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plifications nous permettra, avec votre concours, une graduelle opération d'élagages utiles.

Vous savez, Messieurs, l'intensité de la nécessaire compression des cadres dans ces cinq dernières années; mais je dois rendre à mes prédécesseurs, aux ministres dont ils ont été les collaborateurs, cette justice que l'effort ne date pas de la signature des décrets et qu'il remonte plus haut.

Il est même très instructif de voir ce que l'Administration des travaux publics, si mal connue, je ne crains pas de le dire, a voulu et su faire dans cette voie des économies. Depuis 1890, il a été fait près de 1.500 suppressions d'emploi, j'en ai là le tableau; vous y figurez pour près de moitié; les ingénieurs des ponts et chaussées et des mines pour 118 unités; les agents temporaires pour près de 400; votre modeste Administration centrale pour plus de 45 unités, etc.

Nous attendons vainement qu'on nous montre un effort analogue ou un résultat comparable dans aucun des chapitres similaires des autres budgets. Il était bon que ces choses, déjà dites dans un autre banquet devant plusieurs membres du Parlement, fussent répétées aujourd'hui devant vos très nombreux amis, je pourrais presque dire nos très nombreux amis, de la Chambre et du Sénat.

Tout à l'heure, Messieurs, j'ai prononcé le grand mot de bonheur et reconnu, admis avec vous que la sécurité matérielle en était la base nécessaire. Voulez-vous me permettre de vous en indiquer un autre élément non moins important.

Le moyen est simple, c'est de chercher à créer le plus de bonheur possible autour de soi, tout d'abord dans sa famille, bien entendu, mais aussi dans sa vie publique et administrative, dans le contact journalier avec les collaborateurs et les subordonnés.

Se faire craindre a été longtemps considéré comme la ligne de conduite nécessaire; se faire estimer et se faire aimer me paraît aujourd'hui la formule d'avenir qui s'impose au chef de service, pour le bien de tous, y compris le sien propre. C'est avec cette conception que l'on peut créer du bonheur autour de soi, car c'est grâce à elle que l'on provoque la confiance, la collaboration affectueuse, fructueuse, et que, la journée faite, on se sépare satisfait les uns des

autres et qu'on remporte au foyer domestique un visage calme et souriant, n'ayant point ajouté les difficultés supprimables des personnes aux difficultés inévitables des choses.

Pensez-vous que la discipline en souffrira? Non; elle sera plus douce et plus humaine, et la sévérité s'exercera plus rarement, toujours précédée d'avertissements raisonnés et amicaux qui l'amèneront à l'état d'exception.

C'est là, Messieurs, la règle de conduite très simple que j'aime à donner aux ingénieurs, et j'ai vu, chez la plupart, la plus large compréhension; chez certains cependant un peu d'étonnement, mais aussi une sorte de joie de se sentir autorisés à dépouiller le masque de froideur un peu digne, de décision un peu hautaine que, dans les temps qui s'éloignent, on avait parfois considéré comme un uniforme nécessaire.

Messieurs, vous avez tous des collaborateurs et souvent des subordonnés; donnez à ces derniers l'impression très nette que vous êtes très justes, c'est-à-dire bienveillants et indulgents aux petites faiblesses, aux fautes légères. Montrez-vous heureux de provoquer leurs observations, leur esprit d'initiative, très désireux d'en tenir grand compte, très capables aussi de modifier, sans aucune fausse honte et avec beaucoup de bonne grâce, une opinion première si de nouveaux éléments d'appréciation vous sont apportés. Vous avez la responsabilité, donc l'autorité; mais attachez-vous, dans bien des cas, à persuader en même temps que vous ordonnez.

Vos rapports avec le public, les maires, les conseillers généraux, sont de tous les instants. Adoptez une règle de conduite analogue. Il faut que les personnes à qui vous devez refuser ce qu'elles sont venues vous demander, s'en aillent je dirais volontiers satisfaites. Est-ce chose très difficile? Non. Neuf fois sur dix, pour ne pas dire plus, il suffit que vous ayez pris la peine de faire toucher du doigt l'impossibilité ou technique ou administrative, et que vous ayez fait votre démonstration, non avec le ton d'autorité cassante d'un fonctionnaire exagérément fier de détenir une parcelle de la puissance publique, mais avec la fermeté

douce et persuasive d'un homme de bon sens parlant à un homme de bon sens et laissant entendre combien il serait heureux d'avoir moins raison. Il faut, par un phénomène de dédoublement plus facile à réaliser qu'on ne le croit d'ordinaire, vous mettre, si vous me permettez l'expression, dans la peau de celui qui vous parle, avec le sincère désir de faire moins amer le refus que vous impose votre devoir. Et ainsi vous renverrez vos interlocuteurs contents, surtout si vous avez pu trouver une petite compensation souvent possible, ou si vous avez su donner un bon conseil, indiquer une meilleure manière de s'y prendre, une autre personne à consulter, une autre filière à suivre, etc., et vous serez content vous-même, et après quelques années, quelques mois peut-être, de cette manière de comprendre votre rôle, vous vous sentirez, vous et les vôtres, dans une atmosphère d'estime et d'affection très douce à respirer et particulièrement favorable à la haute culture intellectuelle et morale que vous voulez, à bon droit, pour vous et autour de vous; et si ce n'est pas le bonheur, je vous assure, mes chers amis, que cela n'en est pas très loin.

