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d'aucune utilité, car toutes fes notes ne font que mots les plus remarquables du texte que ce fçavant homme prenoit la peine d'efcrire à la marge pour les avoir plus prefents. Mais je ne fçaurois trop reconnoiftre le fecours que j'ay tiré d'un autre Plutarque, dont toutes les vies font notées de la main du celebre M. de Thou, de ce grand Hiftorien,qui jufqu'à aujourd'huy fouftient pour cet art l'honneur de la France contre l'Italie & la Grece, & dans les efcrits duquel on remarque autant de profondeur & de force, que de fincerité & de verité. Il avoit leu ces vies avec tant de foin & d'exactitude, & avoit marqué avec tant de choix ce qui pouvoit esclaircir, ou illuftrer les paffages les plus remarquables & les plus importants, ou indiquer leur fource, qu'il a extrêmement abregé mon travail, en m'efpargnant de longues recherches, & en me donnant fouvent des lumieres que je n'aurois pas euës fans luy,

Comme on ne peut marcher feurement dans l'eftude de l'Hiftoire fans la connoiffance des temps, j'ay cru à la fin pour qu'il eftoit neceffaire de mettre à la fin de cet Ouvragoffer lege une petite Chronologie, qui esclaircira beaucoup de difficultés, & qui fera voir au moins dans quel ordre ces vies,doivent estre leuës, car Plutarque, en les efcrivant, n'a pas fuivi l'ordre des temps, il les avoit mefme efcrites dans un ordre different de celuy que l'on a fuivi dans toutes les éditions. Et c'est ce qui m'a autorifé à en changer deux de place, & à les tranfporter du VII. vol. où elles devoient eftre felon l'ordre des éditions, au cinquième. Ce font celles d'Agis & de Cleomene, & celle de Tiberius & de Caïus Gracchus, pour faire les volumes plus égaux. Cette mesme neceflité

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m'a auffi obligé à feparer quelquefois les vies paralleles. Par exemple, la vie de Paul Emile finit le 1. vol. & celle de Timoleon, qui luy eft comparé, fait le commencement du III. Celle de Pyrrhus finit le 111. vol. & celle de Marius, qui est sa parallele, commence le iv. celle de Nicias termine le iv. & celle de Craffus qui eft fa comparaison,eft à la teste du v. Il m'a paru que cela eftoit indifferent au Lecteur. On ne dit guere deux vies de fuite; fans ce partage les volumes auroient esté trop gros, ou trop inégaux.

J'ay recherché avec foin les teftes des hommes illuftres que Plutarque a choifis. On aime naturellement à voir le portrait des grands hommes dont on lit la vie, le cabinet du Roy m'en a fourni quelques-unes qui m'ont efté communiquées par feu M. Simon qui avoit beaucoup d'efprit & de fçavoir, qui eftoit alors Garde des Medailles de ce cabinet. Aprés fa mort M. de Boze, qui a fuccedé à sa Charge, l'un des Quarante de l'Académie Françoife, & tres-digne Secretaire de l'Académie des Infcriptions & belles Lettres, homme auffi eftimable pour Les mœurs & pour fa politeffe, que pour fon efprit & fa grande érudition, m'en a fourni trois ou quatre des plus rares. J'en ay pris d'autres dans les recueils que de fçavants Antiquaires ont fait graver. Mais il en refte un nombre, qu'on n'a pu trouver, & qu'on ne trouvera jamais. Car outre qu'il y en a que l'Antiquité n'a pas confervées, on chercheroit vainement celle de Pelopidas, puisque Plutarque affeure qu'on n'avoit de luy ni ftatuë, ni portrait, parce qu'il n'avoit jamais voulu permettre qu'on en fift, & qu'en mourant mesme il défendit expreffément que l'on fift

de luy aucune figure, ni moule, ni peinte ; & je n'ay pas voulu en mettre de fuppofées, comme on l'a fait dans quelques éditions; car il n'y a rien de plus ridicule que de donner pour une tefte de Pericles, de Pelopidas, de Timoleon, &c. ce qui n'eft qu'une tefte d'idée. Il n'y a fur cela que le vray, ou ce que l'Antiquité a donné comme vray qui faffe plaifir.

