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fuite modeftement dans la chambre où il avoit accouftumé de coucher avec les autres jeunes gens & continuoit tousjours de mefme, paffant les jours & les nuits avec fes camarades, & n'allant voir fa femme qu'à la derobée, & avec toutes les precautions poflibles, pour n'avoir pas la honte d'eftre apperceu. La jeune mariée de fon cofté ne s'efpargnoit pas à chercher des ruses & des stratagemes, qui leur donnassent lë moyen de se trouver ensemble sans qu'on les vist. Ce commerce fecret duroit quelquefois fr long-temps, que trés fouvent des maris avoient des enfants, avant que d'avoir veu en public leurs femmes. Toutes ces difficultez ne les accouftumoient pas feulement à la temperance & à la fageffe,elles leur rendoient encore le corps vigoureux & fecond, & entretenoient tousjours nouvelle l'ardeur de leurs premiers feux, de maniere qu'ils estoient tousjours auffi amoureux que le premier jour, & nullement rassasiez, ni languiffants,comme ceux qui font toûjours prés de leurs femmes avec une entiere liberté & fans aucune contrainte, car en fe quittant, ils fe laiffoient l'un à l'autre un refte de flamme trés-vive & un merveilleux defir de fe revoir.

Aprés avoir eftabli une fi grande pudeur &

Avec une entiere libe té & fans tienne, a, ari novevious, par aucune contrainte. ] Il y a dans le ces commerces libres & fans contexte aialu xoriç. le mot trainte. Et cette correction eft aaj ne peut avoir lieu icy, il confirmée par un manuscrit, faut corriger comme Henri Ef

de femme.

un fi bon ordre dans le mariage, il travailla à Jalouse,maladie en bannir toute vaine jaloufie, qui n'eft qu'une maladie de femme, en faifant paffer pour hon nefte & raisonnable, non-feulement de chaffer de fon ménage les defordres & les violences, Honteux expe- mais encore de permettre à ceux qui en efadultere pour toient dignes d'avoir des enfants en commun, bannir la jalousie. & fe mocquant de ceux qui poursuivent &

dient de permettre

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Xenophon adjoufte,

vengent par des meurtres & par des guerres fanglantes le commerce qu'on a avec leurs femmes. Un vieillard donc, qui avoit une jeune femme, & qui connoiffoit quelque jeune homme bien fait & bien né, pouvoit, fans bleffer les loix ni la bienfeance, le mener coucher avec elle, & l'enfant, qui naissoit d'une race fi noble & fi genereufe, il pouvoit le recevoir & l'avouer comme s'il eftoit à luy. D'un autre cofté un homme bien fait & bien né & qui ne vouloir qui voyoit à un autre une femme fort belle, pas le marier. Ce fort fage & d'une taille à porter de beaux enfants, pouvoit de mefme demander au mari la permiflion de coucher avec elle pour avoir des enfants bien faits & bien formez, qui des deux coftez viendroient de ce qu'il y avoit de meilleur & de plus honncfte; Car premierement Les enfants ap- Lycurgue pretendoit que les enfants n'appartenoient pas en particulier aux peres, mais à l'Eftat. C'est pourquoy il vouloit que fes Citoyens eussent pour peres les plus gens de bien, & non pas les premiers venus & des hommes ordinaires.

qui paroift remar

quable.

partiennent à l'ES

tat

peres

non pas aux

ordinaires. D'ailleurs il trouvoit beaucoup de fotAveuglement de tife & de vanité dans les ordonnances, qu'avoient Lycurgue, fait fur les mariages les autres Legiflateurs, qui. cherchoient pour leurs chiennes les meilleurs chiens, &pour leurs juments les meilleurs eftelons, n'espargnant ni soin ni argent pour les avoir de leurs maiftres, & qui renfermoient leurs femmes dans leurs maisons & les tenoient là captives, afin qu'elles n'euffent des enfants que d'eux, quoy qu'ils fuffent fouvent infenfez, dans un âge caduque, ou valetudinaires, comme fi ce n'eftoit pas le malheur & le dommage des peres & des meres, que les enfants naissent ainfi defectueux & contrefairs, pour avoir efté engendrez de perfonnes tarées, & au contraire leur bonheur & leur

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chevaux, nous cherchons les meil-
leures races; & quand il s'agit de
choisir une femme, ou un mari, on
prend tout ce qu'il y a de plus mef-
chant, pourveu qu'il foit riche.
Aprés lui Platon en a voulu pro-
fiter, car il dit à Glaucon dans le
v. Liv. de la Republique: Vous
nourriffez chez vous beaucoup de
chiens de chaffe. Mais cherchez-
vous à avoir des petits des uns &
des autres indifferemment, & n'a-
vez-vous pas grand foin de n'avoir
de la race que des meilleurs & des
plus excellents, de peur que la race
de vos chiens ne s'abatardiffe? Mais
l'application du Poëte eft beau-
coup plus jufte & plus conforme
à la raifon, que celle du Legisla-
teur & que celle du Philofophe.
Ff

