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leurs Eftats, ni à leurs victoires ; mais à leur fageße & à la justice avec laquelle ils ont gouverné les peuples qui leur ont efté foufmis. LOUIS LE GRAND, voftre Bifayeul, dont la gloire vivra tousjours, perfuadé qu'un Roy doit eftendre fes foins pour fes fujets au delà de la mort mefme, a employé les derniers moments de fa vie à affeurer noftre bonheur en choififfant pour votre éducation les hommes les plus capables de vous former par de grands preceptes, & de vous rendre un Prince accompli. Par ce choix, auquel la Pieté a préfidé, ce Heros Chreftien en rendant le dernier foufpir, a eu la confolation de voir d'avance les Vices s'efloigner de vostre Throne, les Vertus y prendre place & s'y aẞeoir avec vous.

Le temps approche, SIRE, où le Grand Prince, que la Providence a fait le Dépofitaire de voftre Autorité Royale pendant voftre minorité, aura la fatisfaction de vous remettre ce precieux dipoft. V. M. va regner par elle-mefme, pour foustenir le poids de la Royauté elle aura befoin d'amis fidelles.

En voicy cinquante, SIRE, qui s'offrent à V. M. & quels amis! de grands Legiflateurs, des Rois,des Empereurs, des Generaux d'Armée,qui tous ont rempli la terre du bruit de leur Nomides amis qu'aucune paffion ne portera jamais à vous rien déguiser, & qui tousjours finceres vous diront la verité fur toutes vos actions fur tous vos deffeins,& la verité confirmée par leur exemple. VOSTRE MAJESTE' a fouvent tesmoigné un impatient deftr de les avoir auprés d'Elle. Cette impatience promet, SIRE, que vous quitterés quelquefois la brillante Cour, que l'élite de la jeune Nobleffe de France form autour de Vous, qui donnera un jour à votre Regne de grands Capitaines,& des hommes capables de fervir l'Eftat, & que vous prendrés plaifir à vous entretenir avec ces Heros des deux plus celebres & plus vertueufes Nations du monde. Ce commerce, SIR E, ne vous fera pas infructueux ; Ils vous donneront d'excellents confeils fur la guerre, fur la paix, fur la politique & fur l'amour des Lettres, qui feules peuvent éternifer la gloire d'un heureux Regne. Ils vous diront, SIRE, qu'un Royaume eft pour un Prince fage un vaste champ pour y

faire de grandes de belles actions; que bien regner, c'est rendre à Dieu le plus agreable de tous les cultes ; que le principal devoir d'un Roy, c'eft de rendre fes fujets heureux ; mais qu'il ne doit pas borner là son ambition, & qu'il doit la porter à faire auffi le bonheur de fes Voifins, car un grand Roy eft un bien pour tous les hommes. Son Regne eft comme un Fleuve majestueux qui ne fe contente pas d'enrichir les lieux de fon origine, mais qui porte la richeffe de fes eaux dans toutes les contrées qu'il traverse. VOSTŘE MAJESTE' eft naturellement fi touchée de tout ce qui eft beau, qu'elle fera charmée des grandes actions & des grands fentiments qu'elle lira dans ces vies. Elle fera frappée 'de l'efclat des Triomphes de Paul Emile, de Fabius, de Flamininus, de Lucullus, de Pompée de Cefar. Vous avés, SIRE, un moyen infaillible plus court de vous affeurer une gloire plus flatteufe & plus folide, c'eft d'aimer vos peuples, & de faire croiftre l'amour qu'ils ont desja pour vous. Par là, SIRE, toute voftre vie fera un triomphe continuel; V. M. ne paroiftra jamais en public qu'elle n'attire aprés Elle les cœurs de Les Sujets & des Eftrangers, qui tous à l'envi la combleront de benedictions de louanges. Tous les Triomphes Romains égalent-ils un tel Triomphe? Non, SIRE, & Flamininus luymefme, qui avoit triomphé du Roy Philippe, dont le Triomphe avoit efté un des plus riches des plus fuperbes, eftoit moins flatté de cet honneur, que du plaifir d'avoir brisé les fers de la Grete, & d'avoir fait fervir sa victoire à rendre à tant de peuples leur liberté.

Les Rois, SIRE, ne font l'image de Dieu qu'autant qu'ils font de bien aux hommes, qu'ils les foulagent, qu'ils les défendent, qu'ils les protegent. Nous voyons desja ces traits divins efclater dans V. M. Elle eft pleine de compaffion pour les malheureux, tousjours difpofée à les fecourir. Quelle esperance pour vos fujets! Ils attendent de Vous, SIRE, tous les biens qu'on peut attendre d'un Roy qui fe regarde pluftoft comme le Pere, que comme le Maistre de fes peuples, ils efperent que par vos

bienfaits vous meriterés tous les plus glorieux titres que les Penples reconnoiffants ont donnés aux Princes, qui ont fait consister leur Grandeur dans la felicité publique.

