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par mer, quoyque ce fuft le chemin le plus
feur, & que fa mere & fon ayeul l'en priassent
avec de grandes inftances, parce qu'il y avoit
beaucoup de danger à aller par terre, n'y ayant
point de chemin qui ne fuft rempli de voleurs.
Car ce fiecle-là portoit des hommes d'une tail- Reftes des Geants,
le prodigieufe, & infatigables dans les plus grands
travaux, des hommes, qui en courage, en for-
ce, & en vistesse surpaffoient tous les autres, &
qui, bien loin d'employer ces dons de la Nature
à des chofes honneftes & utiles, prenoient plai-
fir à commettre toutes fortes d'infolences & d'in-
justices, & faisoient consister tout le fruit, qu’-
ils pouvoient tirer de leur puissance, à affouvir
leur cruauté, & à fousmettre, à forcer, & à de-
ftruire tout ce qui tomboit entre leurs mains.
Ils eftoient perfuadez qu'on ne louë la Pudeur,
la Justice, l'Equité & l'Humanité, que par foi-
bleffe de courage, pour n'ofer commettre des
injustices, ou de crainte d'en fouffrir; & que
ces qualitez, tant vantées, ne doivent point estre

MADAME, qui a ramaffé avec quelle on descouvre l'efpée & les
beaucoup de foin un grand nom- fouliers qu'Egée y avoit enterrez.
bre des plus belles medailles & au- La graveure de cette cornaline
tres monuments antiques, dont eft d'un gouft exquis & d'une
Elle juge auffi finement & avec beauté parfaite.
autant de connoiffancé que les Car ce fiecle-là portoit des hom-
plus fçavans Antiquaires, m'a mes d'une taille prodigieufe. ] C'ef
fait l'honneur de me monftrer toient des reftes des Geants, dont
dans fon Cabinet une cornaline il eft parlé dans l'Escriture, &
antique où cette hiftoire eft gra- qui ne reconnoiffoient d'autre
vee. On y voit le jeune Thefée Loy de juftice, que leur propre
lever une pierre énormé fous la- force.

le partage de ceux qui ont la force de leur cofté. Hercule dans fes voyages en extermina une grande partie, & les autres, efpouvantez, se cachoient dans leurs cavernes lorfqu'il paffoit, & n'ofoient paroiftre, de forte qu'Hercule, les voyant abbatus, les mefprifa & ne fe donna plus la peine de les pourfuivre. Mais aprés furieux twa Iphi- malheur qui luy arriva de tuer Iphitus, il passa en Lydie, où il fervit long-tems la Reyne Òmdes murs de Tirin- phale, s'eftant luy-mefme impofé cette peine Dans l'Afe Mi- felon la coutume de ce temps-là. Alors, pendant rie laLydie. que la Lydie joüiffoit d'une profonde paix, & Jardanus & femme que tout y eftoit en fûreté, on vit renaistre de Exil volontaire, tous coftez en Grece les premiers defordres,

Hercule devenu

tus Roy d'Oechalie,

en le precipitant

the.

neure entre la Ca

Omphale fille de

de Tmolus.

parce qu'il n'y avoit perfonne qui pust ni les punir, ni les reprimer. Voilà pourquoy tous les chemins, par où on pouvoit aller par terre du Peloponese à Athenes, eftoient trés-dangereux. Pitthée donc n'oublioit rien pour faire changer de dessein à Thesée, & pour l'obliger d'aller par mer. Il luy peignoit tous ces brigands l'un

S'eftant luy-mefme impofé cette retiraft jufqu'à la mort du grand peine felon la coustume de ces temps- Sacrificateur. Hercule alla d'alà. ] Ceux qui avoient commis bord à Pylos chez Nelée, & dequelque meurtre, s'exiloient vo- là à Amycles, où il fut expié par lontairement de leur pays, & s'im- Deiphobus, fils d'Hippolyte;mais pofoient certaines peines, jufqu'à eftant devenu extremement mace qu'ils fuffent expiez; & cette lade & ayant confulté Appollon, couftume venoit fans doute en il luy fut refpondu, que les maux partie des anciens Hebreux, à qui ne cefferoient qu'aprés qu'il auDieu avoit cftabli des villes de re- roit efté trois ans efclave; c'eft fuge, afin que celuy qui avoit pourquoy il fut vendu à Omtué quelqu'un par mégarde, s'y phale. Apollod. Liv. 11.

aprés l'autre, & luy racontoit tous les traittements qu'ils faifoient aux Eftrangers, mais il y avoit déja long-tems que la gloire & la vertu d'Hercule luy avoient fecrettement enflammé le courage. Il n'eftimoit rien au prix de ce heros, & eftoit tousjours preft à efcouter ceux qui luy racontoient quel personnage c'estoit, & fur tout ceux qui l'avoient vû & qui pouvoient luy apprendre quelque particularité de sa vie, dont ils eussent efté les tefmoins. Alors on voyoit manifestement qu'il fouffroit les mefmes agitations & le mesme travail d'efprit, que fouffrit long-temps aprés luy Themistocle, quand il dit que les trophées de Miltiade ne le laiffoient point dormir. Aufli l'admiration, que luy donnoit la vertu d'Hercule, faifoit que fes actions luy revenoient la nuit en fonge, & qu'elles le piquoient le jour d'une noble émulation, & excitoient en luy un violent defir de l'imiter.

