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"même. Je prends des chevaux et.cours "m'ensevelir à la Trappe. Je restai six "mois; c'est là que je fis un bel exercice "de patience! j'ai manqué y devenir "fou. Mes parents me tirèrent de ma "retraite, on me maria; j'ai fait bien "des sottises depuis, mais jamais d'irré"parables. Trente ans après celle dont "je viens de vous parler, le hasard me "fit retourner à Nancy. Je pensai à "cette dame, et j'eus l'idée d'aller lui "faire mes excuses sur la manière dont

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je l'avois quittée.... J'arrive chez elle; on y donnoit un bal, c'étoit le ma

riage de sa petite fille: je demande "ma dame, et j'aperçois un petit pa"quet tout gris, tout difforme; c'étoit "ma dame, plus infirme que son

âge, peut-être par le chagrin que je "lui avois causé; enfin, c'étoit elle..... "Cette chambre étoit la même, cette

"fenêtre étoit la même, il n'y avoit que "la dame de changée. Plus je la regar

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dois, plus elle devenoit affreuse, hi"dense. Est-il possible, me disois-je,

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que ce soit pour cette figure-là que 'j'aie proposé à un honnête homme "de passer par cette fenêtre? Je regar"dois cette femme, je regardois la fe"nêtre, je sentois la fureur me gagner, "et je m'en allai sans lui parler. Oui, "monsieur, et je fis bien, car je l'y au"rois fait passer, en expiation à ce

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pauvre homme. Savez-vous ce que

"c'est que de tuer un homme? quelles "larmes vous faites couler? Et vous

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vous querellez pour des femmes per"dues! Si vous n'aviez pas été blessé, "vous seriez encore aux arrêts; mais "vous vous êtes conduit braveinent. Je "l'ai écrit à votre père."-En disant cela, il me serra la main bien fort.

"Jeune homme, j'ai conté cette histoire " à mon fils, je la lui raconte souvent : " cela ne l'a pas empêché de trouver les "les femmes jolies; mais cela fait qu'il "n'a encore tué personne."

CHAPITRE IX.

APRÈS avoir passé quatre mois à mon régiment, mon père me fit revenir près de lui. Nous partîmes aussitôt pour voyager dans les différentes cours de l'Europe, et términer ainsi mon éducation.

J'aimois passionnément mon père, et à peine osois-je le lui dire. Cependant j'étois sûr qu'il auroit donné sa vie pour moi. Sa conversation étoit éclairée, instructive; je la préférois à toutes les autres; je l'écoutois, l'approuvois, mais n'y fournissois rien ou peu de chose : sa sévérité empêchoit qu'il y eût entre nous de doux épanchements, aucun échange d'idées.

Mon père me surveilloit avec le plus

ardent intérêt; mais dès qu'il jugeoit un projet utile ou dangereux, il ne me quittoit pas qu'il ne m'eût démontré ma folie, ou fait adopter son opinion; alors il n'étoit plus question de délai, de demi-sacrifice; les mots entraînement, foiblesse, lui étoient inconnus. fois, il se croyoit indulgent, parce qu'il sentoit combien il m'aimoit ; et peut-être me croyois-je sage, parce que j'ignorois encore les passsions.

Toute

J'a

Nous passâmes trois ans à voyager, menant la vie la plus active qu'il soit possible de concevoir. D'abord cette extrême agitation avoit charmé ma jeunesse; bientôt elle en fut excédée. voue que mon cœur sentoit bien plus le besoin de s'attacher, que mon esprit ne trouvoit de plaisir à s'instruire, quoiqu'il reconnût qu'il doit être bon que les hommes aient voyagé.

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