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ciant mal-à-propos au privilege des Dieux immortels ce qui eft mortel de la nature. Veritablement il y a de l'impieté & de la bassesse à nier la divinité de la vertu; mais de vouloir mesler la terre avec le ciel, voilà ce qui cft extravagant & ridicule.

Erreur de Plu÷ tarque.

Plutarque ap

de l'ame une verité

Laiffant donc tous ces contes vains, arrestonsnous à cette verité conftante, qu'aprés que le corps, comme dit Pindare, a esté la proye de la pelle l'immortalité mort, l'ame triomphe d'elle, demeure feule image conftante. vivante de l'éternité. Comme elle eft la feule qui vient des Dieux, elle eft auffi la feule qui y retourne, non pas avec le corps, mais après qu'elle en est separée, qu'elle est devenuë fimple & pure, & qu'elle ne tient plus rien de la chair; car l'ame feche, comme dit Heraclite, eft la plus excellente, elle fe deftache du corps, phe qui vivoir comme un esclair s'eflance de la nue; au lieu que Pythagore. celle qui est meslée & deftrempée avec le

corps,

& qui n'eft, pour ainfi dire, que de chair, reffemble proprement à une vapeur efpaiffe & pefante, qui ne s'enflamme que tres difficilement

avoit efté changée en pierre. Paufan.

ceue par des Payens aveugles.

Arreftons nous à cette verité conftante. ] Au lieu de fons & apandia;, Henry Eftienne a lû es pays, mais il n'est pas neceffaire de rien changer, Expresivne & copaycias, y ayant une feureté entiere.

Mais de vouloir mefler le ciel avec la térre, voilà ce qui eft extravagant & ridicule. ] Plutarque veut combattre par-là cette opinion, que les hommes puiffent eftre dans le ciel en corps & en ame; mais fon raifonnement. Car l'ame feche, comme dit Hen'en deftruit pas la verité, qui eft raclite.] Cette.ame feche eft fort trop fublime, pour avoir efté con- bien imaginée par un Philofophe.

Philofophe d'E

peu de temps aprés

leur vie comme ils

& ne s'eleve qu'avec peine. Il n'est donc nulles ment neceffaire de forcer la nature, en plaçant dans le ciel les corps des gens de bien avec leurs ames; il suffit d'eftre fortement persuadé que par la vertu leurs ames deviennent de leur nature & par l'ordre des Dieux, d'hommes, heLes hommes doi- ros, de heros, genies, & fi elles ont paffé toute vent vivre toute leur vie, comme les jours des faintes ceremovivent pendant les nies & des purifications, dans la pureté & dans l'innocence, fans avoir commis aucune œuvre mortelle, ni flechi fous le joug des paffions, de genies elles deviennent de veritables Dieux, & reçoivent la plus grande & la plus heureuse de toutes les recompenses, non pas par un Arrest public d'une ville, mais réellement & par des raifons qui fe tirent de la Divinité mefme.

jours les plus faints.

Car toute une ville peut se tromper.

Pour ce qui eft du furnom de Quirinus,

qui mettoit le feu pour premier
principe de toutes chofes.

Deviennent de leur nature &
par l'ordre des Dieux, d'hommes,
heros, de heros, genies,& fi, &c.
de genies, elles deviennent de ve-
ritables Dieux. ] Hefiode a dif-
tingué le premier ces quatre na-
tures, les hommes, les heros, les
genies, les Dieux; & fur cela les
Philofophes ont imaginé cette
gradation, & fi on l'ofe dire,
cet affinage des ames. Aprés la
mort elles deviennent heros, de
heros, aprés certaines revolutions,
elles deviennent demons ou ge-
nies, & fi elles ont vefcu trés-

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faintement pendant qu'el'es ont habité le corps, de genies, elles deviennent de veritables Dieux, aprés qu'elles ont achevé de fe purifier par la vertu; & jusqu'à ce qu'elles foient parvenuës à cette derniere perfection, elles peuvent retomber dans leurs premieres tenebres.

