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monter jufqu'à Romulus, puisque nous fommes fi près de fon temps; mais, comme dit Eschyle, Qui est-ce qui fe prefentera devant cet homme? Qui pourrons-nous luy oppofer? Qui ofera luy tenir tefte? Le Fondateur de la belle & fameufe Cité d'Athenes peut fort bien eftre comparé au Pere de la glorieuse & de l'invincible Rome. Je fouhaite feulement que ce qu'il y a de fabuleux, fe laiffant manier & purger par nos escrits, prenne l'air de l'Hiftoire; mais fi l'on trouve quelques endroits, qui refusent opiniastrement de devenir croyables, & qui ne puiffent fouffrir le moindre meЛlange de vray-femblance, je prie les Lecteurs de les excufer, & de recevoir favorablement ce qu'on peut leur donner d'une antiquité fi reculée.

avantage, que la veritable Religion a fur toutes les autres. On ne trouve que lumiere & verité dans l'une, & dans les autres qu'obfcurité, que menfonge, & que fiction. Il n'y a point d'Hiftoire profane qui puiffe nous mener fürement à fix cents ans prés de Thefée, & l'Hiftoire fainte nous mene jufqu'à la Création.

Il me semble que nous pouvons remonter jufqu'à Romulus, puifque dous fommes fi prés de fon temps.] Ce mot de remonter, ne doit eftre rapporté qu'à Numa. Plutarque n'avoit garde de le rapporter à Lycurgue, puifque Lycurgue eft plus ancien que Romulus.

Mais, comme dit Efchyle, qui eft-ce qui se presentera devant cet homme? Qui pourrons-nous luy oppofer.] Ce font deux differents paffages d'Efchyle, de la Tragedie des fept Chefs contre Thebes. Un Officier vient rendre compte à Eteocle des attaques des ennemis & des poftes que leurs Generaux occupent, & en les nonimant l'un aprés l'autre, il demande au Prince, quels Capitaines il choifira pour leur oppofer; ainfi l'application, que Plutarque en fait, eft trés jufte, mais il la change à fa maniere, pour l'accommoder au fujet.

Car Romulus

Thefée & Romulus fe reffemblent en plupa pour fils de fleurs chofes; Eftant nez tous deux clandeftineAiars, Thefée pour fils de Nep-ment, ils ont paffé tous deux pour enfants "Page d'Ho- des Dieux; Tous deux ont efté vaillants, comme tout

tane.

mere.

le monde en convient, & ont joint la prudence avec la force; ils ont tous deux fondé les plus célebres Villes du monde ; car l'un a basti Rome, & l'autre a fondé Athenes, en réduifant en corps de Ville, un peuple,qui eftoit difperfé dans des Bourgs; ils ont tous deux enlevé des femmes ; Ils font tombez l'un & l'autre dans de grands malCar Romulus heurs domeftiques; Ils ont fouillé leurs mains Jos frere, The du fang de leurs proches, & à la fin de leur vie, fee fut caufe de la ils fe font tous deux attiré la haine de leurs Cimort de jon pere de fon fils. toyens, fi l'on peut recevoir pour vray ce qu'on en a dit de plus apparent & de moins tragique..

tua for oncle &

Thefée du cofté de fon pere, defcendoit de Qu'on appelloit l'ancien Erecthée & des premiers habitants de

Autochthones,
c'est-à-dire, 338%
dans le pays.

Erichthonius, ou Erecthée, fils de Vulcain & de Minerve, ou de Cranaé, petite fille de Cranaus.

Tous deux fe font attiré la haine de fon pere:
de leurs Citoyens, fi l'on peut re-
cevoir pour vray ce qu'on en a dit
de plus apparent & de moins tra-
gique.] Plutarque adjoufte cccy,
pour faire connoiftre, qu'il rejette
toutes les fables, qu'on raconte fur
la mort de Thefee, & particulie-
rement fur celle de Romulus.

