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nopces. Cependant la plupart des Auteurs croyent, & Juba eft mefme de cette opinion, que ce mot n'eftoit qu'une exhortation, qu'on faifoit aux mariées, d'aimer le travail, qui consiste à filer de la laine, que les Grecs appellent Talaffia; car en ce temps-là, la langue Grecque n'avoit pas encore efté corrompue par les mots Latins. S'il eftoit vray que les Romains se servissent alors du mot Talaffia comme nous, on pourroit trouver une raifon plus vraysemblable de cette couftume; car les Sabins voulurent expreffement, que dans le traité de paix, qui fut fait avec les Romains aprés la bataille, on y mist cet article formel, que leurs filles ne seroient obligées de faire autre chofe dans la maifon de leurs maris, que de filer de la laine. Il y a donc bien de l'apparence, qu'à toutes les nopces, qui fe font faites depuis, le de la mariée, ceux qui la conduifoient, & ceux qui estoient prefents, n'ont pas manqué de crier nouille & un fuTalaffius par maniere de jeu, & pour faire fou- fur de la laine, & venir l'efpoux du feul fervice que luy devoit environnoient de rendre la femme qu'on menoit chez luy. De-là maison, vient auffi, ce qu'on observe encore de nostre temps, que la nouvelle Mariée ne passe pas

pere

n'eft qu'un meflange de la langue
Grecque & de la langue du pays,

Car en ce temps-là la langue Grecque n'avoit pas encore efté corrompue par les mots Latins.] Elle & fa prononciation viticule fait ne fe corrompit que long-temps

qu'elle approche plus du langa

aprés par le meflange des langues ge Eolique, que de tous les aueftrangeres; car la langue Latine tres dialectes Grecs.

C'est pourquoy les la premiere fois qu'elles alloient chez leur mary,

nouvelles mariées

portoient une que

Sean, s'affeyoient

d'elle-mefme & volontairement le feuil de la maison de fon mari, la premiere fois que l'on l'y mene; mais on la porte en memoire de ce que les Sabines furent enlevées & portées par force dans la maison des premiers Romains. Il y a mesme des Escrivains, qui pretendent que la coiffure des nouvelles Mariées, qui fe fait coiffées avec un ja- avec la pointe d'un javelot, vient de la mesme origine, , pour marquer par-là que les premiers mariages fe firent à la pointe de l'efpée & par des combats; mais c'eft dequoy nous avons Question 87. amplement traité dans nos Livres des questions

Nouvelles mariées

velot au lieu d'ai

guille de tefte.

Car Bannée com

de Mars.

Romaines.

Cet enlevement fut fait vers le dix-huitiéme jour du fixième mois, qu'on appelle presentement Aouft, auquel jour on celebre encore les mensoit par le mois feftes appellées Confualia. Or les Sabins eftoient en fort grand nombre, & d'ailleurs fi belliqueux, qu'ils habitoient dans des bourgs fans murailles, perfuadez qu'il n'appartenoit qu'à eux d'eftre fiers & de ne rien craindre, parce Sabins, defcen- qu'ils descendoient d'une colonie de LacedeLa coiffure des nouvelles mariées, fon mari toutes fortes de dangers. qui fe fait avec la pointe du jave- Appellers Confualia. ] Čette lot. Ce javelot eftoit appellé fefte eftoit en ufage en Arcadie, celibaris hasta; & il falloit qu'il & on l'appelloit Hippocrateias euft efté dans le corps d'un gla- pendant cette fefte, qui eftoit de 'diateur; on peut voir ce que Plu- plufieurs jours, on laissoit en retarque dit de cette couftume dans pos les mulets & les chevaux, & fes Queftions Romaines, Queft. on les couronnoit. 87. J'y adjoufterois que c'eftoit peut-cftre pour marquer à la mariée qu'elle devoit partager avec

dus d'une colonic de Lacedemoniens.

Parce qu'ils defcendoient d'une colonie de Lacedemoniens.] Les Sabins contoient dans leur hiftoi

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moniens; mais comme ils avoient les mains liées par les gages precieux, que les Romains leur avoient enlevez, & qu'ils craignoient de faire maltraiter leurs filles, ils prirent le parti d'envoyer à Romulus des Ambaffadeurs qui luy firent des propofitions fort équitables, de rendre leurs filles, de renoncer à la force ouverte, & de rechercher leur amitié & leur alliance dans les formes & par les voyes de la douceur. Romulus refufa de rendre les Sabines, & infifta à exhorter les Sabins à donner leur confentement & à recevoir les Romains pour gendres.

