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Enfants naifants

Conduite des

mone.

nour

dans du vin, pour efprouver s'ils eftoient de bone bavex dans du vin. ne conftitution & de bonne trempe; car on dit que ceux qui font épileptiques & maladifs, ne pouvant refifter à la force du vin qui les penetre, meurent de langueur, & que ceux qui font bien fains, en deviennent d'une complexion plus dure & plus forte. D'un autre cofté les nourrices employoient le foin & l'art pour bien ices de Lacede faire leurs nourritures; car bien loin de lier leurs enfants avec des langes, elles leur laissoient tout le corps libre, afin de leur donner un air noble & degagé; elles les accouftumoient auffi à estre faciles & nullement delicats & friands pour leur manger; à n'avoir point de peur dans les tenebres; à ne s'efpouvanter pas quand on les laissoit feuls, & à ne connoiftre, ni la mauvaise huni les criailleries & les pleurs, qui font autant de marques de lafcheté & de baffeffe. Cela faifoit que les eftrangers achetoient des Nourrices de La nourrices de Lacedemone, & l'on dit qu'Amycla, celle qui nourrit Alcibiade,.en eftoit. Ileft vray, comme dit Platon, que Pericles corrom

sedemone fort eftimées.

meur,

ments artificiels pour tenir les corps droits & fermes.

Car bien loin de lier & de garroter les enfants avec des langes, elles leur laifoient tout le corps Ni les criailleries & les pleurs.] libre. ] Mais pour peu de pente Ariftote blafme cette conduite. que les enfants ayent à devenir Ceux qui defendent les pleurs & boffus & tortus, cette liberté leur les cris des enfants, dit-il, ont eft trés pernicieuse; c'eft pour- torts car au contraire ces mouvequoy Ariftote approuvoit dans ments aident à les faire croistre, fes Politiques, que pour préve- & fervent d'exercice au corps nir ces accidents, onimitaft les nations, qui fe fervoient d'inftru

Il est vrai, comme dit Platon, que Pericles corrompit cette bonne

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pit cette bonne nourriture en donnant pour Precepteur à Alcibiade un esclave, nommé Zo- Il se sentit touspyre, qui n'avoit rien au deffus des autres efcla- jours de cette eduves; au lieu que Lycurgue s'eftoit bien gardé cieux pour les en

rien de plus pernide confier l'éducation des enfants à des merce-fants que le comi merce avec les ef naires & à des efclaves achetez à prix d'argent. claves. Il n'en laissa pas mefme la difpofition aux peres; mais fitoft qu'ils avoient fept ans, il les prenoit & les diftribuoit par claffes, & les faisant élever

enfemble dans les mefmes loix & dans la mefme difcipline, il les accouftumoit à avoir les mefmes divertiffements & les mesmes jeux.

Pour chaque claffe il choififfoit parmi les jeunes gens les mieux faits celuy qui estoit le plus eftimé, qui avoit le plus de prudence & de fageffe, & qui avoit tefmoigné le plus de courage & de fermeté dans les combats, & il l'eftabliffoit fur toute la troupe. Ces enfants avoient tousjours l'œil fur lui, obéissoient à tous fes ordres, & fe fousmettoient fans murmurer nourriture en donnant pour Pre- élevez les enfants des Rois de cepteur & pour Guverneur à Al- Perfe. Au lieu de ces grands Seicibiade un efclave nommé Zopy- gneurs qui ont foin des enfants des re['Ainfi,tous les foins de la nour- Rois de Perfe, Pericles vous a donrice Lacedemonienne avoient né pour Gouverneur un vil efclave, efté inutiles; car un efclave fait nommé Zopyre le Thracien, qui plus de mal à un enfant en un par fa vieilleffe vous auroit esté jour, que la plus excellente nour- inutile, quand mefme il auroit efté rice n'a pcu lui faire de bien dans vertueux. Ariftote n'oublie pas toute la nourriture. Le paffage de de defendre de laisser converfer Platon eft dans le premier Alci- les enfants avec les efclaves. Aubiade, où Socrate compare la jourd'huy on n'est pas fi fcrupu maniere dont Alcibiade avoit leux. efté élevé, à celle dont eftoient

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cation des enfants

à tous les chastiments & à toutes les peines qu'il lui plaifoit de leur impofer. De forte que toute A Sparte l'édu leur éducation n'eftoit, à proprement parler, n'eftoit qu'un ap- qu'un apprentiffage d'obéiffance. D'ailleurs les prentissage d'obéifSance. vieillards affiftoient ordinairement à leurs jeux, & jettoient fouvent entre eux des fujets de difpute & de querelle, pour avoir occasion de defcouvrir à fond le naturel de chacun, & de connoistre s'il auroit de la hardieffe, & s'il feroit incapable de tourner le dos à l'ennemi.

