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possible. Mais, comme tous les privilégiés qui protestent énergiquement dès qu'on agite la question de les déposséder légalement, ils cherchent à mettre exclusivement en lumière les avantages qu'une faible portion du public peut avoir au maintien d'un état de choses dont ils sont seuls à bénéficier, et ils établissent volontiers une confusion entre leurs intérêts particuliers ou, pour mieux dire, une somme de petits intérêts privés et le véritable intérêt général, c'est-à-dire celui du plus grand nombre.

Le rôle de l'Administration n'est point de renoncer à faire usage de ses droits certains et incontestés, en présence de la résistance que lui opposent les maîtres de bateaux-lavoirs menacés dans leurs privilèges; il n'est pas non plus de réclamer Fapplication stricte et immédiate des moyens légaux qu'elle possède pour arriver à la suppression sans délai des établissements flottants dont il s'agit. Entre ces deux termes extrêmes, il y a une juste mesure commandée par les traditions de modération et de fermeté dont une bonne administration ne saurait se départir. C'est précisément celle qui consiste à réaliser la suppression graduelle des bateaux-lavoirs, en atténuant le plus possible les inconvénients que cette opération, trop brusquement faite pourrait avoir de désagréable et de fâcheux, tant pour les propriétaires que pour la clientèle ordinaire de ces bateaux. C'est à cette solution que tendent d'ailleurs les propositions formulées par notre prédécesseur.

6' Mesures proposées. M. Z... considère comme inacceptable par les intéressés la combinaison financière imaginée par M. l'Ingénieur P... pour arriver en vingt-deux ans à la suppression complète des vingt-deux bateaux-lavoirs existants.

Dans le système proposé et qui consiste dans la constitution préalable en une Société des vingt-deux bateaux-lavoirs, chaque propriétaire ferait apport à cette Société de son établissement, dont la valeur serait estimée en tenant compte de sa déclaration et des recettes nettes pendant la période des cinq années précédentes, et il recevrait, en représentation de cet apport, des actions libérées de la Société. Il conserverait d'ailleurs la gestion et l'exploitation de son établissement pour son compte comme locataire de la Société, en vertu d'un bail d'une durée maximum de vingtdeux ans, résiliable de plein droit et sans indemnité le jour où l'Administration viendrait à supprimer ce lavoir. Les loyers seraient proportionnels à l'apport de chacun et formeraient l'annuité nécessaire pour couvrir l'amortissement en vingt-deux ans et l'intérêt à 5 0/0 du capital social constitué par l'ensemble des évaluations des apports. Chaque année, un bateau-lavoir désigné par un arrêté préfectoral disparaîtrait; mais le locataire gérant de ce bateau resterait propriétaire des actions qui lui auraient été attribuées en représentation de la valeur de son établissement et qui

lui seraient remboursées par le jeu de l'amortissement. Il rentrerait donc finalement en possession de tout son capital, à l'expiration de la durée de la Société et sans avoir cessé de toucher l'intérêt des actions non remboursées.

M. Z... estime qu'une telle combinaison est défectueuse, parce qu'elle aurait pour effet de rembourser les propriétaires de bateaux-lavoirs avec des capitaux qui, en réalité, seraient fournis par ces derniers eux-mêmes, sans que l'Administration ait déboursé un centime ou fourni la moindre subvention ni directement, ni par une remise des impositions et des droits de stationnement faite aux propriétaires de bateaux-lavoirs, remise dont le montant pourrait servir à former le capital nécessaire.

Le raisonnement de M. Z... serait d'une exactitude rigoureuse si les maitres de bateaux-lavoirs se trouvaient vis-à-vis de l'État dans la même situation que des propriétaires d'immeubles dont celui-ci voudrait se rendre acquéreur, soit par la voie amiable, soit par la voie de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Mais il y a une différence capitale entre la jouissance d'un privilège avantageux que l'Administration, dans la rigueur du droit, est maitresse d'abolir le jour où elle le juge convenable, et la possession d'un immeuble réel envisagé dans le sens précis que le Code civil attache à ce mot.

