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Vindex affranchi declaré Citoyen

Romain.

Deux cents ans aprés, Appius ClauCenfur. Vindica eftoit guette dont on dontefte de ceux qu'on

dius Caecus eftant

proprement une ba

noit un coup fur la

affranchifoit.

gnée & au grand fervice qu'il avoit rendu. Va-
lerius penfa d'abord que Vindex meritoit d'a-
voir part à la recompenfe; il l'affranchit, & par
un decret folemnel il le fit declarer Citoyen
Romain, avec le plein droit de fuffrage dans la
Tribu où il luy plairoit d'entrer, chofe qu'on
n'avoit point encore veuë. Ce ne fut que long-
temps aprés, qu'Appius, pour attirer les bonnes
graces du peuple, renouvella cette loy en fa-
veur de tous les affranchis, & jufqu'à aujour-
d'huy cet entier affranchiffement s'appelle Vin-
dicta, du nom de Vindex. On abandonna en-
fuite au pillage les biens des Tarquins, & on
rafa leur palais & leurs maifons de campagne.
Parmi leurs autres biens, ils avoient une pie-
te de terre dans le plus bel endroit du champ
de Mars; on la confacra à ce Dieu, dont on luy
donna le nom. Les bleds ne venoient que d'ef- du
tre coupez, & les gerbes y estoient encore. On
ne crut pas qu'il fuft permis d'en profiter, à cau-
fe de la confecration qu'on venoit d'en faire;
mais on prit les gerbes, & on les jetta dans le
Tibre avec tous les arbres que l'on coupa, laif-
fant au Dieu le terrein tout nud & fans fruit.
Les eaux eftoient alors fort baffes; ainfi ces ma-
tieres ne furent pas portées fort loin par le fil
de l'eau; elles s'arrefterent à un endroit defcou-
On le confacra à ce Dieu. ] Tarquin s'en eftoit emparé &
Mais il lui eftoit desja confacré l'avoit converti à fes ufages en y
du temps mefme de Romulus, femant du bled.
comme cela paroift par fes loix.

Ce champ eftoit temps meļme de Romulus.

confacré à ce Dieu,

ma l'Ile du Tibre.

qu'on affeuraa

vert. Les premieres arrestoient les autres, qui ne trouvant point de paffage, s'accrocherent & fe lierent fibien avec elles, qu'elles ne firent Comment fe for- qu'un mefme corps, qui prit racine, l'eau aidant encore à l'affermir; car elle y portoit quantité de limon, qui, en groffiffant la maffe, fervoit auffi à la lier, & le courant, bien loin de la defu nir, ne faifoit que la mieux ferrer, & y joindre tout ce qu'il entraifnoit. La grandeur & la folidité de ce premier amas le rendirent encore plus grand dans la fuite, car le Tibre ne pouvoit prefque plus rien emmener qui ne s'y arrestast, de maniere qu'enfin il fe forma une Isle, Tite-Live croit qu'on appelle à Rome l'Isle facrée, où il y a diaffermit ce terrein vers temples confacrez aux Dieux, & plufieurs Il y avoit le tem- portiques. On l'appelle en latin, l'Isle des deux luy de Jupiter, & ponts. Il y a pourtant des Efcrivains qui pretendent que cela n'arriva pas lorfque cette piece de terre de Tarquin fut confacrée à Mars, mais plufieurs ficcles aprés, lorsque la Vestale Tarquinie luy dedia un champ, qui luy appartenoit, & qui touchoit à celui de Tarquin.Ce don luy attira beaucoup de prerogatives, car le peuple ordonna que fon telmoignage feroit receu en juftice, privilege qu'on n'avoit pas encore accordé aux femmes. On y adjoufta la permiffion de fe mazes ceste permiffion rier, qu'elle refufa. C'est ainfi qu'on le raconte, On l'appelle en Latin l'Ifle des & à caufe du pont Geftius qui deux ponts.] Sans doute à caufe la joignoit à la mefme ville du du pont Fabrice qui la joignoit cofté du Janicule,

par des jettées.

ple d'Efculape, ce

celuy de Faune.

Elles avoient tou

aprés le temps de leur van.

à la ville du cofté du Capitole,

Tarquin

cans contre les Ro

Tarquin, defefperant de remonter fur le throne par la rufe & par la trahison, se retira vers les Toscans, qui le receurent à bras ouverts, & qui le ramenerent vers Rome avec une puiffante armée. Les Confuls Romains fortirent à la teste de leurs legions. Les deux armées se mirent en bataille dans des lieux facrez; celle Entre Veies & des Tofcans prés du bocage d'Arfia, & celle des le Tibre. Romains dans la prairie Afuvienne. Dez le commencement du combat Aruns, fils aifné de Bataille des TofTarquin, & le Conful Brutus se rencontrerent, mains. moins conduits par le hazard, que pouffez par leur inimitié & par leur haine; car l'un cherchoit le Tyran & l'ennemi de fa patrie, & l'autre cherchoit le principal auteur de sa honte & de fon exil. Ils ne fe furent pas pluftoft apperçus dans la meslée, que pouffant leurs chevaux l'un contre l'autre avec plus de fureur quin & Brutus que de précaution, & avec plus d'envie de frapper, que de foin de fe couvrir, ils fe tuerent tous deux. La fuite du combat ne fut pas moins Langlante que cette premiere charge. Le car