A quoy

Spartiates.

ten doit

Pour ce qui eft des lettres, ils n'en apprele befoin; toute leur eftude ne noient que pour toute l'etude des tendoit qu'à fçavoir obéir, qu'à fupporter les travaux, & à vaincre. C'est pourquoy, à mesure, qu'ils avançoient en âge, on augmentoit la feverité de leur difcipline & de leur regle; on leur coupoit les cheveux, on les accouftumoit à aller fans bas & fans fouliers, & la plufpart du temps on les faifoit jouer ensemble tout nuds, & quand ils eftoient parvenus à l'âge de douze ans on leur oftoit la tunique, & on ne

,

Pour ce qui eft des lettres, ils n'en apprenoient que pour le befoin.] C'eft-à-dire, autant qu'il en falloit pour des hommes qui ne refpiroient que la guerre; c'eft pourquoy toutes les fciences eftoient bannies de leur pays, ils n'avoient meme ni Medecins ni Interpretes. Quand ils en avoient befoin, ils appelloient des eftrangers. Delà vient que Thucydide en parlant de Brafidas, dit: Il ne par

loit pas mal pour un Lacedemonion.

Ón leur oftoit la tunique. ] La tunique qui eftoit fur la peau, ce que nous appellons la chemife; ce n'eftoit pas le fayon. car on peut n'avoir point de fayon ; & n'eftre pas pour ce'a plus fale. Juíqu'à douze ans ils avoient la tunique, &le manteau. A douze ans on leur oftoit la tunique, afin qu'il s'endurciffent au froid & au chaud,

leur donnoit par an qu'un fimple manteau, ce qui faifoit qu'ils eftoient tousjours fales & craffeux, ne fe baignant & ne fe parfumant jamais que certains jours de l'année, qu'on leur permettoit d'ufer de cette propreté & de cette delicateffe. Chaque troupe couchoit ensemble dans la mesme salle fur des paillaffes faites des des Sparbouts de cannes qui croiffoient fur les bords de la riviere d'Eurotas, & qu'ils eftoient obligez d'aller cueillir & rompre eux-mesmes avec leurs mains fans couteau, & fans aucun autre inf ftrument. En hyver on leur permettoit d'y mefler de la barbe de chardon, cette matiere paroiffant avoir quelque forte de chaleur.

A cet âge ils commençoient à avoir des amants, qui s'attachant à ceux qui eftoient les mieux faits & qui excelloient fur tous les autres, les fuivoient en tous lieux, & afin que tout fe passast dans l'honnesteté & dans la bienfeance,les vieillards y avoient l'œil, fe rendant encore plus affidus à leurs exercices & à leurs jeux, non par maniere d'acquit, ou comme pour se divertir A cet âge ils commençoient à pas surpris ; car l'amour vicieux avoir des amants. ] C'eftoit un des garçons eft fi general, qu'il eft amour d'esprit, comme celuy que mefme autorisé par les loix dans Socrate avoit pour Alci iade, plufieurs villes. Ce fage efcrivain A'civiade, & Xenophon erit que ces amon- impute à la defbauche des autres reux vivoient avec ceux qu'ils ai- peuples le refus qu'ils faifoient moient, comme un pere avec fes de croire la fagefse & la vertu enfants, & un frere avec fes fre- des Lacedemoniens fur cet ares. Je fçai pourtant bien, adjouf- mour des garçons, & ce jugete t'il, que beaucoup de gens n'en ment eft trés remarquable. veulent rien croire, & je n'en fuis

nes

Amants des jew-
Spartiates, qui

ils eftoient

Les enfants ne

eux-mefmes, mais avec autant de foin & d'affection, que s'ils eussent esté veritablement les maistres, les gouverneurs & les peres de tout ce qu'il y avoit là d'enfants. Ainfi en quelque lieu que fuffent ces jeunes gens, ils n'eftoient doivent pas eftre jamais un feul moment fans avoir quelqu'un un feul moment pour les reprendre & pour les chastier, s'ils faiqui puifle les corri foient quelque faute. Outre cela ils avoient pour gouverneur un des plus honnestes hommes de la ville & des plus qualifiez, qui eftabliffoit fur chaque troupe le plus fage & le plus courageux des Irenes. Ils appellent Irenes, les à-dire qui vont de- garçons qui depuis deux ans font hors de l'enfance, & Mellirenes, les plus âgez des enfants.

fans quelqu'un

ger & les repren dre.

Mellirenes d'eft

venir Irenes.

Çet Irene donc âgé de vingt ans eftoit dans les gueres le Capitaine de fa bande, & en pleine paix, il s'en fervoit dans fa maison & leur commandoit comme à fes efclaves. Les plus grands & les plus forts portoient le bois pour faire le souper, & les plus petits & les plus foibles portoient les herbes, qu'ils alloient derober danş les jardins & dans les falles à manger, où ils fe gliffoient le plus finement & le plus fubtilement qu'ils pouvoient; & s'ils eftoient descouverts,

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Qui establisfoit fur chaque claffe le plus fage & le plus courageux des Irenes.] Cet Irene n'avoit d'autorité qu'en l'abfence du Gouverneur, & lorfqu'il n'y avoit point d'autre Citoyen prefent,

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