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"vain orgueil m'a fait désirer que votre

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père me regrettât: j'ai voulu être ai"mée de vous; et c'est moi qui aime!

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moi, qui serai malheureuse.' Avec quelle tendresse je la rassurai sur mes sentiments, mais en lui avouant que j'accompagnerois mon père !" Cédez.

au désir de madame d'Estouteville; "faites annuler votre mariage: alors j'aurai le droit de demander à mon "père de vous recevoir comme sa fille, 66 comme ma femme; enfin, de mettre 66 au bonheurde vivre avec vous la con"dition de le suivre dans ses terres." Elle s'y refusoit encore; mais ce n'étoit plus cette ferme résolution de la veille: la certitude d'être six mois séparés la laissoit sans force pour refuser le seul moyen de nous voir. Aussi, après avoir hésité quelques instants, elle me permit

d'engager la maréchale à commencer les démarches nécessaires pour lui rendre sa liberté. Cet aveu dissipa toutes mes craintes; et, forcés de prévoir quelques peines, au moins nous ne craignions plus de malheurs.

Madame d'Estouteville vint nous rejoindre. Elle me gronda d'avoir suivi sa petite-fille; elle la réprimanda de n'avoir pas été plus maîtresse d'ellemême. Je lui demandai d'approuver notre union: elle nous écoutoit comme des enfants qui se bercent d'espérances trompeuses.

Alors, à genoux aux pieds d'Athénaïs, et, avec la gravité, la solennité que j'aurois mise devant les autels, je lui dis:-"Il m'est impossible de dé"terminer l'instant où mon père con"sentira à notre mariage; mais j'ai

"le droit de vous jurer que jamais "ni mon cœur, ni ma main, ni mon nom n'appartiendront à une autre femme, et que je suis à vous pour

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toujours, Sachez, dis-je à madame "d'Estouteville, que lorsque j'appren"drai à mon père qu'Athénaïs a reçu

ma promesse, mon serment, peut"être en sera-t-il affligé jusqu'à ce· "qu'il la connoisse davantage; mais "lui-même ne supporteroit pas l'idée "d'un fils parjure; il préfère mon honneur à ma vie."" Ce n'est pas as

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sez, répondit madame d'Estouteville; "les rapports de naissance, les avan

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tages de fortune ne suffisent pas. Il "faut que ma petite-fille soit reçue de "votre père, comme pouvant contri"buer à la gloire et au bonheur de sa

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maison."-Je me relevaj sans lui ré

pondre, pris Athénaïs dans mes bras, et devant sa mère je lui répétois encore à vous pour toujours.-Elle me demanda si je la verrois le lendemain. Dans cet instant où il étoit question de toute la durée de la vie, combien mon cœur lui sut gré d'attacher la même importance au plaisir de nous voir un moment! Je ne pouvois me séparer d'Athénaïs ; elle étoit devenue la compagne de toutes mes heures, celle dont l'image se mêloit à toutes mes idées d'avenir, à; toutes mes espérances de bonheur; et seul, en la quittant, je renouvelois le serment d'amour pour la vie.

CHAPITRE VII.

EN revenant chez mon père j'éprouvois une tranquillité, une force d'ame qui m'étoit inconnue. Sûr de mon respect pour lui, de mon affection pour elle, je me croyois à l'abri de tout reproche, supérieur à toutes les injustices. Ils pouvoient m'affliger sans que je leur donnasse le droit de se plaindre. Décidé à me sacrifier à leur bonheur, je n'aurois pas permis à madame de Rieux de me demander un seul des instants que je devois consacrer à mon père ; et assurément je ne lui sacrifierois pas non plus mes sentiments pour elle.

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