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et la colonne rostrale, monument élevé en mémoire de la bataille de Tchesma, émergeant du milieu des eaux. A gauche, les bâtiments en briques rouges de l'Amirauté, avec une cale de construction en bois et une multitude de bateaux à rames, se balançant entre le débarcadère principal de la grande digue et la cale.

La construction de la grotte a été commencée en 1755, par ordre de l'Impératrice Elisabeth Pétrovna. La bâtisse, ainsi que l'ornementation intérieure furent exécutées sous la surveillance de Rastrelli, par un Italien, le conseiller de cour Rossi; à cette époque, la mode existait à peu près dans toute l'Europe de décorer plusieurs chambres dans les palais ou dans des pavillons, de coquillages et de tuf. Le Palais de Tsarskoé avait une chambre de ce genre, mais on la supprima pour cause d'humidité, et tous les coquillages furent employés à décorer le nouveau pavillon que l'on transforma en «Grotte». On employa à la décoration de ce pavillon plus de 210 poudes de grosses coquilles et jusqu'à 17 poudes de petites. Le toit était en fer blanc, entouré d'une balustrade de pierre. Ce pavillon subsista en cet état jusqu'en 1770, époque à laquelle l'Impératrice Catherine fit enlever les coquillages et la balustrade, et changer l'intérieur, en y mettant des moulures à lignes droites. Sous le règne de l'Impératrice Catherine, la grotte fut affectée à la conservation d'objets d'art anciens. Dans la description de Tsarkoé, au XVIII siècle aussi bien que sur les gravures de l'époque, la grotte porte le nom de «<salle des antiques»; à la fin du règne de Catherine II, on conservait dans la grotte une quantité des statues, d'inscriptions et parmi les œuvres conteporaines on y conservait aussi la statue en pied de Voltaire par Houdon. Parmi tous les objets anciens réunis dans ce bâtiment, se trouvait naturellement des objets de moindre valeur. Catherine II donna l'ordre, durant l'été de 1792, à son secrétaire Khrapovitsky, de choisir parmi les bustes, ceux qui avaient plus de valeur, d'en faire faire des copies en bronze et de les placer

le long de la colonnade. A l'avènement de l'Empereur Paul, une partie des trésors de la grotte fut transportée à Gatchina, et l'autre à St. Pétersbourg. La statue de Voltaire a longtemps passé pour perdue et ne fut retrouvée, que sous le règne d'Alexandre II, dans les caves du Palais de la Tauride à Pétersbourg; elle fut temporairement transportée à Tsarskoé Sélo, mais, plus tard, elle fut renvoyée à St. Pétersbourg.

L'Impératrice Catherine aimait beaucoup la vue qu'on avait de la grotte sur le lac, et il lui arrivait souvent pendant les journées chaudes de l'été de s'y retirer pour s'occuper des affaires de l'Etat, ou de littérature. Ces jours-là, à un signal donné, vers 10 heures, on appelait toute la jeunesse pour le déjeuner, que l'on prenait en commun; il se composait de thé, de café, ou de chocolat. Parfois, la musique se faisait entendre à cette occasion. Quand les soirées étaient chaudes, l'Impératrice soupait dans la grotte et écoutait la musique militaire, qui jouait sur l'île du milieu du lac.

Le côté extérieur de la grotte a varié assez considérablement et diffère de ce que l'on voit sur les gravures. L'ornementation du toit a été modifiée, les balustres ont été enlevés, ainsi que les statues qui l'ornaient. Des deux côtés de la porte, qui donne sur le lac, on a placé deux statues de bronze «le gaulois mourant» et «<le gladiateur»>. Sous le règne de l'Empereur Alexandre II, l'on construisit un embarcadère devant la grotte.

L'intérieur de la grotte consiste en une vaste salle séparée en trois parties par deux cintres. Dans celle du milieu, se trouve une statue colossale de l'Impératrice Catherine II, représentée sous les traits de Minerve; elle est due au ciseau de Rachette en 1789, et a été coulée par Vassili Mojalov à l'académie des Beaux Arts. Le long des murs se retrouvent encore quelques statues et quelques bustes de marbre qui ne présentent pas une valeur artistique particulière.

Une jolie grille à jour ferme les portes et les fenêtres de la grotte; les murs sont recouverts de stuc, et peints en gris de deux tons. Le plancher est dallé de marbre. Malgré la simplicité de l'ornementation, le bâtiment produit une impression favorable par ses proportions et la correction du dessin des moulures. Le dessin choisi par Catherine semble de meilleur goût, que les dorures surchargées et l'exagération de coquillages, qui plaisait tant à l'Impératrice Elisabeth Pétrovna.

Ces dernières années, le jour de l'Epiphanie, après la messe dite au grand palais, le service religieux et la cérémonie de la bénédiction des eaux, ont lieu à l'embarcadère, devant la grotte, en présence de Sa Majesté et de la Cour. A la fin de la messe, qui est dite au grand palais, le cortège de la Cour passe par les salons, rejoint le grand escalier, traverse le parc au milieu des troupes placées sur deux rangs, arrive jusqu'à la grotte, d'où elle rentre au palais au milieu de salves d'artillerie.

