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portant à l'exemple de mes prédécesseurs, j'ai vu que pour éviter l'aridité d'une nomenclature, ils avaient pris l'habitude de donner sinon une ana

lyse du moins une idée succincte des travaux qu'ils avaient à mentionner. Ils se sont imposé ainsi une tâche plus longue, plus périlleuse, plus pénible, - et celui auquel elle incombait aujourd'hui ne peut se défendre d'une légitime appréhension : c'est de n'avoir pas rempli les conditions nécessaires pour la mener à bonne fin.

SUR LE

CONCOURS DE POÉSIE

FAIT A L'ACADÉMIE

DANS SA SÉANCE DU 4 MAI 1876

AU NOM D'UNE COMMISSION COMPOSÉE DE

MM. F. BLANC, C. CAILLY, E. Michel,
et J. LEJEUNE, rapporteur.

Messieurs,

Il a fallu que, des membres de la Commission que vous avez nommée pour juger le concours de poésie, les uns fussent empêchés, les autres absents, durant le court délai assigné, pour que l'honneur de vous présenter le rapport échut à celui qui s'y trouvait le moins préparé.

Quand le choix est impossible, on est moins exigeant c'est là ce qui me fait espérer votre indulgence. Dans ces conditions encore, une bonne volonté eût été insuffisante, si je n'avais obtenu du plus compétent des juges de ce concours des notes sûres et précises sur la valeur littéraire des œuvres que

vous avez reçues.

Six pièces de poésie vous ont été envoyées par deux concurrents.

On pourrait dire que, dans l'une, intitulée Hymne d'un vieillard au printemps, l'inspiration fait défaut; et qu'ailleurs, elle est insuffisante. Ici, ce n'est pas une pensée qui se manifeste en vers: ce sont des vers qu'on s'est efforcé de remplir, sans y réussir entièrement. Là, l'auteur s'est laissé entraîner par sa facilité à versifier, alors que l'expression de sa pensée était complète, et qu'il n'avait plus qu'à s'arrêter.

C'est ainsi que, dans l'hymne qu'il adresse au printemps, le vieillard imaginé par le poëte ne fait que répéter ce qu'il a lu ou entendu chaque jour durant sa vie. Quand le vers ne se fait pas avec les choses maintes fois redites, il a recours à des répétitions qui ne sauraient être permises à un auteur qui a l'habitude du vers et de son harmonie.

Dans la pièce qui a pour titre Pâtre et poëte, on pourrait reprocher au pâtre d'être trop poëte. Son imagination trop vive lui fait percevoir, dans les mille bruits de la nature en courroux, la succession des récents désastres de la France. De là des rapprochements forcés dans un morceau, d'ailleurs, trèscorrect et très-estimable.

Le Sacrifice est un épisode de la dernière guerre. A-t-il été accompli, en effet? - On pourrait le croire, tant cette composition est saisissante; et puis, l'auteur se complaît dans des détails en si grand nombre, qu'on peut supposer qu'il n'a voulu omettre aucun de ceux que lui a fournis la réalité des faits. Qu'il n'ait su se borner, sa facilité l'explique, sans le justifier. Encore moins excusables sont ces chevilles que l'on rencontre trop souvent, et ces parties trèslâchées, à côté d'autres bien traitées. Ces défauts sont d'autant plus regrettables, qu'il y a de très-bons vers, notamment dans le § II, où l'on ne trouverait, pour

ainsi dire, rien à reprendre, et qui serait à citer ici tout entier. Malheureusement, nous nous heurtons à cette force des choses contre laquelle nos désirs ne peuvent rien, et qui nous contraint de ne faire. qu'un trop court extrait.

Vous comprendrez tout de suite que cette jeune fille, cette jeune Lorraine est la victime; et, à la pureté de son dernier regard, comme à la sérénité de ses dernières pensées, vous reconnaîtrez une victime innocente.

La voici maintenant debout à la muraille,
L'angoisse de la mort ne courbe pas sa taille ;
Son regard est plus doux, son front est plus vermeil,
Teinté par un reflet expirant du soleil

Qu'ont voilé les brouillards là-bas dans la prairie.
Elle tient sur son cœur un crucifix et prie

En nommant tout haut ceux qu'elle quitte ce soir,
Père, frères, amis, pour ne plus les revoir.
Soudain elle se tait; l'œil fixe, en elle-même
Elle semble jeter comme un regard suprême.
Peut-être elle voyait son passé, rire et pleurs,
Son enfance joyeuse et ce jour de douleurs
Où sa mère mourut dans la saison des fièvres ;
Et ces ressouvenirs éveillaient sur ses lèvres
Un de ces vieux couplets qu'elle aimait autrefois
A chanter en menant son troupeau dans les bois :
«Au jardin de mon père il est une fontaine ;

» Toujours au bord de l'eau vole un petit oiseau !
» Écoute, bel ami, je te dirai ma peine

» Et tu viendras demain chanter sur mon tombeau ! »
Elle disait cet air et d'un accent si tendre
Qu'une roche se fut amollie à l'entendre.
Puis elle reprenait bientôt ses oraisons,
Elle exposait à Dieu ses naïves raisons,

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