Tous les Ouvrages de Plutarque ont eu l'approba-. tion de tous les fiecles, & avec grande raison, car on y trouve une érudition profonde, un jugement exquis,& tousjours l'agreable admirablement joint à l'utile. Theodore Gaza, qui floriffoit dans le xv. fiecle, & qui eftoit un des plus fçavants hommes de fon temps, interrogé un jour fi par une dure neceffité il eftoit obligé de jetter dans la mer tous les Auteurs generalement, quel feroit celuy qu'il y jetteroit le dernier, & qu'il voudroit fauver de ce naufrage, refpondit que ce feroit Plutarque. Ce qui ne doit estre entendu que des Auteurs payens, car autrement ce fentiment feroit outré & impie. Je croy mefme qu'on peut appeller de ce jugement, car quelque grande idée que j'aye du merite de Plutarque, je fuis perfuadé que les œuvres de Platon meriteroient encore davantage d'eftre reservées, car à mon advis il n'y a point d'Auteur payen qui puiffe eftre plus utile aux hommes, ni qui ait plus servi à esclairer le genre humain.

Mais n'oppofons point Plutarque aux autres Auteurs, oppofons-le à luy-mefme, en confiderant fes vies & fes morales. S'il falloit choifir entre ces deux Ouvrages, & renoncer à l'un pour avoir l'autre, peuteftre trouveroit-on des gens qui balanceroient fur le

choix. Pour moy je me contenteray de dire qu'il y a infiniment plus d'efprit, plus de jugement & plus d'art dans les vies, & plus de lecture, & plus de fçavoir dans les morales. Scaliger a fait de ces Ouvrages deux jugements qui paroiffent bien oppofés. Dans l'un il appelle Plutarque l'œil de la fageffe; & dans l'autre il dit qu'il a efcrit pour les Courtifans,& non pas pour les Sçavants, & ils paroif tront tous deux tres juftes fi l'on rapporte le premier à ses vies, où il y a autant de fagefle que dans aucun Ouvrage qui nous refte de l'Antiquité payenne, & si l'on entend le fecond, de fes morales. Il y a veritablement des traités admirables, & qu'on ne fçauroit trop lire; mais il y en a d'autres où rien n'eft entierement approfondi, ni démonftré, & où toutes les matieres, j'en excepte un petit nombre, font traitées fort fuperficiellement. Ce qui paroift au deffus de tout,ce font fes Comparaisons. Je donnerois plufieurs de ses traités de morale pour celles qui nous manquent. Il met dans une balance fi jufte les mœurs, les inclinations, & les actions des grands hommes qu'il compare les uns aux autres, & il fait fi bien fentir ce qu'ils ont chacun de femblable & de different, qu'il n'y a rien où le jugement, l'eftenduë d'efprit, la fageffe,&, ce qui eftoit rare de fon temps en Grece, la bonne foy, fe trouvent ensemble avec plus d'esclat ; l'amour de fon pays ne le porte jamais à favorifer fa nation. Il eft vray qu'il oppofe quelquefois à des Romains tres illuftres, des Grecs qui le font beaucoup moins ; mais il ne prétend pas les pefer en gros & avec toute leur fortune,ni les égaler les uns aux autres,il compare action à action, & non pas homme à homme; &s'il met certaines actions des Grecs dans un plus beau Tome I.

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jour qu'elles n'avoient efté avant luy, c'eft moins les favorifer, que reparer l'injure que l'Hiftoire leur avoit faite en oubliant, ou en ne relevant pas affés les particularités les plus remarquables & les plus dignes de confideration. En un mot, il les juge tous feparément & par pieces; il pefe les mœurs qui font la fource des actions, il examiné les motifs, il balance les biens & les maux qui en font la fuite, & dans le détail de toutes les circonftances il eft fi efloigné de la moindre partialité pour les Grecs, qu'on ne trouvera jamais qu'il leur donne la préference contre la droite raison; tout il par ne respecte que la vertu, ne fait la guerre qu'au vice,& necherche que la verité. Cet efprit d'équité eft refpandu dans tous ses Ouvrages, mais il paroist sur tout avec efclat dans la vie de Marcellus, où il donne bien nettement aux Romains cette grande louange, qu'ils ne furpaffoient pas moins les Grecs en juftice, qu'en valeur & en prudence. Et dans la vie de Ciceron, où il ne feint pas de rapporter le grand éloge qu'Apollonius Molon donna à cet Orateur, lorsqu'aprés l'avoir entendu haranguer en Grec, il foufpira, & dit qu'il déploroit le malheur de la Grece, voyant que les feuls avantages qui restoient aux Grecs, l'érudition & l'éloquence, alloient eftre transportés aux Romains.

Malheureusement il nous manque quatre de fes Comparaisons & des plus importantes, que l'injure des temps nous a ravies, celle de Themistocle & de Camillus, celle de Pyrrhus & de Marius, celle de Phocion & de Caton, & celle d'Alexandre & de Cefar. C'est une perte irreparable. Je me fuis cru obligé de les fuppléer, & j'ay eu l'humilité de l'entreprendre; car il y en a af

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