VOSTRE MAJESTE' s'eftonnera fans doute que parmy les vies qui font dignes d'eftre imitées, Plutarque prefente celles de Marius,de Sylla, de Demetrius d'Antoine, qui n'offrent prefque qu? des exemples à fuir. Ils avoient de grandes qualités; ils eftoient pleins de valeur grands Capitaines, & ils ont fait des Exploits tres-glorieux; mais ils les ont ternis par leurs vices. Plutarque vous fera entendre, SIRE, qu'il ne les a mellés parmi fes Hommes Illuftres, que parce que l'amour de la vertu croift fe fortifie par l'horreur du vice, & qu'il a cru que ceux qui liront avec difcernement, feront plus Zelez spectateurs & plus ardents ・imitateurs des plus belles & des plus vertueufes vies, quand ils connoiftront celles qui font mauvaises & deteftées de tout le monde.

Plutarque prefente donc icy à V. M. un miroir fidelle. Vous le confulterés, SIRE, non pour fatisfaire une vaine curiosité, mais pour conformer vos mœurs vos actions à tout ce qu'il y a de plus beau, de plus loüable de plus digne d'un Roy. Par ce moyen, SIRE, vous aur és toutes les grandes qualités de ces Heros, fans avoir aucun de leurs défauts ; & en les perfectionnant par une pieté solide, vous resjouirés la terre par vos vertus.

Pendant que V. M. s'occupera de cette eftude fi digne d'Elle, je vous prepare, SIRE, d'autres Ouvrages qui ne vous feront pas moins utiles, & tous les moments de ma vie employés à voftre Service, feront autant de preuves de mon zele de la passion avec laquelle je fouhaite que V. M. foit tousjours l'amour les delices de fes Sujets, l'admiration de tout le monde. Je fuis avec un tres-profond respect,

SIRE,

De Voftre Majefié,

Le tres-humble, tres-obéïffant & tre-fidelle ferviteur & fujet,

DACIER.

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&

PREFAC E.

NE des plus grandes marques de folie que Democrite trouvoit dans les hommes, c'est qu'ils ne daignent pas s'inftruire de ce qui s'est fait avant eux, que le long âge du monde leur est une leçon inutile, parce qu'ils ne s'en fervent pas comme ils devroient pour profiter de tant de grands exemples dont l'Hiftoire conserve le fouvenir, & pour tirer de ce qui eft arrivé des conjectures de ce qui doit arriver encore. Ce Philosophe en faisant par là l'éloge de l'Histoire en general, fait particulierement celuy de Plutarque, qui eft le plus utile de tous les Hiftoriens,& qui poffede parfaitement tous les talents neceffaires pour corriger & pour inftruire. C'est le livre, non feulement de tous les hommes, mais de tous les âges; car il eft peut-eftre le feul qui puiffe amufer tres utilement les enfants, dans le mefme temps qu'il peut occuper tres-folidement les hommes. Il n'y a point de poëfie où l'art soit mieux employé, & qui foit plus admirablement diverfifiée. Plutarque a feul cet avantage, qu'à la verité de l'Hiftoire, il joint tous les agréments qu'on croyoit que la Fable feule pouvoit fournir,& que fes narrations font animées par tout des preceptes de la plus haute Philofophie, qu'il humanife, s'il eft permis de parler ainfi, & dont il se fert tres-à-propos pour rendre generales des actions particulieres, afin qu'elles conviennent à tout le monde, & que tout le monde puiffe en profiter. Il ne nous peint pas feulement les hommes tels qu'ils font dans le puTome I.

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&

blic,ce n'eft les monftrer que d'une maniere tres-impar faite, il nous les fait voir tels qu'ils font dans le particulier, où ils ne different point d'eux-mesmes, & où par confequent ils font plus prés de nous, & c'est ce qu'il ya de plus utile; car par là nous voyons leurs mœurs, leurs paffions, enfin toutes leurs inclinations à nud, nous pouvons démesler la verité d'avec le mafque & l'apparence, & diftinguer ce qui eft proprement à eux, de ce que la Fortune leur prefte. Si Plutarque ne nous avoit donné que les vies des grands hommes qui nous font inconnus, & dont nous n'avons que ce qu'il en a efcrit, nous l'admirerions fans voir encore toutes les merveilles de fon art, & toute l'eftenduë de fon genie ; mais il nous fait connoistre ceux dont l'antiquité a le plus parlé, dont nous avons les plus beaux ouvrages, en un mot, ceux que nous connoissions, & voilà ce qui me paroift de plus admirable. Auffi ne craindray-je point de dire, deuft-on m'accufer de m'exprimer trop poëtiquement dans une Preface, que fi l'on compare fes vies avec celles qu'on a faites avant & aprés luy, on y trouvera la mesme difference qui eftoit entre la statuë miraculeuse de Pygmalion, & celles de tous les autres Sculpteurs; ces dernieres paroiffoient vivantes, & l'autre l'eftoit. Tout eft vivant de mefme dans Plutarque, ce ne font pas des Hiftoires qu'on lit, ce font ces grands hommes mefme qu'on voit & qui parlent.

L'excellence de cet Ouvrage, & l'utilité dont il est, m'ont excité à en entreprendre une nouvelle tradution, perfuadé que dans ce genre on ne fçauroit rendre au Public un plus grand fervice. Mais avant que de m'engager dans un travail fi difficile & fi long, je crus

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