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La partie la plus singulière de tout cet ensemble consistait en un lit de pierres énormes, d'une épaisseur uniforme de 40 centimètres, ayant chacune de 80 centimètres à 1m,20 de côté et formant une sorte de pavé au-dessus des briques établies à la partie supérieure du massif de béton. Ces grosses pierres étaient juxtaposées le long de la muraille antique; elles étaient toutes en oolithe blanche (sauf une seule en oolithe jaune), quelques-unes ayant à leur partie supérieure un trou de louve ou bien parfois certains détails de mise en œuvre, comme l'une d'elles qui portait les traces d'une sorte de rigole composée de deux branches formant angle droit (fig. II, L). Ces grosses pierres ont été trouvées au nombre de onze (fig. II, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R).

L'espèce de pavé ainsi composé n'était plus complet; il présentait plusieurs lacunes, comme l'indique le plan joint à la présente notice (fig. II). Après la onzième pierre (fig. II, R), la fouille, suivant toujours la même direction en remontant vers le fond de la ruelle, n'en a plus rencontré de semblables; et il ne s'est plus présenté de ce côté aucune particularité digne d'être notée.

La plus grande partie des restes que nous venons de décrire subsiste encore. Quelques portions seulement ont été attaquées par les travaux modernes. L'établissement de l'aqueduc a nécessité une brèche de 60 centimètres de large dans la grosse muraille (fig. II, A) et la destruction du petit caveau (fig. II, B). Il a entamé le massif de béton de la construction antique (fig. I, F) sur une épaisseur d'environ 50 cen

A l'exception de deux d'entre elles (fig. II, J et K) formant bordure le long de la muraille et larges de 20 centimètres seulement.

timètres et a fait disparaître quatre des grosses pierres qu'il supportait (fig. II, H, I, L, M); trois autres pierres ont été seulement brisées partiellement pour le passage de l'aqueduc (fig. II, N, O, R); quatre sont intactes (fig. II, J, K, P, Q) ; deux d'entre elles (fig. II, P, Q) affleurent les parois latérales de l'aqueduc moderne, s'étant trouvées en place pour faire partie de sa structure.

A part les portions détruites que nous venons d'indiquer, tout le reste a été conservé et se trouve de nouveau enfoui dans le sol qui s'est refermé sur ces débris intéressants, un instant mis au jour. Pour donner une idée de la place qu'ils occupent, par rapport aux édifices que l'on voit maintenant audessus d'eux, nous dirons que, le flanc de la ruelle (à gauche en la remontant) étant composé de quatre parties ou édifices distincts appartenant les trois premiers à la maison des Carmélites et le quatrième à la maison de M. Vautrain, le mur de refend qui sépare le premier édifice des Carmélites (la chapelle) du second, correspond à l'axe de la grosse muraille (fig. I et II, A), et que la séparation du second et du troisième édifice des Carmélites tombe d'aplomb à 25 centimètres à peu près en avant du pilastre ou contre-fort antique (fig. I et II, D). Les positions occupées par tout le reste peuvent se déduire facilement de ces indications, à l'aide des cotes de dimensions que nous avons données.

Sur toute sa longueur, la fouille a été ouverte dans une terre noire mêlée de matériaux de remblais. Parmi ces matériaux se sont rencontrés quelques fragments qui méritent d'être signalés. On y a trouvé un tronçon, de 15 centimètres de hauteur, d'une colonne en pierre blanche de 43 centimètres de

diamètre, des fragments de briques romaines de toutes dimensions, et des morceaux de placages en marbres divers, savoir: deux espèces de marbre blanc, l'un tirant sur le gris avec des paillettes de cristaux brillants, l'autre d'une pâte blanche homogène analogue à celle du plus beau marbre statuaire des Grecs; un marbre à veines violettes comme la brèche d'Afri

que, et un marbre d'Égypte, le cipolin, dont les veines forment des rubans de teintes alternativement blanches et verdâtres à tons dégradés et fondus l'un dans l'autre. C'est à ce dernier marbre qu'appartiennent les morceaux les plus nombreux qui ont été recueillis. Ils varient en épaisseur de 3 à 5 centimètres ; quelques-uns, qui sont des fragments de moulures trèssaillantes, ont jusqu'à 10 centimètres d'épaisseur (fig. VI). L'un d'eux est un morceau de pilastre décoré de cannelures qui ont 4 centimètres d'ouverture (fig. VIII); trois autres proviennent de chapiteaux de pilastres et sont ornés de feuilles et de volutes dont le style dénote l'art gallo-romain (fig. IV, V, VII, IX)'. Plusieurs de ces fragments portent sur la tranche des trous dans lesquels entraient les tenons de métal

