Nos morts contemporains ...

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Hachette et cie., 1884
 

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Page 301 - Mélampe, je décline dans la vieillesse, calme comme le coucher des constellations. Je garde encore assez de hardiesse pour gagner le haut des rochers où je m'attarde soit à considérer les nuages sauvages et inquiets, soit à voir venir de l'horizon les Hyades pluvieuses, les Pléiades ou le grand Orion; mais je reconnais que je me réduis et me perds rapidement comme une neige flottant sur les eaux , et que prochainement j'irai me mêler aux fleuves qui coulent dans le vaste sein de la terre.
Page 296 - ... prendre leur course et faire à qui franchirait le mieux la tête noire des écueils. Les plus hardies ou les plus lestes sautaient de l'autre côté en poussant un grand cri ,• les autres, plus lourdes ou plus maladroites, se brisaient contre le roc en jetant des écumes d'une...
Page 293 - J'ai vu le printemps, et le printemps au large, libre, dégagé de toute contrainte, jetant fleurs et verdure à son caprice, courant comme un enfant folâtre par nos vallons et nos collines, étalant conceptions sublimes et fantaisies gracieuses, rapprochant les genres, harmonisant les contrastes à la manière ou plutôt pour l'exemple des grands artistes.
Page 310 - L'âme qui vous est unie, qu'at-elle à craindre? Ne vous aimerais-je pas, mon Dieu, unique et véritable et éternel amour? Il me semble que je vous aime, comme disait le timide Pierre, mais pas comme Jean, qui s'endormait sur votre cœur. Divin repos qui me manque! Que vais-je chercher dans les créatures? Me faire un oreiller d'une poitrine humaine, hélas! j'ai vu comme la mort nous l'ôte. Plutôt m'appuyer, Jésus, sur votre couronne d'épines.
Page 275 - Si l'on pouvait s'identifier au printemps, forcer cette pensée au point de croire aspirer en soi toute la vie, tout l'amour qui fermentent dans la nature! se sentir à la fois fleur, verdure, oiseau, chant, fraîcheur, élasticité, volupté, sérénité! Que serait-ce de moi? 11 ya des moments où, à force de se concentrer dans cette idée et de regarder fixement la nature, on croit éprouver quelque chose comme cela.
Page 291 - Rencontre d'un site assez remarquable par sa sauvagerie : le chemin descend par une pente subite dans un petit ravin où coule un petit ruisseau sur un fond d'ardoise, qui donne à ses eaux une couleur noirâtre, désagréable d'abord, mais qui cesse de l'être quand on a observé son harmonie avec les troncs noirs des vieux chênes, la sombre verdure des lierres, et son contraste avec les jambes blanches et lisses des bouleaux. Un grand vent du nord roulait sur la forêt et lui faisait pousser de...
Page 283 - ... l'œil assez sûr pour sonder l'abîme de la science philosophique; je craindrais quelque vertige, et d'ailleurs je n'ai pas l'âme assez austère pour m'enfermer exclusivement dans les abstractions. J'ai besoin du grand air; j'aime à voir le soleil et les fleurs. Aussi ferai-je comme le plongeur qui pêche les perles : je remonterai emportant mon trésor, et l'imagination en fera son profit.
Page 290 - ... la vie. Les fruits ont noué, ils aspirent l'énergie vitale et reproductrice qui doit mettre sur pied de nouveaux individus. Une génération innombrable est actuellement suspendue aux branches de tous les arbres, aux fibres des plus humbles graminées, comme des enfants au sein maternel. Tous ces germes, incalculables dans leur nombre et leur diversité, sont là suspendus entre le ciel et la terre dans leur berceau et livrés au vent qui a la charge de bercer ces créatures. Les forêts futures...
Page 344 - ... comme quand tu étais à Paris. Mon ami, est-il vrai, ne te reverrons-nous plus nulle part sur la terre? Oh! moi je ne veux pas te quitter; quelque chose de doux de toi me fait présence, me calme, fait que je ne pleure pas. Quelquefois larmes à torrents, puis l'âme sèche. Est-ce que je ne le regretterais pas? Toute ma vie sera de deuil, le cœur veuf, sans intime union.
Page 277 - Les fleurs sont ternies et comme chiffonnées, tout est affligé. Je suis plus triste qu'en hiver. Par ces jours-là, il se révèle au fond de mon âme, dans la partie la plus intime, la plus profonde de sa substance, une sorte de désespoir tout à fait étrange ; c'est fcomme le délaissement et les ténèbres hors de Dieu!

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