Et par des raisons qui fe tirent de la Divinité mefme. J Voilà une grande verité; car l'immortalité des Bienheureux eft une fuite neceffaire de la bonté & de la juf tice de Dieu. Plutarque n'a pas connu toute la beauté & toute l'eftenduë de ce principe,

qu'on donne à Romulus, les uns difent que c'est la mefme chofe que Mars; les autres affeurent qu'il vient de la mefme origine que celuy de Quirites, qui fut donné à ses citoyens; & les autres enfin pretendent que les Anciens appelloient le fer d'une pique, ou la pique mefme, Quiris; que la petite image de Junon, qu'on portoit au bout d'une pique, eftoit appellée l'image de Junon Quiritide; qu'on donnoit auffi le nom de Mars à la pique, qui eftoit confacrée dans le Palais de Numa; que ceux qui- Dans le Palais avoient le mieux fait dans les combats, eftoient appellé Regia. honorez d'une pique; & que pour toutes ces raifons Romulus fut furnommé Quirinus, c'està-dire le Dieu des armes & des combats. On luy confacra un Temple fur le mont, qui de fon nom fut appellé Quirinal.

Le jour qu'il difparut se nomme la fuite du peuple les Nones Caprotines, à cause du facrifice qu'on y fait hors de la ville prés du marais de la chevre. En allant à ce facrifice, ils prononcent avec de grands cris plufieurs de leurs noms propres, comme Marcellus, Caïus, &c. pour mieux imiter la fuite de ce jour-là, & la maniere dont ils s'appelloient les uns les autres dans le trouble & dans la frayeur. D'autres pretendent que ce n'eft nullement l'imitation d'une

On la pique mefme Quiris.] J'ay corrigé une faute qui eft dans le texte, au lieu de verer, j'ay lû Kue.

Comme Marcellus & Cains. Dans un manufcrit il y a Marcus au lieu de Marcellus. Et c'eft ainfi que Plutarque avoit efcrit.

fuite, & que tout cela fe pratique en memoire d'une grande hafte & d'une diligence extraordinaire, dont ils rendent une telle raifon : Aprés que les Gaulois, qui avoient pris Rome, eurent efté chaffez par Camillus, la ville fe trouva fr efpuifée & fi foible, qu'elle ne pouvoit se remettre. La pluspart des peuples Latins, profitant de cette occafion, fe liguerent ensemble, & avec une puissante armée, commandée par Lucius Pofthumius, ils allerent planter leur camp prés de Rome. D'abord ils envoyerent un heraut aux Romains pour leur dire que les Latins venoient à deffein de renouveller par de nouveaux mariages l'ancienne alliance qui eftoit entre eux, & qui s'en alloit presque esteinte, que s'ils vouloient donc leur envoyer leurs filles & leurs jeunes femmes veuves, ils auroient la paix, comme ils l'avoient euë par mefme moyen avec les Sabins. Les Romains,eftonnez de ce difcours, ne fçavoient à quoy fe refoudre. D'un costé ils craignoient la guerre, s'ils refufoient ce parti; & de l'autre ils voyoient bien que de livrer leurs filles & leurs femmes, ce n'eftoit rien moins que recevoir le joug, & fe rendre esclaves de ces peuples. Comme ils eftoient dans cette cruelle incertitude, une efclave nommée Philotis, ou felon d'autres Tutola, leur confeilla d'ufer de ruse pour eviter egalement la guerre & la honte de donner des oftages aux Latins. La ruse estoit, Qu'elle mesme & toutes leurs plus belles escla

ves richement parées feroient envoyées à leurs ennemis, comme fi c'eftoient les femmes & les filles qu'ils demandoient; Que la nuit elle leur éleveroit un flambeau allumé, & que les Romains, le voyant, fortiroient avec leurs armes, & fe deffairoient aifement de leurs ennemis, qu'ils trouveroient plongez dans un profond fommeil. Cela fut executé comme elle l'avoit dit. Les Latins donnerent dans le piege, & vers le milieu de la nuit Philotis éleva un flambeau fur un figuier fauvage, derriere lequel elle eftendit des couvertures afin que le flambeau fust veu de Rome fans eftre apperçeu du camp. Les Romains n'eurent pas plustoft veu le fignal, qu'ils fortirent en armes avec toute la diligence poffible, en s'entr'appellant les uns les autres au fortir des portes, comme c'eft la couftume, pour s'exciter. Ayant furpris leurs ennemis, ils en firent un grand carnage, & en memoire de cette victoire, ils celebrent, dit-on, cette feste, & l'on nomme ce jour-là les Nones Caprotines, à cause de ce figuier fauvage, que les Romains appellent Caprificus. Ce mefme jour on fait un feltin aux femmes hors de la ville, fous des ramées faites de branches de figuier, & les esclaves font une quefte fous ces ramées en jouant & en badinant. Enfuite elles fe frappent les unes les autres, & fe jettent des pierres en memoire du fecours qu'elles avoient donné aux Romains dans cette occafion; mais la pluspart

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