Thefée du cofté de fon pere def-
cendoit de l'ancien Erectée, & des
premiers habitants de l'Attique.]
Plutarque appelle icy Erecthée
celuy qu'on appelle plus ordinai-
rement Erichthonius; car voicy la
Genéalogie de Thefée du cofté

Pandion.

Erecthée. II.

Breathée.

Cecrops.

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Pandion II. Peréus, Pere de

Egée,

Thefée.

Mnesthée,

l'Attique. Du cofté de sa mere, il eftoit iffu de Pelops, qui fut le plus puiffant de tous les Rois du Peloponese, non feulement par ses richesses, mais encore par le nombre de fês enfants; CarIl eut treize enil maria plufieurs de fes filles avec les plus grands Hippodamie. Seigneurs du pays, & trouva moyen de placer

Le premier Erechthée, ou E- leur pays, & que le terroir de richthonius, eftoit du temps de l'Attique fe trouvant trés mauvais Moyfe, vers l'an du monde & trés infertile, on laiffa en repos 2460. ou 1488. avant JESUS- fes habitants, qui dans la fuite fuCHRIST; & avant luy, il y avoit rent regardez comme nez dans eu à Athenes trois Rois,Cecrops, leur propre terre, à caufe de cette Cranaus, & Amphiction, qui difference qu'il y avoit entre eux eftant tous trois d'une origine in- & les autres peuples, qui avoient connue, furent appellez enfants fouvent changé. de la Terre, & comme Erichtho- Et du cofté de fa mere, il eftoit nius paffoit pour petit fils de la iffu de Pelops, qui fut le plus puiffille de Cranaus, Plutarque a fant de tous les Rois du Peloponese, fort bien dit, que Thefee def- non feulement par fes richesses. } cendoit des Autochthones, c'eft-à- Pelops eftoit fils de Tantale, & dire, des premiers habitants de Phrygien d'origine; il avoit l'Attique, qu'on appelloit A- porté dans le Peloponefe des tochthones, parce qu'ils eftoient richeffes immenfes, qu'il avoit nez dans le pays mefme, & qu'ils tirées des mines du mont Sin'eftoient point eftrangers; mais pylus. Pelops, Pitthće, Æthra, il est pourtant certain, que l'At- Thefée. tique fut habitée premierement par des eftrangers, & il n'en faut d'autre preuve, que le nom mefme de Cecrops, qui eft eftranger; mais ce qui fit paffer les premiers habitants de l'Attique pour Autochthones ou Indigenes, c'eft que tous les autres cantons de la Grece, à caufe de la bonté de leur terroir, changerent fouvent de Maiftre, chacun tafchant de s'etablir par la force dans le meil

deux

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Car il maria plufieurs filles
avec les plus grands Seigneurs du
pays. ] Je ne trouve que
filles, Lyfidicé & Aftydamie;
la premiere fut mariée à Alec-
tryon ou, felon d'autres,
Neftor, qui eftoit fils de Per-
féc Roy de Tirinthe; & Afty-
damie fut mariée à Sthenelus
Roy de Mycenes. Cette Afty-
damie eft appellée par d'au
tres Nicippe.

fants de fa femme

lide dans le Pelo

tous fes fils dans les Eftats les plus confiderables. Pitthée, ayeul maternel de Thesée, fut un de

fes enfants. Il fonda la petite ville de Trezene, Ville de l'Arge- & il eut la reputation d'eftre le plus fage & le ponele à l'entrée du plus fçavant homme de fon temps. La fcience, Golfe Saronique. qui eftoit alors en ufage, confiftoit particulierement en fentences & en moralitez, comme Poëte Grec qui celles qui ont tant fait eftimer Hefiode dans fon ans aprés Homere. Ouvrage intitulé, Les Oeuvres & les Fours.

vivoit environ cent

Parmy les Sentences de ce Poëte, en voicy une, qu'on donne à Pitthée: Tiens toujours prefie la recompenfe que tu as promise à ton amy. Au moins

Et trouva moyen de placer tous fes fils dans les Estats les plus confiderables.] A force d'argent il s'empara des villes les plus confiderables du Peloponefe, qu'il mit entre les mains de fes enfants, & cela ne luy fut pas malaifé à caufe de la pauvreté & de la mifere des peuples.

