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A peine le menuet fut-il fini qu'elle alla reprendre sa place. Je m'approchai; une sorte d'enchantement m'arrêtoit près d'elle. Je ne pouvois détacher mes regards de cette physionomie vive, piquante qui a conservé l'air de joie, d'ingénuité de l'enfance; de ces grands yeux noirs si parfaitement doux, qui semblent encore ignorer la peine et ne laisser prévoir aucun chagrin. Sa taille souple, légère, élégante; ses beaux cheveux noirs attachés avec des roses; sa robe garnie de roses, tout en elle étoit si frais, si jeune et si agréable, qu'on auroit craint d'y trouver le moindre changement.

Les hommes les plus à la mode s'empressoient de l'environner. Je regrettois de la voir sourire à leurs plaisanteries; mais ce sourire étoit si gracieux qu'il paroissoient de l'obligeance. Plusieurs fois elle porta ses yeux sur moi; je ne

voyois plus qu'elle, ne m'occupois que d'elle: il me suffisoit ds la regarder pour être content.

Quelque insensée que soit cette idée, je ne pus m'empêcher de croire qu'elle me regardoit avec une impression triste. Il me parut même qu'elle détourna la tête, et qu'il lui échappa un soupir. Aussitôt, demandant son nom, j'appris avec transport que cette charmante personne étoit la jeune marquise de Rieux, petite-fille de la maréchale d'Estouteville. A peine fus-je le maître de ne pas m'écrier, je la verrai! Mais je me le disois tout bas, et j'étois ravi.

Il me fut facile de lui être présenté; elle me dit quelques mots obligeants sur mon père. Mon attachement pour lui étoit si connu, que je ne me rappelle personne qui ne m'ait d'abord parlé de lui. Il me parut donc simple qu'elle

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s'en occupât; mais près d'elle, toutes les phrases insignifiantes de la société m'ins→ piroient un intérêt nouveau. Elle me demanda si je dansois; au lieu de lui répondre, je m'informai si elle étoit engagée. "Oui". "Ah! repris-je in"volontairement, la danse n'est plus "qu'une fatigue."-" Je suis priée pour "la première walse," reprit-elle avec son regard séduisant. Et moi qui venois de déclarer presqu'une aversion pour la danse, je la priai de s'engager avec moi pour la seconde. Elle sourit. coquetterie encore naïve ne chercha point à me dissimuler qu'elle apercevoit bien que le seul plaisir de danser avec elle m'entraînoit. Quelle danse que cette walse! Jamais celle que j'aimerai ne walsera avec un autre que moi, et jamais celle qui m'aimera ne walsera, même avec moi, devant personne.

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Toutes les fois que madame de Rieux passoit devant moi, nos yeux se rencontroient; mais, excepté ce regard, elle ne s'occupa que de celui qui dansoit avec elle. La walse finie, elle vint se remettre à la place que je lui avois gardée. Pendant qu'elle se reposoit, elle me demanda si mon père étoit à Paris?—“ Il n'y "arrive que dans quinze jours."-"Com❝ment a-t-il pu rester éloigné de vous. "si long-temps, me dit-elle avec une "sorte d'emphase!" Je ne lui répondis pas; car le si long-temps me paroissoit un persiflage lorsqu'il s'agissoit d'aussi, peu de jours. "Vous croyez que je "plaisante, me dit-elle, et vous avez tort; en quinze jours on peut oublier.,..."— Presque tout, repris-je, en cherchant à. ❝ ôter à ma voix ce qu'il y avoit de trop ❝ sévère dans mes paroles; presque tout "hors un père..........! Vous êtes grave,

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répliqua-t-elle assez surprise; mais je "ne m'amuserai pas à défendre ceux que "vous paroissez si disposé à oublier." Apercevant aussitôt tout le ridicule de mon humeur, je voulus réparer ce tort : elle ne parut ni se le rappeler, ni aper- cevoir mon retour. Dédaignant également l'un et l'autre, parfaitement à son aise, me voyant toujours à ses côtés, elle continua de causer avec moi. Elle me parla de mes voyages, me demanda si je m'étois amusé, si aucun pays ne m'avoit assez intéressé pour m'inspirer le désir d'y retourner. Enfin, elle ne me parla que de moi, et je ne m'occupai que d'elle.

Pendant que nous causions, je remarquai que le comte de Tavanne, avec qui elle avoit walsé, passa devant nous, lui fit la révérence la plus profonde, mais en riant: elle lui rendit son

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