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prendrez, plus rien ajouter après l'évocation de ces si nobles. paroles.

« On a parlé hier, Messieurs, à la Chambre, et c'était un des plus éloquents de nos collègues, de ces œuvres postscolaires, de ces Universités populaires, de ces associations de tous les genres dans lesquelles non seulement l'enfant, mais l'adulte, mais le travailleur, peuvent aller puiser le supplément d'instruction et d'éducation dont ils n'ont eu que des bribes à l'école. Eh bien, mon cher Président, c'est là, sur ces champs de bataille, que vous pouvez utilement défendre votre idéal. C'est au milieu de ces populations ouvrières ou rurales, sur lesquelles vous avez tant d'action par les services rendus chaque jour, que vous pouvez exercer un apostolat profondément patriotique, et que, tout en faisant des routes, des canaux et des ponts, vous pouvez faire des hommes, vous pouvez faire des citoyens, mieux que cela! Vous pouvez faire des Français !

« Allez, mon cher Président, allez dire à ces hommes tout ce que vous venez de me dire ici! Allez leur parler du devoir, allez leur parler de la solidarité. Dites-leur qu'il y a des choses qui sont cent fois au-dessus de la fortune, cent fois au-dessus du succès, cent fois au-dessus du talent, au-dessus de la justice elle-même, il y a la solidarité humaine, il y a la DIVINE bonté! Quand vous leur aurez dit ces choses et que vous aurez fait des disciples, vous pourrez penser fièrement de vous-même que vous vous êtes avancé d'un pas vers ce but qui est l'idéal de tous les hommes qui aiment et qui pensent: la paix parmi les nations et la fraternité parmi les hommes ! >>

Messieurs, il semble que votre président ait voulu rendre plus amère encore à notre cher Ministre la déception de n'être pas ici, puisqu'il avait eu la délicate attention de remettre à la fois au Ministre et à l'artiste délicat une œuvre d'art charmante faite par un sculpteur du plus grand talent. Je lui dirai la pensée que vous avez eue; et vous savez avec quel infini plaisir il vous recevra, dès qu'il le pourra, avec la médaille que vous lui apporterez.

Messieurs, je bois à vous tous, je bois à vos familles, je bois à votre rôle social!

RAPPORTS DE SERVICE.

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EXAMEN DU MÉMOIRE

PRÉSENTÉ PAR LA CHAMBRE SYNDICALE
DES MAITRES DE BATEAUX-LAVOIRS

EN RÉPONSE AU RAPPORT PROPOSANT LA SUPPRESSION DE CES BATEAUX

RAPPORT

Ce rapport a pour objet l'examen des arguments que M. Z.... Président de la Chambre syndicale des maîtres de bateaux-lavoirs, a présentés, en réponse aux conclusions du rapport de notre prédécesseur tendant à la suppression de ces établissements, qui gènent le commerce, entravent la circulation et deviennent un danger sérieux en cas de débâcle.

Ces arguments forment une brochure dont l'auteur s'est attaché à suivre l'ordre adopté par l'Ingénieur du Service, ordre qui sera également observé ici.

1° Aspect et hygiène. C'est l'Administration qui a imposé le type des bateaux-lavoirs installés sur la Seine. En reprochant à ceux-ci leur aspect, notre prédécesseur n'a pas voulu en critiquer l'architecture, mais seulement attirer l'attention sur le mauvais état d'entretien de leur partie extérieure et de leurs abords, où l'on trouve des bateaux, des flotteurs, des barquettes, de, toutes formes et de toutes dimensions, dont la plupart ne servent pas à l'exploitation des lavoirs, en même temps qu'on voit sur la berge, des tourilles, des plats-bords, etc., qui donnent un aspect fàcheux à l'ensemble des bateaux-lavoirs et de leurs annexes.

Pour ce qui est de l'hygiène publique, la question, étudiée par des chimistes specialement délégués à cet effet, est encore controversée, et il convient d'attendre que des analyses microscopiques aient été faites sur des eaux d'essangeage ou de mouillage prises en Seine immédiatement à la sortie des bateaux-lavoirs et non, comme on l'a fait jusqu'ici sur des eaux puisées dans des baquets appartenant à des lavoirs sur terre et diluées elles-mêmes dans une petite quantité d'eau pure. Il y a donc, surtout en cas d'épidémie contagieuse, de graves inconvenients à autoriser le lavage direct en rivière, et à côté des établissements de bains. Ces incon

vénients disparaîtront, il est vrai, si, comme le propose la Chambre syndicale des maîtres de bateaux-lavoirs, l'opération de l'essangeage est supprimée et le linge mis sec directement dans les cuves

à lessive.