On a recueilli dans les fouilles de la ruelle des Trinitaires vingt-cinq fragments de marbre cipolin. Presque tous sont conservés aujourd'hui dans le cabinet de notre confrère M. l'abbé Ledain. Dans le nombre se trouvent les morceaux de chapiteaux et de moulures mentionnés ci-dessus. Nous en donnons des spécimens dans la planche jointe au présent mémoire (fig. IV, V, VI, VII, IX), avec le dessin d'un fragment de pilastre cannelé de même matière qui est en notre possession (fig. VIII). M. l'abbé Ledain conserve aussi un grand nombre de fragments de marbres d'autre nature trouvés avec les précédents, des morceaux de l'enduit couvert de stuc et de peintures dont nous avons parlé, et quelquesuns des beaux carreaux de terre cuite recueillis sous le pavé de grosses pierres, à la partie supérieure du massif de béton.

qui servaient à réunir entre elles les pièces de placage d'où ils proviennent et à les fixer sur les murailles dont elles formaient le revêtement. Quelques-uns sont encore enduits, même sur leur face ouvrée, de parcelles de mortier indiquant que depuis la ruine des édifices auxquels ils appartenaient ils ont été employés comme simples matériaux dans des constructions. Le fragment de pilastre cannelé (fig. VIII) présente notamment cette particularité.

Telles sont les observations auxquelles ont donné lieu les fouilles de la ruelle des Trinitaires. Nous serons sobres de conjectures en ce qui les concerne, en raison de l'étendue très-restreinte du champ d'exploration. Nous ne pouvons cependant nous dispenser de faire connaître quelques-unes des idées que suggère l'examen de ces restes intéressants.

Les fragments de placages en marbre proviennent incontestablement d'édifices gallo-romains décorés d'une manière somptueuse. Ces édifices étaient vraisemblablement dans le voisinage du lieu où ont été trouvés ces fragments. La tradition est que ce point élevé de la ville était dans l'antiquité le siége d'un palais. Les restes découverts dans la fouille de 1875 et les parties de constructions antiques qui subsistent encore dans la maison des Carmélites, suffisent pour indiquer que dans ces lieux ont existé en effet des édifices importants, remontant à l'époque gallo-romaine.

Ce caractère appartient certainement aux constructions mises à découvert par les fouilles de la ruelle des Trinitaires. Peut-être, est-ce à quelque portion des édifices dont ces constructions dénotent l'existence, qu'il faut rapporter les fragments de placage en marbre cipolin qu'on a trouvés en nombre

dominant mêlés à d'autres, dans les remblais au milieu desquels la fouille a été ouverte en ce lieu.

Cependant les placages de marbre ne proviennent pas de la partie même de l'édifice antique reconnue en 1875. Celle-ci était décorée différemment, comme nous l'avons dit, au moyen d'un enduit recouvert de stuc et de peintures. Cette dernière particularité est à noter. Elle prouve que la face de la muraille antique que nous avons vue est celle qui se trouvait à l'intérieur des appartements. Un intérieur seul pouvait être, dans nos climats, décoré de peintures comme celles que nous avons observées. Une autre preuve du même fait semble résulter de la nature du sol ancien reconnu au pied et en avant de la muraille en question. Ce sol était composé, avons-nous dit, d'un béton recouvert de grands carreaux de terre cuite. Nous parlerons tout à l'heure des grosses pierres posées par-dessus ceux-ci et qui n'appartiennent pas, suivant nous, à l'état primitif des lieux. Des carreaux de terre cuite ne peuvent guère former que le sol d'un intérieur. Ceux que nous avons observés ne devaient cependant pas constituer un carrelage proprement dit. L'incorrection de leurs formes, qu'on peut constater encore aujourd'hui sur ceux qui ont été conservés, ne permettait pas leur assemblage régulier. L'un d'eux portait même, avons-nous dit, à sa surface des stries ondées. Les carreaux de terre cuite, dans l'emplacement où nous les avons trouvés, servaient très-vraisemblablement de soutien à un enduit plus ou moins soigné, constituant le sol de l'appartement, peut-être à un riche carrelage de marbre ou même à une mosaïque. Nous ne voulons pas nous arrêter à ces considérations hypothétiques. Tenons-nousen au fait positif que les carreaux de terre cuite, là

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