Mais il y eftoit

tre trop commun.

avantage, quand ils naiffent bienfaits & bien conditionnez pour eftre fortis de parents bien sains & bien robuftes. C'est ainfi que l'on fe conduifoit en cela par des raifons politiques & phyfiques; & tant s'en faut que cette conduite rendift les femmes auffi faciles qu'elles le furent dans la fuite, l'adulinconnu pour y ef- tere n'y eftoit pas feulement connu. L'on conte à ce fujet le mot d'un ancien Spartiate, appellé Geradas; Un estranger lui ayant demande, qu'elle peine on faifoit fouffrir en fon pays aux adulteres? Mon ami, lui dit-il, il n'y a point d adultere chez nous. Mais s'il y en avoit ? repliqua l'eftranger. Alors, reprit Geradas, il feroit condamné à payer un La plus haute taureau, qui du fommet du mont Taigete puft boire dans le pays. On defcou- la riviere d'Eurotas. Bon, reprit l'eftranger, tout vroit de-là tout le eftonné, Eh! comment pourroit-on trouver un taureau de cette grandeur? Geradas lui refpondit en sous

montagne de tout

Peloponese.

avoit entre celles-cy & les premieres, c'eft que les premieres attendoient qu'on les demandast, & que leurs maris leur donnaffent l'ordre, au lieu que les dernieres n'y faifoient pas tant de façon.

Et tant s'en faut que cette conduite rendift les femmes auffi faciles qu'elles le furent dans la fuite.] Je ne vois pas quelle plus grande facilité on auroit peu fouhaiter; on n'avoit qu'à les demander, la facilité n'eftoit-elle pas affez grande ? Il eft vray que les fem- L'adultere n'y eftoit pas seulement mes, qui vinrent enfuite, furent connu. ] Il n'y eftoit pas connu incomparablement plus defbau- mais il y eftoit commun. Il y efchées; car depuis que leurs ma- toit inconnu fous le nom de criris, occupez trop long-temps au me, & il y eftoit ordinaire fous fiege de Meffene, eurent envoyé le nom d'amour du public. Il n'y leurs efclaves à Lacedemone pour a rien de plus aifé que de rendre tenir leurs places chez eux & re- les villes vertueuses, quand on parer par-là leurs pertes, elles fe voudra renverfer ainsi l'idée juste proftituerent à tous venants. des chofes, & donner au vice le Mais la feule difference qu'il y nom de vertu.

fants.

On appelloit ainfi les falles publiques pour parler d'affai

où l'on s'affembloit

res ou de nouvelles.

riant, Eh! comment pourroit-on trouver à Sparte un adultere? Voilà ce qui s'obfervoit fur les mariages. Les peres n'eftoient pas les maiftres d'élever Education des enleurs enfants à leur fantaisie; mais fitoft qu'un enfant estoit né, il falloit que le pere le portaft lui-mesme dans un lieu appellé Lefché, où les plus anciens de chaque tribu, qui y eftoient affemblez, le vifitoient, & s'ils le trouvoient bien formé, vigoureux & fort, ils ordonnoient qu'il fust nourri, & lui affignoient une des neuf mille portions pour fon heritage, & fi au contraire ils le trouvoient mal fait, delicat & foible, ils l'envoyoient jetter dans un lieu appellé les Apothetes, qui eftoit une fondriere prés du mont Taigete; car ils eftimoient qu'il n'eftoit expedient, ni pour lui, ni pour la Republique qu'il vefcuft, puifque dés fa naiffancel fe trouvoit compofé de maniere que de fa vie il ne pouvoit avoir ni force, ni fanté. C'eft pourquoy auffi les Sages-femmes ne lavoient pas dans l'eau les enfants naiffants, comme par tout ailleurs, mais elles les lavoient

Ils l'envoyoient jetter dans un lien appelle les Apothetes. ] C'eftà-dire, le lieu où l'on expofoit les enfants. Ariftote approuve cette deteftable ordonnance de Lycurgue, dans le VIII. Liv. de fes Politiques, où il efcrit: Quant aux enfants qu'on doit nourrir ou expofer, il faut faire une loy, qui défende d'en nourrir aucun qui foit imparfait,ou mutilé de fes membres, & dans les lieux où cette loy fe

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roit contraire aux loix du pays,
faut limiter le nombre d'enfants que
chacun doit avoir, & ensuite faire
blesser les femmes avant que les en-
fants ayent fentiment & vie ; car
ce feroit un crime horrible de le
faire aprés qu'ils feroient achevez
de former. Quelle ignorance &
quelle folie! Ariftote s'efloigne en
cela des veues de Platon, qui avoit
esté bien plus fage, comme je le
fais voir ailleurs.

Coustume d'exfer les enfants à

poser

Sparte.

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