2. Encombrement des ports et berges. La suppression des bateaux-lavoirs amarrés actuellement le long des berges utilisables pour le commerce ferait gagner à l'Administration 400 mètres de longueur de port.

Depuis quelques années, l'Administration a réalisé, il est vrai, de grandes améliorations dans l'installation des ports parisiens; mais il est inexact de dire qu'elle les a agrandis d'une façon sensible. En raison de l'augmentation du tirant d'eau entre Rouen et l'amont de Paris, de l'accroissement du tonnage des transports par la voie fluviale et de la création de diverses sociétés de transports internationaux récemment autorisées, il y a lieu de craindre à bref délai un embarras réel pour assigner des places de port aux marchandises à embarquer ou à débarquer.

Le tonnage des marchandises débarquées ou embarquées sur les ports, qui était, en 1867, de 1.421.732 tonnes, s'est élevé, en 1885, à 2.560.448 tonnes.

Dans le même laps de temps, l'Etat a construit deux ports mesurant ensemble une longueur de 1.806 mètres. L'un est divisé en trois parties: les deux extrêmes, d'une longueur totale de 214,50, sont livrées au commerce général, tandis que la partie centrale, mesurant 118,50, est réservée au seul commerce des vins; de telle sorte qu'en dehors de ce dernier genre de commerce la batellerie a bénéficié seulement d'une longueur de 688",10. 11 n'y a pas à faire entrer en ligne de compte les nouveaux murs reconstruits, attendu que, tout en améliorant pour la batellerie la situation primitive, au point de vue de l'accostage et de la tenue des bateaux contre les murs, ces travaux n'ont pas fait augmenter la longueur utilisable pour le déchargement ou le chargement des marchandises, puisque leurs emplacements actuels ne différent pas sensiblement des anciens. D'un autre côté, l'établissement des nombreux pontons affectés au service des bateaux à voyageurs a eu pour effet de restreindre la longueur des ports affectés aux opé rations du commerce. En outre, l'exhaussement du plan d'eau a réduit de 8 mètres au moins, sur les ports de tirage, la largeur utilisable pour la manutention des marchandises. La longueur totale des ports de tirage dans la traversée de la Ville étant de 4.000 mètres, si l'on porte à 10 mètres la largeur moyenne de la zone retranchée, on trouve que la surface des ports de tirage a été diminuée de 40.000 mètres carrés.

On peut donc dire que, depuis 1867, les arrivages et les expéditions des marchandises par la voie fluviale ont sensiblement

doublé, tandis que les emplacements mis à la disposition du commerce ont été réduits d'au moins 20 000 mètres carrés.

Le perfectionnement réalisé dans les engins de chargement ou de déchargement, l'emploi des grues à vapeur substituées aux grues à bras, des brouettes et des crochets permet de débarquer ou d'embarquer aujourd'hui les marchandises bien plus rapidement qu'autrefois; mais il faut remarquer que si ces opérations sont ainsi devenues moins longues, le même bateau peut, dans le même laps de temps, effectuer un plus grand nombre de voyages; donc amener une plus grande quantité de marchandises et occasionner par cela même un encombrement des ports, puisque si les engins de déchargement sont plus perfectionnés et plus rapides, le mode d'enlèvement des marchandises déchargées n'a pas varié.

En résumé, ce n'est donc pas en vue d'une hypothèse future, mais bien en présence de besoins immédiats, sérieux et réels, qu'ii y a lieu de conclure à la suppression des bateaux-lavoirs en vue de l'augmentation des places de port à livrer au commerce.

3 Dangers en temps de crues et de glaces. En temps de crues et de glaces, il est toujours à craindre de voir des établissements flottants entraînés par le courant. Sans doute la coque des bateauxlavoirs est légère; les parties hautes à claire-voie le sont encore davantage et ne résisteraient pas longtemps à la pression et au choc des glaces. Mais c'est précisément après la rupture des amarres qu'il y aurait du danger et que l'amas de charpentes entraînées par le courant pourrait occasionner une embȧcle. Jusqu'à ce jour, pareil cas ne s'est point effectivement présenté; mais il n'en est pas moins à prévoir.

