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LES FOUILLES DE METZ

EN 1875,

PAR M. AUG. PROST,

MEMBRE TITULAIRE.

Un séjour de quelques semaines que nous avons fait à Metz à la fin de l'été de 1875, nous a permis de suivre les fouilles exécutées à cette époque pour la continuation du réseau de ses égouts. Les opérations nécessitées par ce grand travail, depuis longtemps en cours d'exécution, ont déjà fourni matière à bien des observations intéressantes, généralement consignées jusqu'à présent dans les Bulletins et les Mémoires de la Société d'archéologie de la Moselle. L'Académie nous permettra de lui adresser celles que nous avons eu occasion de faire cette année. Elles ont porté sur deux points qui se trouvent l'un et l'autre très-rapprochés de la ligne suivie par la plus ancienne enceinte connue de la ville de Metz. Elles empruntent à cette circonstance un intérêt particulier, indépendamment de celui qu'elles peuvent avoir en elles-mêmes. Ces deux points sont, l'un très-près de l'ancienne Porte-Moselle, au bout de la rue des Trinitaires, l'autre dans le voisinage de la Portedu-Champ, qui débouchait, au bas de la rue actuelle du Grand-Cerf, dans la direction du Champ-à-Seille.

La première des deux fouilles, dont nous voulons parler ici, a été ouverte vers la fin du mois de septembre 1875 dans la ruelle qui, au bout de la rue des Trinitaires, conduit à l'ancien hôtel de la famille messine des Chaverson, appartenant aujourd'hui à M. Vautrain. Cette ruelle longe la maison des Carmélites, dans laquelle se trouvent des restes importants de constructions antiques, reconnus à diverses époques et auxquels appartient notamment une muraille décorée de niches et de pilastres, dont l'élévation a été dessinée et publiée dans les Mémoires de l'Académie, année 1842-1843, par M. Victor Simon.

La fouille était ouverte le long des murs extérieurs de la maison des Carmélites, à une distance d'environ 50 centimètres de ceux-ci, sur une largeur d'un peu plus d'un mètre, pour la construction d'une branche d'égout qui devait avoir 60 centimètres d'ouverture intérieure. On était descendu à une profondeur de 2m,50 au-dessous du niveau du pavé actuel.

Vers l'entrée de la ruelle, on avait mis à découvert quelques massifs de maçonnerie et coupé un mur de 80 centimètres d'épaisseur sans caractère particulier. Un peu plus loin, à 6m,80 de l'angle formé par la maison des Carmélites sur la rue des Trinitaires, on rencontrait un gros mur de 1m,20 d'épaisseur à sa partie supérieure, et de 1m,40 au fond de la fouille (fig. I et II, A), au-dessous de laquelle il paraissait descendre encore; on n'a fait aucune recherche pour reconnaître à quelle profondeur. Cette différence d'épaisseur de la muraille, entre sa partie inférieure et sa partie supérieure, était due surtout à l'inclinaison de celle de ses faces qui regardait

l'ouverture de la ruelle; la face qui regardait le fond de la ruelle était parfaitement verticale. Outre cette inclinaison, la face qui en était affectée éprouvait, dans sa partie supérieure, à 75 centimètres audessous du niveau du pavé, un ressaut qui faisait passer tout d'un coup son épaisseur de 1m,20 à 1m,30 (fig. I, A).

Cette muraille n'avait de revêtement régulier sur aucune de ses deux faces; elle était composée de matériaux divers, pierres blanches et pierres jaunes, quelques-unes d'assez grandes dimensions, faisant souvent parement; le tout noyé dans un mortier très-blanc dont la dureté était égale à celle de la pierre elle-même. A 1m,30 au-dessous du niveau du pavé, la muraille était traversée dans toute son épaisseur par un cordon de briques de 15 centimètres de hauteur, formé par la superposition de deux lits de grands carreaux de terre cuite, séparés par une couche de mortier de même nature que celui de la muraille. Toute cette construction était d'une dureté telle, qu'il en a coûté vingt journées de maçons pour pratiquer une brèche réduite à la mesure strictement nécessaire pour le passage de l'égout moderne: 60 centimètres de large sur un peu moins de 2m,50 de haut, et une moyenne entre 1m,20 et 1m,40 pour la troisième dimension.