Pendant que tous les autres Sabins perdoient le temps à deliberer, & ne fe preparoient qu' avec lenteur, Acron, Roy des Ceninéens, Ĉa- Peuples de l'anpitaine plein de valeur & d'experience, qui dés cien Latium. le commencement avoit eu pour fufpectes les premieres entreprises de Romulus, & qui fur cet enlevement des Sabines, s'eftoit confirmé dans la penfée, que ce feroit un voisin fort redoutable, & qu'on ne pourroit enfin supporter, fi l'on ne reprimoit fon audace, leva le premier l'eftendard contre les Romains, & parut avec une puissante armée. Romulus fortit à sa ren

re, que lorfque Lycurgue donna fes loix aux Lacedemoniens, beaucoup de Spartiates ne pouvant fouffrir leur trop grande feverité, prirent le party d'aller chercher d'autres terres où ils peuffent vivre avec plus de dou

ceur; qu'ils aborderent à Pometia
où ils s'eftablirent, & que quel-
ques-uns d'entr'eux allerent de-là
au pays des Sabins, fe joignirent
avec fes habitants, & leur don-
perent leurs couftumes,

Romulus tue

Acron.
Canina.

contre. Quand les deux Chefs furent en pre-
fence, & qu'ils purent se mesurer des yeux,
ils fe défierent en combat fingulier au milieu
des deux armées, qui cependant demeureroient
tranquilles. Romulus fit fa priere à Jupiter
& voüa de luy confacrer les armes de fon en-
nemi, s'il lui en donnoit la victoire. Sa priere
fut exaucée, il tua Acron, mit fon armée en
deroute, & prit sa Ville capitale, où tout le
mauvais traitement qu'il fit aux habitants, fut
de leur ordonner d'abattre leurs maifons & de
fe retirer à Rome, où il leur donneroit les mes-
mes droits qu'à fes Citoyens; & rien n'a tant
contribué à agrandir cette fuperbe Ville,que d'at-
tirer ainfi tous les peuples, qu'elle avoit vaincus.

Cependant Romulus, qui penfoit à s'acquitter de fon vou, & qui cherchoit à rendre fon offrande agreable à Jupiter, & à divertir en mefme temps le peuple par la nouveauté du fpectacle, fit abattre un grand chefne, qui eftoit dans fon camp, le fit tailler, & en fit un Ce que c'est qu'- trophée en l'habillant des armes d'Acron. Aprés quoy veftu d'une robe de pourpre, & ayant fur fes longs cheveux une couronne de laurier, il chargea le trophée sur son efpaule droite, suivi de fon armée magnifiquement parée, avec laquelle il chantoit des cantiques de victoire. IĮ

un Trophée.

D'abbatre leurs matjons & de fe retirer à Rome. ] Denys d'Halicarnaffe dit qu'il laiffa le choix aux habitants de demeurer dans

leur ville, ou d'aller à Rome, & qu'il prit feulement le parti d'y envoyer une colonie de trois cents Romains; & cela eftoit

ruës, il y avoit des

vin.

phes.

marcha en cet eftat vers Rome, où il fut receu avec toutes les marques les plus fenfibles de joye Dans toutes les & d'admiration. Cette pompe a efté l'origine rables dres & le modele de tous les triomphes; On appella des vaiseaux de ce trophée l'Offrande de Jupiter Pheretrien, parce origine des triomque Romulus avoit demandé de frapper Acron, & que les Latins difent ferire, pour frapper. Varron dit que ces fortes de defpoüilles font appellées opimes, du mot ops qui fignifie richesses; mais il y auroit plus d'apparence de dire qu'elles ont nommées. eu ce nom du mot opus, qui fignifie action; car il n'y a que les Generaux d'armée, qui ont tué de leur main le Chef des ennemis, qui ayent la permiflion de confacrer ces defpoüilles opimes; ce qui n'eft encore arrivé qu'à trois Ca

beaucoup plus fcur; car par ce moyen il gagnoit les uns & les autres, & ceux qui allerent à Rome, & ceux qui demeurerent dans leurs maifons; & fi parmi ces derniers il y avoit des feditieux & des mutins, il s'affeuroit d'eux par fa colonie, qui eftoit une efpece de garnifon.

Et que les Latins difent ferire pour fraper.] Ce mot n'eftoit pas encore en ufage à Rome; Jupiter fut appellé Pharetrien du mot Grec Pher trum, qui fignifie proprement un trophée, un tronc d'arbre que l'on habille des armes de fon ennemi, Tite Live l'appelle ferculum. Spolia Ducis hoftium cafi, fabricato ad id aptè ferculo, gerens. Il fignifie auffi une espece de char.

Sont appellées opimes du mot ops. ] Ops mot Sabin, qui fignifie la terre qui produit tous les biens, c'eft pourquoy il a efté pris auffi pour richeffe, puiffance, & c'eft la veritable origine & la veritable fignification d'opima fpolia, riches defpoüilles, comme le doivent eftre les defpoüil'es d'un General. Voyez Feftus fur le mot opima fpolia. L'étymologie, que Plutarque tire du mot opus, ne peut eftre que fauffe, puifque le mot opus eftoit encore alors auffi inconuu aux Romains, que le mot ferire.

Car il n'y a que les Generaux d'armée, qui ont tué de leur main le General des ennemis, qui ayent la permiffion de confacrer les defpouilles opimes. ] Plutarque fuit

Defponilles opimes, quelles,

pourquoy ainfi

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