Dans l'espèce, l'État ne se trouve pas en présence d'une véritable propriété environnée des garanties sérieuses et indiscutables contenues dans les lois françaises. Il n'a pas à traiter d'égal à égal avec les détenteurs légaux d'une chose auxquels il désirerait se substituer moyennant une compensation pécuniaire à débattre, soit à l'amiable, soit par la voie contentieuse. Il est maitre de la situation d'une manière absolue et, s'il juge à propos de ne pas user de son droit strict, il ne peut accepter d'autre terrain de discussion que celui d'un débat purement gracieux, il ne doit pas étendre ses concessions tout amiables au delà des limites équitables que ne saurait franchir une Administration sincèrement animec du désir de concilier tous les intérêts en présence, mais justement soucieuse de ne pas être taxée de partialité ou de faiblesse.

A ce sujet, il n'est pas sans intérêt d'examiner la situation respective des bateaux-lavoirs et celle des lavoirs sur terre. Les premiers font aux seconds une concurrence d'autant plus avantageuse qu'ils sont établis et fonctionnent dans des conditions plus économiques que ces derniers. En effet les bateaux-lavoirs ont gratuitement l'eau courante et ils ne paient pas pour le droit de stationnement plus d'un franc par mètre superficiel, c'est-à-dire un prix excessivement minime.

Dans ces conditions, que ferait l'Administration si les propriétaires de lavoirs sur terre venaient lui dire : « Nos concurrents, les

propriétaires de bateaux-lavoirs, sont absolument favorisés et jouissent d'un privilège qui nous écrase. L'équité veut que les mêmes charges pésent sur eux que sur nous. En conséquence, vous devez augmenter leurs impositions dans une proportion suffisante pour rétablir l'équilibre entre les deux catégories d'établis sements de ce genre. » A une réclamation ainsi formulée, l'Administration ne pourrait évidemment que répondre en invoquant le caractère essentiellement précaire des bateaux-lavoirs, qu'elle est maitresse de faire disparaître d'un jour à l'autre, tandis que les lavoirs sur terre constituent pour leurs détenteurs de véritables propriétés et des établissements durables auxquels il est juste d'imposer des charges plus élevées qu'aux premiers.

Comme conséquence logique de ce raisonnement, et dans l'ordre d'idées qui vient d'être développé, on peut dire que pour arriver à obtenir dans un temps relativement court la disparition des bateaux-lavoirs, la combinaison proposée par M. l'Ingénieur P... présente de nombreux avantages et pour l'État et pour les intéressés. Elle est, du reste, susceptible d'être amendée dans un sens favorable aux maitres de bateaux-lavoirs, si le principe en était définitivement adopté. Ainsi, par exemple, pour diminuer l'aléa et faire connaitre d'avance à chacun des intéressés la durée de son établissement et, partant, pour lui permettre de juger en parfaite connaissance de cause des meilleures dispositions à prendre pour l'entretien de son bateau et l'utilisation de son capital remboursé, l'Etat pourrait indiquer dans quel ordre il compte supprimer les 22 bateaux-lavoirs existants. Il conviendrait en outre d'examiner s'il n'y a pas lieu d'accueillir dans une certaine mesure la demande formulée par M. Z..., en faisant aux propriétaires de bateaux-lavoirs une remise partielle, sinon complète, de leurs impositions et des droits de stationnement afférents à leurs établissements respectifs. Ce serait là un terrain de transaction acceptable entre l'État et les maîtres de bateaux-lavoirs.

Conclusions. En résumé, il serait avantageux, dans l'intérêt général de la navigation, que l'Administration se décidat à faire usage du droit de suppression des bateaux-lavoirs dont elle est armée, mais en atténuant dans une large mesure les conséquences qu'entraînerait l'exercice de ce droit pour les propriétaires et la clientèle habituelle de ces établissements, c'est-à-dire en ne brusquant pas les choses, en échelonnant la disparition graduelle des vingt-deux bateaux-lavoirs et en adoptant une combinaison financière telle que celle de M l'Ingénieur P..., par exemple, amendée dans le sens ci-dessus indiqué, de façon à permettre aux maîtres de bateaux-lavoirs d'avoir reconstitué le capital représenté par leurs établissements respectifs, le jour où ils cesseraient de pouvoi les exploiter.