La parenté, qui eftoit entr'eux, augmentoit Parenté d'Herencore fa jaloufie; car ils eftoient fils de deux cule & de Thesée. coufines germaines, fa mere Athra estant fille de Pitthée, & Alcmene, fille de Lyfidice. Or Lyfidice & Pitthée eftoient tous deux enfants d'Hippodamie & de Pelops. Il trouvoit donc que ce feroit une chofe honteufe & infupportable, qu'Hercule euft cherché par tout le monde les Brigands, qu'il en euft purgé la terre & la mer, & que pour luy, il évitast mesme ceux qui fe prefentoient fur fon chemin, que

par ce lasche embarquement il deshonoraft la memoire de celuy, que le bruit du peuple faifoit paffer pour fon pere, & qu'il ne portast à son veritable pere, pour toutes enfeignes, que des fouliers, & une efpée, qui ne connoiffoit pas encore le fang; au lieu de luy prouver la noblesse de fon extraction par de grands exploits, & par des actions immortelles. Avec des fentiments fi élevez, & plein de ces reflexions, il se mit en chemin, refolu de n'attaquer perCarla veritable fonne, mais de repouffer courageufement tous force ne confiftens les outrages & toutes les violences qu'on luy

à violen

ces, mais à les re- feroit.

pouffer.

D'Epidaure de l'Argolide fur le

ronique, eft le che

,

Comme il paffoit par les terres d'Epidaure, bord du Golphe Sa- Periphetes, qui avoit une massuë pour armes min de Troezene à & qui à caufe de cela eftoit appellé le Porteur de Corynetes, fils maffuë, eut l'infolence de mettre la main fur de Vulcain & luy & de l'arrefter; Thefée le combattit & le massuë estoit d'ai- tua, & ravi d'avoir gagné cette maffuë, il la

L'Ifthme.

d'Anticlie, fa

rain,

porta tousjours, comme Hercule porţa la peau de lion. Cette peau fervoit à faire connoiftre l'énorme grandeur de la befte, qu'Hercule avoit tuée ; & la maffuë, que portoit Thefée, faifoit voir qu'elle avoit pû eftre prife entre les mains de Periphetes, mais qu'elle eftoit devenuë impreEntre le Golphe nable entre les fiennes. De là traversant l'Ifthme de Corinthe &le de Corinthe, il punit Sinnis, le Ployeur de Pins,

Golphe Saronique.

Il punit Sinnis le ployeur de pins, de la même maniere dont ce Ġeant avoit fait mourir ceux qu'il avoit vaincus.] Quand ce Geant avoit

vaincu quelqu'un, il courboit deux pins, attachoit à chacun un bra: & une jambe de ce miferable, & laschoit en mefme temps ces ar

de

l'art de l'exer

de la mesme maniere dont ce Geant avoit fait Pityocampte.
mourir plufieurs paffants. Ce n'eft pas qu'il euft
jamais appris rien de femblable, ni qu'il s'y fuft
exercé; mais il fit voir par cet effay que la ver- La vertu est tous-
tu eft tousjours au deffus de l'art & de l'exercice. jours au-deffus de
Ce Sinnis avoit une grande fille fort belle, cice.
nommée Perigone, qui avoit pris la fuite
voyant son pere mort; Thefée couroit de tous
coftez pour la chercher; mais elle s'eftoit jettée
dans un bois efpais tout plein de roseaux & d'af-
perges fauvages, qu'elle prioit avec une fimpli-
cité d'enfant, comme s'ils l'euffent entenduë,
les conjurant de la bien cacher & de l'empef-
cher d'eftre apperçue, & leur promettant avec
ferment, que s'ils luy rendoient ce service, elle
ne les arracheroit, ni ne les brufleroit jamais.
Cependant Thefée l'appelloit & luy donnoit fa
parole qu'il auroit foin d'elle, & qu'il ne luy
feroit aucun déplaifir. Perigone, touchée de fes
promeffes, fortit du milieu de fes broffailles, &
alla fe rendre à luy. Thesée en eut un fils, qui
fut appellé Menalippe. Il la donna enfuite en
mariage à Deionée, fils d'Eurytus, Roy d'Oecha Perigone & pere
lie. De ce Menalippe nafquit Joxus, lequel avec

bres, qui emportoient les membres ne me fouviens pas d'avoir rien
qu'on y avoit attachez. Paufanias
efcrit, que de fon temps, fous le
Regne d'Adrien, on voyoit en-
core un de ces pins prés du rivage.
Dece Menalippe nafquit Joxus,
Lequel avec Ornytus fut Chef de la
salonie qu'on mena en Carie.] Je

lû ailleurs de cette colonie, ni de
cette famille des Joxides. Il pa-
roift par quelques paffages de
Strabon, que lesGrecs s'eftablirent
à diverfes fois dans la Carie. Je ne
fçay où Amiot a pris que Joxus
baftit la ville des Joxides. Plutar-
C

Menalipppe, fils de Thefée de

d'Ioxus.
Il y avoit trois
Villes de ce nom,

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