère Si votre Commission ne vous demande une récompense pour aucune de ces pièces, ce n'est pas qu'à chacune d'elles, à la troisième particulièrement, elle n'ait reconnu des mérites; mais, en vous les énumérant, nous vous avons indiqué les défauts qui trop souvent les déparent. Dans Fleur et Bengali: L'oiseau sur la branche fleurie Dit à la fleur de la prairie, En son langage harmonieux, tout ce qui la fait chérir par lui. Ce petit discours, 61 ou plutôt ces menus propos, sont d'une grâce charmante. La paix, cinquième pièce de vers envoyée au concours, est, en réalité, l'apaisement d'une âme soulevée par la colère et par la haine. Un cavalier, plein de courroux, emporté par le désir de la vengeance, est ramené à des sentiments plus équitables par le calme de la nature environnante, qui, peu à peu, l'envahit, et arrive à prendre possession de tout son être, au point de dominer sa volonté. L'ensemble de ce morceau est bon. Le sujet, bien choisi, est ingénieusement traité. Mais l'auteur est conduit par sa facilité qu'il ne discipline pas suffisamment. En la modérant, il aurait supprimé des développements superflus, qui sentent parfois l'amplification. Avec l'armée française en Suisse, nous assistons à la retraite de ces malheureux soldats à travers les défilés du Jura, à l'accueil qui leur est fait au delà de la frontière. Là-bas, un grand nombre d'entre eux succombent; mais leurs derniers moments ont été adoucis par les soins affectueux dont on les a entourés. Les adieux que leur adresse le poëte au nom de la patrie en deuil méritent d'être lus devant vous: Dormez en paix, chers morts, à l'abri des collines, Qui mêlent leur chant clair de notes cristallines Dormez! un peuple ami protégera vos tombes Blanches comme la neige ou l'aile des colombes, Que pour vous soit léger le poids de cette terre! 62 Qu'il s'y répande tour à tour La fraîcheur de la nuit sereine et salutaire Et les ardents rayons du jour! Que le ciel toujours pur l'éclaire et la féconde, Qu'aujourd'hui, qu'à jamais on cite par le monde Que le Seigneur la garde et l'aime et la bénisse; Fléau trois fois maudit, la guerre ne bannisse Dormez, o nos chers morts! la fortune fatale Aux aïeux reposant sous la glėbe natale Veille sur leurs tombeaux épars dans la vallée, Plus d'un grand souvenir de l'époque écoulée, Nous n'avons pas rompu notre ferme alliance, Ton noble sang, jadis répandu pour la France, Mais un nouveau lien, plus fort et plus intime, Gratitude sincère, éternelle, unanime, Nous attache à toi désormais! Car toi seule voulus, de nos combats contraires, Car ceux que tu sauvas sont nos fils ou nos frères, Revenus maintenant dans leurs foyers de France, Le progrès incessant de leur rude souffrance Plus tard, quand les hivers pèseront sur leurs tailles Ils parleront encor de l'ingrate bataille; Ils diront aux fils de leurs fils Qu'en ces jours de revers sans nom, jours de tristesse Et d'inexprimables douleurs, Suisse, ton dévoùment égala leur détresse Et ta charité leurs malheurs ! Du souffle, du mouvement, un rhythme varié, tels sont les principaux mérites de cette pièce, qui met bien en relief les qualités de l'auteur. Les strophes d'introductions sont excellentes : vous avez pu juger qu'il en est de même du dernier paragraphe. Tout en laissant à chacun des concurrents la responsabilité, comme la liberté de ses opinions, et en ne patronnant aucune de celles émises devant vous, vous pouvez, Messieurs, à côté de la forme, tenir compte du fond: vous pouvez chercher l'âme sous l'enveloppe brillante qui est la raison déterminante de vos suffrages, accordant vos récompenses plus volontiers à des œuvres qui élèvent l'esprit, qui éveillent de nobles sentiments, vous ne sortez pas du programme que vous avez tracé. Les poésies qui vous sont recommandées par votre Commission justifient, encore à ce point de vue, les propositions dont elles sont l'objet. L'une transporte l'esprit au milieu d'une nature vraie, simple et souriante. Ce n'est qu'un jeu; mais il laisse de douces impressions: c'est le délassement bienfaisant. L'autre est un éloquent enseignement présenté à l'homme par toutes les forces inférieures de la nature, qui, chacune dans son langage, lui montrent que la colère et la haine, dont il est animé, font tache au milieu de ce qu'on a si bien appelé « les harmonies providentielles, » et lui apprennent à recouvrer la paix. Enfin, ce tableau chargé de sombres couleurs, mais contenant, en même temps, des traits si doux, n'est-ce pas un appel à l'un des sentiments les plus élevés; et, la reconnaissance qu'il excite, n'est-ce pas la plus haute qui se puisse concevoir, puisque c'est un peuple tout entier qui doit se souvenir du bien fait par un autre peuple? Et après, trop loin peut-être, à travers d'épais nuages, de tels liens entre plusieurs nations ne font-ils pas entrevoir des temps meilleurs, ceux où tous les rapprochements deviendront possibles! On peut y penser, Messieurs, quand on arrête son esprit sur cette persistance du souvenir qui amène chaque année à votre concours des poëtes qui ne se lassent pas de passer la nouvelle frontière. Le cœur veut aussi en savoir quelque chose; mais vous ne le laissez pas intervenir, car il exigerait une récompense pour chacun des morceaux qui vous sont soumis; et il faut que vos prix restent dignes de l'Académie, dignes des concurrents, auxquels vous les décernez. En résumé, votre Commission donnerait : s'en remettant à votre décision pour la récompense que vous jugerez à propos de décerner à chacun de ces morceaux. L'Académie, après délibération, a adopté la classification de sa Commission et décidé que la pièce de vers qui a obtenu le premier |