INSTALLATION

D'UNE FILE DE PIEUX EN RIVIÈRE, DE DEUX ESCALIERS, D'UN PONT ROULANT ET D'UNE CLOTURE

Par une pétition en date du... adressée au préfet de..., le président du Conseil d'administration de la Société... demande l'autorisation :

1° D'établir en rivière, au droit du terrain de la Société précitée, une file de pieux de 100 mètres de longueur devant servir à l'amarrage des bateaux de charbon;

2. D'appliquer deux escaliers sur la berge pour accéder aux bateoux en stationnement;

3 D'installer sur le terrain de la Société, à 8 mètres en arrière de la berge, une voie ferrée devant servir au roulement d'un pont dont le tablier, faisant une saillie en rivière de 14 mètres en avant de la crète de la berge, porterait les appareils destinés à prendre le charbon dans les bateaux amarrés le long de la file de pieux; 4 De clore le terrain de la Société par une palissade établie en bordure du chemin de contre-halage, à 3,25 en arrière de la crête de la berge.

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Établissement d'une file de pieux en rivière et de deux escaliers sur berge. La Société a été autorisée, par un arrêté préfectoral en date du 26 octobre 1899, à établir en rivière une estacade en charpente de 30 mètres de longueur, au droit de sa propriété riveraine de la Seine, pour servir au garage de bateaux à moteurs électriques.

Il s'agit aujourd'hui de prolonger en aval, sur 100 mètres de longueur, la file de pieux composant cette estacade, afin d'assurer l'amarrage des bateaux de charbon à destination de l'usine, et de poser sur la berge deux escaliers de 1,30 de largeur chacun, pour faciliter la communication de la rive aux bateaux amarrés.

Cette nouvelle installation, pas plus que celle autorisée par l'arrêté préfectoral du 26 octobre 1899, ne gênera la navigation, le chenal navigable se trouvant sur la rive opposée.

La file de pieux serait formée de 18 pieux battus, vers l'aval, à la suite de l'estacade déjà établie, espaces entre eux de 5,55 d'axe en axe, et battus à 4 mètres de fiche suivant une ligne parallèle à la crête de la berge, à une distance moyenne de 9,50 de cette crête.

Deux moises longitudinales placées : l'une à l'altitude (23,73),

l'autre au sommet des pieux à l'altitude (28 mètres), réuniraient tous les pieux en les contreventant.

Établissement d'une voie ferrée et d'un pont roulant. La voie ferrée, dont le rail du côté du fleuve serait placé à 8 mètres en arrière de la crête de la berge, se trouve en dehors de la zone de servitude de 3,25 à réserver pour le chemin de contre-halage; elle ne présente donc aucun inconvénient pour la navigation.

Quant au pont roulant circulant sur cette voie pour effectuer le déchargement des bateaux de charbon, son tablier horizontal, placé à la cote (45TM,00), soit à 15′′,00 au-dessus du niveau du terre-plein de rive, ne gênera en rien la circulation sur le chemin de contrehalage, et sa saillie en rivière ne dépassera pas les bateaux

amarrés.

Clôture en bordure du chemin de contre-halage. Le Président du Conseil d'administration de la Société..., se basant sur l'article 48 de la loi du 8 avril 1898 relative au régime des eaux, demande encore à établir une clôture en bordure du chemin de contrehalage. Il devra se conformer à l'article 46 de la loi précitée et placer sa clôture à 3",25 en arrière de la crète de la berge.

Occupation temporaire du domaine public fluvial. - L'installation en rivière de la file de pieux et l'établissement de deux escaliers sur la berge formeront emprise sur le domaine public fluvial et en modifieront l'assiette; ils doivent en conséquence être soumis, en vertu de l'arrêté ministériel du 3 août 1878 et des instructions ministérielles des 13 novembre 1889 et 27 juin 1896, à une redevance établie au profit de l'Etat et se décomposant comme suit :

1° Polygone enveloppant formé par les pieux et les mioses,
sur 100 mètres de longueur et 0,50 de largeur
à 0,50 le mètre....

2o Deux escaliers de 1,50

=

à 2 francs le mètre courant..

3 mètres courants de berge,

TOTAL.

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50.00

25 fr.

6

31 fr.

Prescriptions diverses.

La file de pieux placée en rivière sera soumise aux prescriptions de l'Ordonnance générale de police du 30 avril 1895 concernant l'éclairage des ouvrages provisoires formant obstacle en rivière.

Conclusions. Dans ces conditions, l'autorisation demandée peut être accordée aux conditions énoncées dans le projet d'arrêté ci-annexé, après avis du Préfet de police et du Directeur des contributions indirectes du département.

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