Que pouffant leurs chevaux l'un tume s'eftoit-elle perduë du temps contre l'autre. ] Tite-Live en par- de Tite-Live ? Il veut dire aplant de cette action de Brutus, paremment qu'avant ce tempsqui fe battit contre le fils de Tar- là on n'avoit pas encore connu quin, fait une reflexion qui me comme on le connoissoit alors, paroift bien remarquable, car il qu'il eftoit honteux à un Genedit, Decorum erat tum ipfis capef- ral de quitter la conduite d'une fere pugnam Ducibus. En ce temps- action generale, pour s'attacher là il eftoit glorieux aux Generaux à un combat particulier. Cela ne nefme de fe battre. Cette couf- deyoit pas déplaire à Augufte.

Aruns fils de Tar

combattent l'un con• tre l'autre

tuent.

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Tom. I.

Nan

nage fut horrible & égal des deux costez, & il furvint un orage furieux qui fepara les deux

armées.

Valerius eftoit dans un fort grand chagrin, parce qu'il ne fçavoit à qui la victoire eftoit demeurée, & qu'il voyoit fes foldats, plus estonnez de leur perte, que resjouïs de celle des ennemis; car le nombre des morts eftoit fi égal, qu'il estoit très difficile de juger qui avoit eu l'avantage, & chacun des deux partis, qui voyoit certainement ce qu'il avoit perdu, & qui ne jugeoit de la perte de l'ennemi que par conjecture, fe croyoit bien plus vaincu que vainqueur. La nuit eftant furvenuë telle qu'on peut l'imaginer aprés une journée fi cruelle & fi douteufe, & le filence regnant dans les deux camps, on dit que le bocage facré fut émû, & qu'il en fortit une voix qui dit fort clairement, qu'il eftoit mort un homme de plus du cofté des Tofcans, que du cofté des Romains. C'estoir fans doute quelque voix Divine, car dés le moment les Romains, reprenant courage, remplirent tout de cris de joye, & les Toscans, effrayez & pleins de trouble, abandonnerent leurs retranchements, & prirent la fuite, laiffant leur camp au pillage, & prés de cinq mille hommes qui furent faits prifonniers. Le vainqueur compta enfuite les morts; il en trouva onze mille trois

Et c'estoit fans doute quelque voix divine. ] On dit que c'eftoit la voix du Dieu Pan. Ce fut fans doute un artifice de Va

lerius, qui ne trouva pas de meilleur moyen pour redonner cou rage à fes troupes.

the

Le premier triomqui fut fait fur

quatie

cents du cofté des Tofcans, & un de moins de fon cofté. On dit que cette bataille fut donnée La veille des C4le dernier jour de Fevrier. On decerna le triom- bendes de Mars. phe à Valerius, & ce fut le premier des Confuls qui entra triomphant dans Rome fur un char à quatre chevaux. Če spectacle parut fort beau & fort magnifique, & n'attira point du tout fur Valerius l'envie ni la haine de fes Citoyens, comme quelques uns l'ont voulu dire; car fi cela avoit efte, la couftume n'en auroit pas efté confervée avec tant de foin, & n'auroit pas duré tant de fiecles.

un char à
chevaux.

Valerius fit à Bru

tus mort.

Une chofe encore fort agreable au peuple, ce furent les honneurs que Valerius fit à fon Col- Honneurs que legue avant & aprés fon enterrement; car aprés lui avoir fait des funerailles avec beaucoup de pompe, il fit fon oraison funebre, ce qui pluft fi fort & fut receu avec tant d'applaudiffement, que depuis ce temps-là tous les grands hommes, qui meurent, font loüez publiquement par les plus gens de bien. Cette oraifon funebre eft, fons funebres.

Cetie Oraifon funebre eft, dit on, plus ancienne que toutes celles des Grecs. Car les Oraifons funebres ne commencerent en Grece qu'aprés la bataille de Marathon, qui n'arriva que ans aprés la mort de Brutus. Avant cela les Grecs honoroient de jeux publics & de combats les funerailles des grands hommes. mais on ne lit nulle part qu'ils en fiffent l'éloge publiquement. Ce

que les Poëtes tragiques ont dit, que Thefée loua les fils d'Oedipe en les enterrant, eft une pure flaterie pour Athenes. L'honneur de cette invention eft deu aux feize Romains; & ils ont eu auffi cet avantage, qu'ils y obfervoient plus d'équité & plus de juftice. Car en Grece on n'honoroit de cet éloge public, que ceux qui eftoient morts en combattant pour leur patrie; au lieu que les

Origine des Orais

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