M. Z... conteste

4° Prétendue inutilité des bateaux-lavoirs. l'exactitude des chiffres fournis par notre service au sujet des lavoirs établis dans l'intérieur de Paris. Il dit que, d'après une liste dressée en 1885, le nombre des lavoirs publics sur terre est de 368 et non de 422, que la différence entre ces deux chiffres correspond à des buanderies non publiques; et que le nombre des places de ces 368 lavoirs est seulement de 29 440. On remarquera que la substitution des chiffres de 368 à celui de 422 et de 29.440 à celui de 33.760 qui en est la conséquence, n'affaiblit pas sensiblement l'argument tiré de ce chef par notre prédécesseur.

Il est bien évident, en effet, que les clients des bateaux-lavoirs sont en général des riverains du fleuve et que, si l'on supprime les bateaux-lavoirs, ils iront de préférence dans les lavoirs sur terre les plus rapprochés de leurs habitations. Si ces derniers ne suffisent point, il n'est pas douteux que l'industrie privée saura bien vite tirer parti de la situation et que de nouveaux lavoirs seront établis à bref délai. Il suffirait d'ailleurs, pour parer à cet incon

vénient éventuel, d'installer un ou plusieurs lavoirs municipaux comportant tous les perfectionnements indiqués par M..., architecte, dans son rapport spécial en date du...

M. Z... fait valoir une protestation, revêtue d'environ 14.000 signatures, contre la suppression des bateaux-lavoirs. On ne saurait contester les services que rendent les bateaux-lavoirs à ces 14.000 personnes et à leurs familles, représentant une excellente clientèle de blanchisseuses et de ménagères; mais cette clientèle pourra, le cas échéant, trouver les mêmes avantages, et même beaucoup de perfectionnements, dans les lavoirs sur terre déjà existants et surtout dans les lavoirs municipaux à créer.

En définitive, la question peut se résumer ainsi : Deux intérêts se trouvent en présence d'une part, celui de la marine fluviale; d'autre part, celui des lavandières, pour ne pas dire celui des propriétaires de bateaux-lavoirs. L'un et l'autre méritent, il est certain, d'être pris en considération, mais non d'une façon égale; car le premier représente le trafic de tout un fleuve, le second n'est qu'un intérêt fort limité et purement local. La différence entre les deux parait trop à l'avantage du premier pour que l'Administration puisse hésiter sur le parti à prendre, surtout si elle fait entrer en ligne de compte les lourds sacrifices que l'Etat s'est déjà imposés en vue de l'amélioration de la navigation fluviale, pour laquelle les bateaux-lavoirs constituent un des derniers obstacles qu'il est rationnel de supprimer.

3 Droits de l'Administration. Le Président du Syndicat des maîtres de bateaux-lavoirs ne conteste pas les droits de l'Administration; au contraire, il les reconnait pleinement; mais il ajoute que l'application stricte de ces droits causerait de si graves préjudices et soulèverait de telles réclamations que l'Ingénieur lui-même n'a pas osé demander la suppression immédiate des bateaux-lavoirs. « Cette hésitation devant l'opinion publique, dit M. Z..., ne prouve-t-elle pas que cette opinion est entièrement « pour nous»? Cette conclusion, quelque peu optimiste, est fort naturelle de la part d'une personne qui représente les intérêts des maitres de bateaux-lavoirs. Si l'Administration procédait, au sujet de la question du maintien ou de la suppression des bateauxlavoirs, à une enquête sérieuse auprès de tous les intéressés, c'est-àdire tant auprès des personnes qui peuvent fréquenter ces établissements qu'auprès de celles qui se servent du lit de la Seine pour le transport, soit des voyageurs, soit des marchandises, la balance ne pencherait probablement pas du côté de l'opinion émise par le président du Syndicat.

On peut préciser la situation en disant les maîtres de bateauxlavoirs jouissent, depuis de longues années, d'un véritable privilège dont ils savent tirer très intelligemment le meilleur parti

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