Après la grosse muraille, la fouille a traversé un petit caveau comblé, de 2m,80 sur 1,60, voûté en berceau, l'axe de celui-ci étant dans la direction de la ruelle (fig. II, B). A la partie supérieure de ce caveau aboutissait un glissoire venant du fond de la ruelle et formé par une suite d'augets en pierre de taille assez mal ajustés, à peu de profondeur audessous du pavé. Disons de suite que cette dernière

construction, d'aspect peu ancien, ne présente aucun intérêt et que le petit caveau était vraisemblablement destiné à fournir tout simplement un déversoir à fond perdu aux eaux amenées des maisons voisines, par le glissoire en pierres de taille.

La démolition du petit caveau ayant amené l'éboulement des terres réservées du côté de la maison des Carmélites, la fondation du mur de cette maison se trouva mise à découvert, et l'on put reconnaitre que cette fondation ne descendait qu'à environ 60 centimètres au-dessous du niveau du pavé, sur une longueur de 4,60 jusqu'à un point (fig. I et II, c) où elle était remplacée par une muraille d'une structure toute différente, laquelle descendait presque jusqu'au fond de la fouille.

Cette dernière muraille servant de fondation, comme il vient d'être dit, à une partie du mur de la maison des Carmélites, a pu être reconnue sur une longueur de 4 à 5 mètres, sans qu'on en ait vu la fin (fig. I et II, c―E). Elle comprenait un pilastre ou contre-fort de 85 centimètres de large sur 60 centimètres de saillie ', situé à 1m,63 du point initial de la construction (fig. I et II, D).

La muraille et le pilastre, ne faisant qu'un, étaient construits de même, en moellons à peu près uniformes, lesquels n'étaient cependant pas taillés de manière à former un parement appareillé. Ils étaient revêtus d'un enduit de mortier fin de 3 à 4 centimètres d'épaisseur, dont il restait en place quelques portions recouvertes d'une couche de stuc orné de peintures. La plupart de celles-ci étaient, pour le

'La face antérieure du pilastre s'est trouvée à l'alignement d'une des parois intérieures de l'aqueduc moderne.

fond, d'un ton blanchâtre tirant sur le jaune, avec des filets décoratifs de couleur rouge; d'autres étaient d'un ton rouge avec des traits nuancés, lesquels suivaient des directions variées semblant indiquer des plis de draperie.

A ces détails on ne peut méconnaître le caractère antique de la construction. Elle reposait sur un massif de béton fort épais, rencontré sur une hauteur d'environ 50 centimètres au fond de la fouille (fig. I, F) et paraissant descendre plus bas encore; on n'en a pas reconnu l'épaisseur totale.

En arrière du pilastre on a découvert, dans la couche de béton, la partie supérieure d'un aqueduc voûté, de 60 centimètres de large (fig. I, G), en partie comblé et dont on n'a pas reconnu la hauteur, attendu qu'il se prolongeait plus bas que le fond de la fouille. Cet aqueduc paraissait avoir suivi la même direction que la muraille antique, comme s'il venait du fond de la ruelle jusqu'au point où, tournant à angle droit, il coupait la fouille (fig. I, G) pour se diriger du côté de la pente de la colline.

Sur le massif de béton on a trouvé, par places, un carrelage, en partie détruit, composé de grandes briques romaines d'environ 40 centimètres sur 30 et de 4 à 5 centimètres d'épaisseur. Ces briques n'étaient pas parfaitement planes, leur surface était parfois gauchie par la cuisson, leur épaisseur n'était pas uniforme, et leurs côtés n'étaient pas rectifiés comme ceux de matériaux destinés à former un carrelage régulier. Quelques-unes portaient des stries ondulées comme celles qu'on voit sur les briques romaines destinées à entrer dans l'intérieur d'une construction. Un certain nombre de ces briques ou carreaux étaient d'ailleurs intacts et ont été recueillis.

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