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Metz, s'est toujours ressenti de son origine celtique. De l'amalgame du gaulois, du latin et du franc s'est formée cette belle langue française si claire, si loyale que devait immortaliser Voltaire, même à Berlin, et qui n'a jamais cessé d'être le langage des habitants du pays messin.

Quand Metz, en qualité de ville impériale, envoyait des délégués aux diètes de l'empire d'Allemagne, elle les faisait accompagner d'un interprète et elle ne correspondait avec la chancellerie impériale que dans la langue du pays, c'est-à-dire en français. C'est l'histoire de pays qui a inspiré le premier poëme rédigé en français, le fameux roman du Gahrin le Loherain. C'est à Metz qu'on a trouvé les plus anciennes chartes rédigées en français. Notre Société a toujours accueilli avec empressement les recherches faites sur cette langue; dom Jean-François, un bénédictin de Saint-Arnould, en 1773, lui communiquait les épreuves de son Vocabulaire austrasien, dont la seconde édition, considérablement augmentée, prit, en 1777, le titre de Dictionnaire roman vallon celtique, et fut imprimé sous le patronage de l'Académie.

Ce qui est venu compléter heureusement ce premier essai de linguistique, c'est le Glossaire du patois messin, par M. Lorrain père, que l'Académie a couronné et qui va paraître dans les volumes de notre Société.

Afin de montrer le parti que l'on peut tirer de la langue française, plusieurs membres de notre Société ont agréablement sacrifié aux muses. Le baron de Tschoudy composa, en 1775, une ode sur l'indigence; dom Graffin, en 1779, une ode sur le triomphe de la foi. En 1826, M. Delcasso (aujourd'hui recteur émérite de feu la faculté de Strasbourg) nous envoyait

une traduction en vers du psaume In exilu Israël, qui est devenu de circonstance pour les AlsaciensLorrains abandonnant leur sol natal.

Nos poésies académiques reflètent singulièrement l'esprit du temps. L'ode au roi Louis XVI, du baron de Tschoudy, fait un singulier contraste avec l'ode au dey d'Alger de M. Blanc, en 1830, et du même écrivain, les Chants de guerre, composés en 1855, et surtout sa prosopopée à la bayonnette française que l'auteur nous a lu comme il sait lire.

Aujourd'hui ces vers triomphants riment mal avec ceux de M. Théodore Gosselin, que nous avons couronnés en 1874, c'est-à-dire après l'annexion de notre pays à l'Allemagne.

Nos volumes abritent encore une autre sorte de poésies qui rappelle le mot de l'antiquité: facit indignatio versum. Ce sont les fables, les satires du pauvre Macherez, dont la mort a confirmé une fois. de plus combien le vaudevilliste Moreau avait raison de dire dans son Maître Adam, que:

Pégase est un cheval

Qui porte les grand hommes...
A l'hôpital.

Combien je préfère les ballades de M. de Puymaigre, telles que les Trois questions du Roi, le Myosotis, cette charmante fleur dont on a germanisé le nom grec en celui qui est devenu, depuis 1871, la devise française de l'Alsace-Lorraine Vergiss mein nicht, ne m'oubliez pas.

Ces petits poëmes, pleins de fraicheur et d'exquise sensibilité, sont bien placés à côté du Retour du printemps, par M. Petsche; des Ruines, par M. Carbault;

des Soupirs vers le pays, par M. Kœnig; de la Rêverie, de M. Michel Carré.

Nos volumes sont encore plus riches en morceaux de prose française. En première ligne, je dois citer les discours de mes prédécesseurs au fauteuil de la présidence. Parmi ces exemples dans la manière de bien dire et de bien penser en bon français, nous mentionnerons les discours de Bergery sur le Bonheur, et un autre sur le Partage des richesses; de Renault, sur l'Utile; de Culmann, sur la Fin et la destinée de l'homme; de Dosquet, sur l'Esprit d'association; de Chaumas, sur la Charité à domicile; de B. Faivre, sur les Progrès moraux à Metz; de Lucy, sur le Développement intellectuel et matériel de la ville de Metz; de M. Jacquet, sur Lucien et son époque; de M. Mézières, sur les Bévues littéraires.