Vous avez, mon cher Président, appelé toute notre attention sur un certain nombre de désidérata que nous examinerons, vous n'en doutez pas, en recherchant vos véritables intérêts, avec le ferme désir de les satisfaire.

Sans entrer dans les détails, je puis vous dire que nous espérons réussir à faire paraître les avancements à date fixe (1 juillet si possible), que nous ne tenons pas à laisser immuables les proportions d'avancement au choix et à l'ancienneté inscrites dans l'arrêté du 19 mars 1900, proportions adoptées - je puis le dire sans fausse honte sur ma proposition et qui furent peut-être bien un peu notre œuvre

commune.

Pour ce qui concerne la question de la péréquation des classes, il me suffira de dire que le nombre des avancements des fonctionnaires, dans chaque classe, ne dépend aujourd'hui en fait que des ressources budgétaires. L'Administration se conforme donc, en pratique, à la règle inscrite dans le décret du 1er avril 1904, relatif aux commis, et, le jour où la nécessité de modifier sur ce point le décret du 7 novembre

se fera sentir, vous pouvez être assurés qu'elle prendra d'elle-même l'initiative.

La transformation des notes signalétiques est une question délicate posée depuis longtemps, dont la Commission de simplification est déjà saisie. A ce point de vue encore, vous pouvez compter sur un examen particulièrement attentif.

Au sujet de la revision de la circulaire du 19 mars 1890 relative à l'attribution des postes, par les chefs de service, aux agents sous leurs ordres, je suis convaincu que l'application bienveillante des instructions du 20 avril 1903, dont tout le personnel a si bien apprécié l'esprit, sera suffisante pour donner satisfaction à votre légitime désir.

Enfin, nous considérons avec vous que la suppression des dispenses d'examen - déjà réalisée pour les commis- doit être étendue à tous les concours donnant accès aux carrières des travaux publics.

Je veux, Messieurs, terminer cette énumération par une très heureuse nouvelle.

M. Pierre Baudin vous avait annoncé, au lendemain des décrets du 7 novembre 1899, que la réalisation en serait assurée au 1er janvier 1906 et peut-être en 1905.

Je suis chargé par M. Maruéjouls de vous dire puisqu'il a la tristesse de ne pouvoir le faire lui-même et que nous avons, vous tous et moi, le chagrin de ne pouvoir l'entendre de sa bouche combien sa satisfaction a été profonde, combien sa joie a été intense, de pouvoir signer trois arrêtés intéressant les trois catégories de votre Association, et comportant la fixation des traitements aux taux des décrets de 1899, à partir du 1er septembre dernier pour l'ensemble des commis, conducteurs, contrôleurs, sous-ingénieurs des ponts et chaussées et des mines.

Messieurs, je suis touché, et M. le Ministre sera infiniment touché de vos unanimes applaudissements. C'est une récompense précieuse de nos efforts passés, un encouragement précieux pour nos efforts futurs.

Et puisque un sentiment de devoir et de haute équité m'a conduit à rapprocher les noms des deux Ministres dont les communs efforts ont permis de mener à bonne fin une œuvre difficile, dont la réalisation n'était pas sans soulever,

peut-être même parmi vous, quelque scepticisme, permettez-moi de vous rappeler en quels termes ces deux ministres, épris l'un et l'autre des hautes aspirations d'idéal que votre président signalait tout à l'heure, vous montraient la voie ou plutôt l'une des voies qu'ils jugeaient dignes au suprême degré de solliciter vos plus ardents efforts.

A votre banquet amical de 1899, au lendemain de la signature des décrets qui garderont son nom, M. Pierre Baudin vous disait, et la première phrase visait précisément l'exécution de vos décrets:

Messieurs, nous réussirons avec vous, je l'affirme. Et confiants maintenant, comme toujours du reste, car vous n'êtes pas de ceux qui ont refusé leur confiance au gouvernement de la République, confiants dans vos chefs, confiants en vous-mêmes, sùrs d'aller droit votre chemin, braves gens que vous êtes, ayant avec vous les populations qui vous connaissent, auxquelles vous rendez des services sans compter, tous les jours, vous serez ce que vous devez être : des collaborateurs assidus et ponctuels du gouvernement de la République, dans sa grande tâche d'éducation populaire.

«Il faut que tous les fonctionnaires de l'État se résolvent à être des missionnaires de l'idée de justice et de vérité, de l'idée républicaine; il faut qu'ils s'incorporent, en quelque sorte, aux petites collectivités dans lesquelles ils vivent, qui leur ont fait accueil et qui les réchauffent de leur estime et souvent de leur affection; il faut qu'elles-mêmes trouvent en vous des collaborateurs précieux pour leur tâche difficile, ardue, ingrate; il faut que, lorsque l'occasion s'en présentera, vous aidiez l'instituteur dans ce devoir d'éducation post-scolaire dont la République a fait son programme nou

veau. >>>

Et trois années plus tard, à la réunion familiale de 1902, dans cette même enceinte, le Ministre que vous respectez et chérissez, que nous chérissons tous, vous faisait, en termes non moins pressants, le plus éloquent appel.

Je dois vous rappeler ces deux phrases admirables de M. Pierre Baudin) que vous devriez apprendre à vos enfants, que je voudrais voir gravées au fond de leur cœur et du vôtre. Je ne saurais d'ailleurs, Messieurs, et vous le com

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