Il fonda la petite Ville de Trezene.] Il y avoit à l'entrée du Golphe Saronique deux petites places, appellées Hyperea & Anthea. Pitthée, affifté de fon frere Trefen, s'en rendit maiftre, & en fit enfuite une feule & mefme ville, qu'il nomma Trezene, du nom de fon frere, qui eftoit mort

auparavant.

efcrit par Pitthée, qui me fut donné par un homme d'Epidaure; mais on peut douter avec raison de cette antiquité.

La fcience, qui eftoit alors en ufage, confiftoit particulierement en fentences & en moralitez. ] Cela paroift, non feulement par les ouvrages d'Hefiode, qui florifloit environ cinq cents ans aprés Pitthée, & par ceux de Theognis qui vivoit prés de trois cents ans aprés Hefiode, mais encore par les proverbes de Salomon, qui vivoit deux ou trois cents ans aprés Pitthée.

Tiens tousjours prefte la recompense que tu as promife à ton amy.] M. Barbeyrac, Profeffeur Il enft la reputation d'estre le à Lausanne, m'a accufé d'avoir plus fage & le plus fçavant de fon mal traduit ce paffage d'Hefiode temps. Paufanias efcrit qu'il en- qu'il traduit, que la recompenfe, feignoit à Trezene la Rhctorique que tu as promife à ton amy, foit dans le temple des Mufes: Et fuffifante. Il a trouvé dans fon moy-name, dit-il, j'ay lu un livre Dictionnaire que le mot pres

Ariftote la luy attribuë, & Euripide, en apellant Hippolyte le difciple du Saint Pitthée, fait affez connoiftre la grande opinion qu'on avoit de luy.

Dans la Trages Egée, n'ayant point d'enfants, & fouhaitant die d'Hippolite. d'en avoir, alla pour cet effet confulter Apollon, & l'on dit que la Preftreffe luy rendit cet oracle fi connu, par lequel elle luy defendoit de voir aucune femme avant qu'il fuft de retour à Athenes; mais comme elle ne s'expliquoit pas bien ouvertement, Egée à fon retour paffa par Trezene pour communiquer à Pitthée cette refponse du Dieu, dont voicy les propres termes : Grand Prince, ne délie point le pied du bouc avant que tu fois de retour au milieu de ton peuple.

On ne fçait ce que Pitthée fe promit de cet Oracle; mais, ou par perfuafion, ou par adreffe, Il fit coucher Egée avec fa fille Athra. Egée,

Cette action ref pond mal à la

beauté de ses fen

tences à la

fignifie aurapuns iaròs, fuffi- dans le Levitique Chap. xIx. Non Sainteté dont il ἀντάρκης faifoit profeffion. fant, & fur cela, fans autre exa- morabitur opus mercenarii tui apud men, il a fait fa petite criti- te ufque mane: Le falaire de ton que. Mais il auroit dû fçavoir mercenaire ne demeurera point chez que ce terme price fignifie aufli toy jufqu'au lendemain matin. Et Tocs, preft. Hefych. a marqué dans Tobie iv. 15. Et merces ces deux fens, gx, inavov, érov mercenarii tui apud te non re& c'eft dans ce dernier fens qu'- maneat. Et que le falaire de ton Hefiode l'a employé. Le pre- mercenaire ne demeure point chez mier fens ne merite pas un pre- toy. Car Hefiode appelle dans cepto, mais le dernier en eft ce vers le mercenaire, amy. trés digne, pour prevenir l'injuftice de ceux qui retiennent le falaire des domeftiques, des mercenaires, ou qui ne le payent

que
fort tard, injuftice, qui n'eft
que trop commune. Et c'eft le
mefme precepte, qui eft contenu

On ne fçait ce que Pitthée fe promit de cet oracle.] Ce fut apparemment cette avanture qui donna à Pitthée la reputation de connoiftre l'avenir & d'expliquer fûrement les oracles.

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