L'Académie de Metz s'est préoccupée des imperfections de la législation. Comme elle comptait dans son sein des magistrats, des avocats, sa tâche lui était rendue facile. Plusieurs questions relatives au droit coutumier messin furent mises au concours par notre Société. En 1763, elle récompensait le travail d'un archiviste toulois, Camille Lemoine, qui avait exposé dans un bon mémoire quelles furent les lois en conséquence desquelles la justice se rendait à Metz et dans le pays messin depuis Charlemagne jusqu'au temps où les coutumes écrites formèrent un corps de lois. Notre Académie recevait, en 1785, communication du recueil des édits, lettres patentes enregistrés au Parlement de Metz, recueil composé par un jeune avocat messin, Emmery, qui devait mourir en 1823 pair de France, après avoir été sénateur impérial. Ce recueil d'Emmery donne plus que ne promet son titre, puisqu'on y trouve en notes les

atours de la République messine, les statuts des corporations et métiers du pays, c'est-à-dire la base du droit coutumier mosellan.

Emmery a encore eu le mérite d'oser le premier demander, en 1769, dans un travail resté manuscrit dans nos archives, que l'on empruntât aux Anglais leur juridiction criminelle du jury. C'était aussi hardi pour l'époque que de demander aujourd'hui qu'on adjoigne des échevins à nos tribunaux correctionnels et de simple police, comme cela se pratique avec succès dans certains États de l'Allemagne. C'est que les magistrats et les avocats qui font partie de notre Société regardent nos codes modernes comme une arche sainte à laquelle on ne peut porter la main. Dédaignant de nous entretenir des progrès à introduire dans notre législation, M. l'avocat général Leclerc a mieux aimé nous retracer la vie du maréchal de Belle-Isle et de son épouse; M. le procureur général de Gerando nous a parlé de Mme de Staël et de Mme de Récamier. M. le conseiller Salmon nous a fait une dissertation sur le beau et le bien. M. le premier président Woirhaye nous a lu un fragment sur les origines nationales. Et le doyen de notre barreau, le vénérable M. Dommanget, nous a raconté ce que fut le défenseur de Louis XVI, le courageux Malesherbes.

Notre ancienne Société s'occupait plus de droit que nous. En 1782, le marquis de Mirabeau lui faisait une communication sur la législation. L'Académie de Nancy s'était aventurée jusqu'à demander s'il ne serait pas possible d'assigner les causes des crimes et de donner les moyens de les rendre plus rares et moins funestes. Ce fut un jeune avocat de Metz, Louis Lacretelle, qui remporta le prix en 1774, et

qui, en 1782, adressait à notre Société ses critiques sur l'organisation du ministère public, alors encore plus défectueuse qu'aujourd'hui au point de vue de l'irresponsabilité.

En 1784, l'Académie de Metz demanda quelle est l'origine de l'opinion qui étend sur les individus d'une même famille une partie de la honte attachée aux peines infamantes que subit un coupable. Cette opinion est-elle plus nuisible qu'utile? N'y aurait-il pas des moyens de parer aux inconvénients qui en résultent?

Parmi les vingt-deux mémoires présentés en réponse à ces questions, l'Académie en distingua deux. L'un émanait du lauréat nancéïen Louis Lacretelle. Il fut élu membre de notre Société en 1785, et il paya sa bienvenue par un discours dans lequel il soutint qu'une réparation était due aux accusés jugés innocents. Son mémoire, couronné à Metz, lui mérita le prix Monthyon à Paris, et en 1786, il soumettait à notre Société des réflexions sur les réformes à introduire dans la législation pénale. Il devait, en 1802, remplacer à l'Académie française le littérateur Laharpe, et son frère Charles Lacretelle, dont notre musée possède le buste, devait aussi entrer à l'Académie française. Celui-ci commença sa vie de publiciste en écrivant pour notre Société, en 1788, une étude sur la nécessité de donner des États généraux à la France. Cet écrit et d'autres rédigés dans le même esprit le conduisirent à Paris où il devint rédacteur de journal. Il paya de deux années de captivité au Temple, sous la République, ses articles de critique mordante contre les héros du jour. En tête de ceux-ci se trouvait précisément l'autre lauréat de l'Académie de Metz, en 1784, sur la ques

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