Autrefois, le Ier Août, la bénédiction des eaux avait lieu au même endroit, si la Cour se trouvait à ce moment à Tsarskoé.

Il y a toujours beaucoup de promeneurs à l'embarcadère du grand lac, le long de la grande digue; beaucoup de personnes attendent leur tour de faire une promenade dans une des embarcations multiples et de types différents qui sont mises à la disposition du public sans autre rétribution que le pourboire à donner aux matelots. Il est défendu de débarquer le long des iles et sur les bords du lac, ou à d'autres embarcadères, que l'embarcadère principal, où l'on prend les bateaux.

Un peu plus loin que la grotte, plus près du grand palais, se trouvait, aux environs de 1752, un hangar de bois, où étaient remisés les bateaux, dont se servait l'Impératrice pour ses promenades sur l'eau. Un corps de matelots habitait dans cette localité. On y voyait également une volière

de bois, pleine de volatiles, dont on gardait une partie dans la basse cour, située à l'étang inférieur. Mais, sous le règne de l'Impératrice Elisabeth Pétrovna, le hangar des bateaux et la volière furent transportés de l'autre côté du lac derrière la digue. En 1773, l'Impératrice Catherine donna l'ordre de détruire les remises de bois et d'en construire une de pierre pour les bateaux. On ajouta une grande salle à l'étage supérieur, et des deux côtés, on bâtit deux ailes pour les volières, après avoir détruit la basse-cour, établie sur les bords de l'étang inférieur. Les constructions furent exécutées d'après le projet de l'architecte Vassili Neïolov, qui avait été envoyé, en 1770, avec son fils, en Angleterre pour se perfectionner et pour étudier les aspects et les constructions tant anciennes, que nouvelles. Les Neïolov revinrent un an après, apportant une quantité de gravures et de dessins, dont une partie décore les murs de la salle du premier étage de l'Amirauté de Tsarskoé. Le résultat de leur voyage fut l'apparition à Tsarskoé de constructions d'un type inconnu jusqu'à ce jour, celui du gothique anglais. Il faut attribuer à ce genre, la façade de la cuisine de l'Ermitage, l'Arsenal, le pont rouge du canal des cygnes et l'Amirauté. Le bâtiment, où sont remisés les bateaux, l'habitation des matelots et la volière sont désignés sous le seul nom d'Amirauté, et il paraît que ces constructions furent élevées en souvenir de la réunion de la Tauride à l'Empire.

Entre la construction principale et les ailes, on creusa deux petits bassins pour les oiseaux et, dans l'une des ailes, existe encore un bassin pour les cygnes et les canards, ce qui leur permet d'y passer l'hiver.

La salle, qui se trouve au-dessus du hangar des bateaux a été décorée en 1774, dans le goût hollandais, de plaques de faïence émaillées, dans lesquelles sont encastrées 166 gravures anglaises coloriées. Près des fenêtres, sont pendues huit vues de Tsarskoé, peintes à l'aquarelle par le peintre Zakharov. Les planchers sont carrelés en rouge.

Dans cette salle, se trouve un immense globe, dont l'Académie des sciences fit don en 1901, et sur lequel le gentilhomme de la chambre Bergholz, qui l'avait vu le 6 Septembre 1721 à Pétersbourg, donne dans son journal de nombreux détails.

«Après le dîner, quelques-uns d'entre nous,» écrit-il, «avons été visiter un très-grand globe, qui se trouvait à Schleswig, et qui fut transporté ici avec l'assentiment de l'évêque administrateur. On le transporta par eau jusqu'à Réval, et de Réval à Pétersbourg par terre, sur une machine, faite exprès pour cela, et que tiraient des ouvriers. On dit que, non seulement il fallut nettoyer les routes, mais encore abattre des forêts pour laisser passer cette immense machine; on assure, que le globe a été quatre ans en voyage, et que bien des personnes périrent dans ce transport. Il est placé sur une pelouse en face du palais de Son Altesse Royale. On construisit une baraque en bois pour le conserver, en attendant que l'on acheva une grande construction, destinée au musée d'histoire naturelle et à conserver d'autres curiosités, et où le globe sera également placé. La garde en est confiée à un tailleur, originaire de Saxe, mais qui a longtemps vécu à Schleswig, et qui l'a apporté ici. Placé là temporairement, il n'est pas aussi bien installé qu'il l'était à Schleswig, où il était entouré de galeries, figurant l'horizon. C'est là qu'on le garde en attendant son installation définitive. L'extérieur de ce globe n'est nullement détérioré; il est composé de papier collé sur cuivre, très-bien dessiné à la plume et colorié. Une porte s'ouvre à l'intérieur; elle porte les armes des Holstein et, au centre, se trouve une table, entourée de bancs, sur lesquels nous nous assîmes au nombre de dix. Sous la table, se trouve un mécanisme, que le tailleur assis avec nous mit en mouvement; aussitôt le firmament, sur lequel sont représentés en cuivre dans leur dimension relative toutes les étoiles, aussi bien que le globe extérieur, se mirent lentement à tourner au-dessus de nos têtes, autour de son axe en cuivre poli, traversant

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